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Musée de la Résistance 
de Blois. Cliché ARMREL.

Francis, René, Gauthier naît le 27 avril 1905 à Thenay, au bord de la Creuse, près de Pontlevoy (Loir-et-Cher – 41), fils d’Octave Gauthier [1], vigneron et tonnelier, militant socialiste, créateur de sociétés coopératives, puis adhérent du Parti communiste à la suite du congrès de Tours (1920).

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Thenay, vue depuis Saint-Gaultier (sur l’autre rive de la Creuse). 
Carte postale sans date. Collection Mémoire Vive.

Au moment de son arrestation, Francis Gauthier est toujours domicilié à Thenay ; son adresse reste à préciser. Marié, il a un enfant.

Il est chauffeur de camion chez le marchand de vin Maxime Samson.

Il est considéré comme communiste.

Sous l’occupation, il participe à la diffusion de propagande clandestine aux côtés de son père. Parallèlement, il devient “passeur” sur la ligne de démarcation en utilisant son métier de transporteur. Selon un témoignage, il protège des Juifs en les cachant dans une citerne (celle de son camion ?).

Le 22 juin 1941, Francis et Octave Gauthier sont arrêtés dans le cadre de l’Aktion Theoderich [2]. Francis est libéré le 28 mars 1942 (suite à une condamnation de justice, il aurait accompli sa peine ?).

Le 30 avril 1942, à Romorantin, cinq résistants communistes sont découverts par des soldats allemandsalors qu’ils distribuent des tracts. Armés, ils ne se laissent pas arrêter et blessent les soldats dont un sous-officier qui succombe à ses blessures. Les mesures de représailles prévoient l’exécution immédiate de dix communistes, Juifs et de proches des auteurs présumés. Vingt autres personnes doivent être exécutées si au bout de huit jours les « malfaiteurs » ne sont pas arrêtés. Des rafles ont lieu afin de pouvoir « transférer d’autres personnes vers l’Est, dans les camps de travaux forcés. » Un barrage est érigé autour de la ville.

Le père de Francis, Octave Gauthier, est fusillé le même jour à la citadelle d’Amiens (Somme).

Le lendemain 1er mai, Francis Gauthier est arrêté comme otage. D’abord détenu à Blois, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Francis Gauthier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45581 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. 
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 
Oświęcim, Pologne. 
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Francis Gauthier est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

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Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». 
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre » 
Carte postale. Collection mémoire Vive.

À une date inconnue, Francis Gauthier est admis au Block 20 (maladies contagieuses) de l’hôpital [3].

Il meurt à Auschwitz le 13 août 1942, d’après les registres du camp [4] ; tué par une injection de phénol dans le cœur (« szpila »), cinq semaines après l’arrivée de son convoi.

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Thenay, situé sur le rond-point, devant l’église, avec celui d’Octave Gauthier.

À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Thenay donne son nom à une rue du centre-bourg, vert le pont Gallet.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Francis Gauthier (J.O. du 1-12-1992).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 127 et 128, 365 et 405. 
- Didier Lemaire, notice sur le site du Maitron en ligne, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Éditions de l’Atelier. 
- Archives départementales du Loir-et-Cher, fichier alphabétique des déportés du CRSGM (cote 56 J 5). 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 1, page 120* (registre de la morgue relevé par la Résistance) ; tome 2, page 336 (20338/1942). 
- Site Mémorial GenWeb, 41-Thenay, relevé de Monique Diot Oury (06-2006). 
- La Nouvelle République du 12 mai 2012, article transmis par Denis Martin (Armrel).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-06-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Octave, Théophile, Joseph, Gauthier, né le 21 décembre 1881 à Thendy. Une rue de Thenay, sur la route de Sambin, porte son nom.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total (bilan au 31 juillet), 1300 hommes environ y seront internés à la suite de cette action. Effectuant un tri a posteriori, les Allemands en libéreront plusieurs dizaines. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] L’ « hôpital » d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”. Mais les « 31000 » et Charlotte Delbo ont connu et utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient «  révir  », car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Francis Gauthier, c’est le mois d’octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès.

Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.