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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Paul, Émile, Constantin, Gianni naît le 19 février 1922 à Paris 15e, chez ses parents, Pierre Gianni, 25 ans, employé de commerce, et Rose Martini, 27 ans, son épouse, domiciliés au 10 rue Desnouettes. Il a un frère cadet, Antoine, Camille, né le 12 juin 1923 à Paris.

Au moment de son arrestation, Paul Gianni est domicilié chez ses parents au 14, rue de Vichy à Paris 15e, avec son frère. Il est célibataire et étudiant au Lycée Buffon, dans le même arrondissement.

Le lycée Buffon dans les années 1900. Carte postale retouchée. Collection Mémoire Vive.

Le lycée Buffon dans les années 1900.
Carte postale retouchée. Collection Mémoire Vive.

Sous l’occupation, Paul Gianni adhère aux Jeunesses communistes clandestines : il appartient à un “triangle” formé de trois garçons, lui-même, Jean Christian – ancien condisciple de son frère – et Jean Nicolaï, placé sous l’autorité d’une responsable, Jeannine Gagnebin, 17 ans [1]. Son groupe du 15e arrondissement fabrique des tracts et des papillons qu’ils distribuent et qu’ils collent. Leur chef de secteur serait Georges Citerne (pseudo « Éric »), alors responsable de la diffusion de la propagande dans le 15e arrondissement.

Dans la nuit du 15 décembre 1940, vers 22 heures, alors que Camille Gianni, son frère, et Jean Christian collent des affiches dans la rue des Volontaires (« Pour que vos enfants aient du pain »), ils sont surpris par une patrouille d’agents cyclistes. Camille parvient à s’enfuir, mais Jean Christian est appréhendé. Interrogé par le commissaire de police de la circonscription lors de la perquisition opérée à son domicile et devant les preuves qui l’accablent, le jeune homme livre toutes les informations qu’il possède sur son groupe.

Le 18 décembre 1940, Paul Gianni est arrêté à son domicile par des agents du commissariat de son quartier (Saint-Lambert), en même temps que son frère Camille, Jeannine Gagnebin, une jeune femmes et deux autres garçons (dont Jean Nicolaï). Inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 par un juge d’instruction du tribunal de première instance de la Seine, tous sont placés sous mandat de dépôt. Paul Gianni est conduit à la Conciergerie, située sous le Palais de Justice. Le lendemain, il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 11 janvier 1941, lors du procès verbal d’interrogatoire et de confrontation, les frères Gianni sont assistés par Maître Rolnikas.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 1er mars, les cinq garçons et les deux jeunes filles comparaissent devant la chambre des mineurs (la 15e) du Tribunal correctionnel de la Seine. Celle-ci condamne Paul Gianni à trois mois d’emprisonnement et son frère Camille à six mois, aucun d’eux n’ayant d’antécédent judiciaire ni ne faisant l’objet de renseignement défavorable. Sa peine étant couverte par sa détention préventive, Paul Gianni est conduit à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) pour sa levée d’écrou et libéré le jour même.

Le 28 avril 1942, il est de nouveau arrêté à son domicile, mais cette fois comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, avec le concours de la police française, et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une procédure judiciaire, avec ou sans condamnation, notamment de jeunes mineurs ayant été remis à leur famille. Avec lui sont arrêtés Jean Christian et Jean Nicolaï. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par  la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Paul Gianni y est enregistré sous le matricule 4097.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol. Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Un angle du camp de Royallieu vu depuis le mirador central dont l’ombre se profile sur le sol.
Le renfoncement à droite dans la palissade correspond à l’entrée du Frontstalag 122.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Paul Gianni est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45597 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Paul Gianni.Il meurt à Auschwitz le 9 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp. Il a vingt ans.

Il est homologué comme “Déporté résistant” et déclaré “Mort pour la France”.

Notes :

[1] Jeannine Gagnebin, épouse Gianni (Camille ?), née le 10 janvier 1923 à Paris 15), secrétaire, demeurant avenue Victor-Hugo à Thiais (Seine / Val-de-Marne) après la guerre, elle est élue conseillère municipale communiste de Thiais le 26 avril 1953, sur une liste dirigée Émile Zimmermann (mandat achevé en 1959). Source : Maitron.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 405.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Questionnaire rempli par son frère, Camille, arrêté et condamné dans la même affaire à 6 mois de prison ; il a identifié la photo d’immatriculation à Auschwitz (2-4-1992) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel et fichier central).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, jugement du samedi 1er mars 1941 (D1u6-3733).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?).
- Musée de la Résistance nationale de Champigny (94) : fonds Deslandes (nombreux documents rassemblés par André Deslandes à la mémoire de son père Gaston et de son frère René).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 346 (36210/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Gianni Paul (21 P 455.29), recherches de Ginette Petiot (message 08-2019).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.