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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Georges Gallepie naît le 2 mars 1896 à Arvert, sur la rive sud de la Seudre, vers son débouché sur l’Atlantique, “en face” de Marennes (Charente-Maritime [1] – 17), chez ses parents, Julien Gallepie, 30 ans, vannier, et Marie Poirier, son épouse, 30 ans, domiciliés au lieu-dit Boudignou. Georges a déjà une sœur, Angéline, 9 ans, et un frère, Marcelin, 6 ans. Lorsque naît sa sœur Georgette, Alexandrine, 23 octobre 1898, la famille habite le lieu-dit La Beaune (?).

Pendant un temps, alors qu’il est domicilié à Marennes, Georges Gallepie travaille comme boulanger.

Le 9 avril 1915, il est incorporé comme soldat de 2e classe à la 12e section de C.O.A. (commis et ouvriers d’administration). Le 18 mai suivant, il passe au 3e régiment d’Infanterie coloniale (R.I.C.). Le 23 octobre 1916, il passe au 52e R.I.C. et, le 11 août 1917, au 22e R.I.C. qui rejoint l’Armée d’Orient. Le 21 janvier 1918, il rejoint le 6e régiment d’Infanterie (coloniale ?). Le 25 août, il passe au 3e R.I.C. Le 6 octobre 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire à Marennes, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En 1922, il obtiendra une pension d’invalidité pour maladie contractée au front.

À partir du 7 août 1920, il vit maritalement avec Cécile Peureux, née le 17 novembre 1893 à Marennes, séparée d’avec son mari (utilisant peut-être le prénom « Gabrielle »), “fille de salle”, sœur de Raymond Boudou.

Le 6 mai 1922, la mairie de Paris 14e, Georges Gallepie et sa compagne sont témoins au mariage de celui-ci.

En octobre 1922, Georges Gallepie habite avec sa compagne au 163, rue du Château à Paris 14e ; en 1926, il partage cette adresse avec Raymond Boudou (son « beau-frère ») et l’épouse de celui-ci (une “colocation” ?).

Le 28 février 1924, Georges Gallepie est membre du comité de grève des Usines Citroën, selon un rapport de police.

En septembre 1934, il demeure au 28, rue de l’Argonne, à Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne – 94).

En 1936, Georges Gallepie et sa compagne sont domiciliés au 45, route de Paris à L’Haÿ-les-Roses [2] (94), ainsi qu’un autre frère de celle-ci, Gaston Boudou et sa famille. Georges Gallepie alors est boulanger dans la commune, tandis que Cécile, employée, est au chômage. Le fils de celle-ci, Marcel Peureux, né en 1915 à Angoulême, qui habite chez eux, est vannier à L’Hay.

En mars 1938, l’armée classe Georges Gallepie, alors ébarbeur en fonderie, comme “affecté spécial” à la Société des moteurs Salmson, au 102, rue du Point-du-Jour à Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine).

Pendant un temps, il est secrétaire du comité local des chômeurs de L’Haÿ-les-Roses.

Dans la nuit du 26 au 27 août 1939, avec Raymond Boudou et un autre militant, Georges Gallepie va chercher un paquet de tracts à la mairie de L’Haÿ-les-Roses (sic) afin de les distribuer dans la commune. Mais ayant aperçu le troisième camarade discuter avec deux inconnus qu’ils suspectent d’être des policiers, Gallepie et Boudou jettent leur propagande dans une bouche d’égout et rentrent chez eux.

Le 20 octobre suivant, Georges Gallepie est classé “affecté spécial” au titre de la fonderie Rollin à Paris.

Le 7 novembre (à la demande de la direction de la police judiciaire ?), le commissaire de police de la circonscription de Gentilly organise une perquisition aux domiciles respectifs de Georges Gallepie et d’un autre militant de L’Haÿ, qui n’amène la saisie que de vieux journaux et de quelques tracts anciens du Parti communiste, ne permettant pas une inculpation.

Dans cette période, Georges Gallepie est ouvrier vannier dans l’entreprise de J. Feyeux, sise au 30, rue Carnot, au Kremlin-Bicêtre, fabrique de vannerie en tous genres, comme des bobines et paniers à vin. Il remplace partiellement son employeur, atteint de tuberculose pulmonaire.

Le 13 novembre 1939, il est mobilisé ?

Le 5 janvier 1940, le général commandant la région de Paris raye Georges Gallepie de l’affectation spéciale par mesure disciplinaire et celui-ci est réintégré dans la subdivision militaire de La Rochelle le 28 février. Il rejoint le 107e de ligne, affecté aux avant-postes de la ligne Maginot.

Selon sa compagne, Georges Gallepie est arrêté dans son unité le 20 mars 1940 et conduit à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e. Le 10 juin, il est dans une des colonnes de détenus évacués qui font étape au camp de Cépoy (ancienne usine des Verreries de Montenon, au nord de Montargis). Celle-ci en repart le 15 juin, et Georges Gallepie s’en évade le 19 juin, « libéré par l’armée allemande » (sic). Deux jours plus tard, il se fait « porter rentrant » à la mairie de L’Haÿ. Le 24 juillet, il est démobilisé.

Il reprend son emploi chez J. Feyeux.

Sous l’Occupation, la police française le considère comme un « meneur communiste très actif ».

Le 19 novembre 1940, le commissaire de police de la circonscription de Gentilly organise des perquisitions aux domiciles respectifs de Georges Gallepie et de Raymond Boudou – habitant alors au 1, rue Bourgeot à L’Haÿ – qui n’amènent la découverte de rien de suspect. L’officier de police en avise la direction des renseignements généraux, ajoutant pour Gallepie : « L’opération a été faite en présence de sa maîtresse, Mademoiselle (sic) Boudou Gabrielle (sic), 47 ans, avec qui il vit maritalement depuis 20 ans ».

Le 6 décembre suivant, Georges Gallepie est appréhendé par des agents du commissariat de Gentilly [2], comme Raymond Boudou, lors d’une vague d’arrestations collective visant 69 hommes dans le département de la Seine et résultants d’arrêtés d’internement administratif signés par le préfet de police en application du décret du 18 novembre 1939. D’abord conduits à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, ils sont conduits – le jour même – au camp français d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Entrée du centre de séjour surveillé d’Aincourt Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante. Droits réservés.

Entrée du centre de séjour surveillé d’Aincourt Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt
qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante. Droits réservés.

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.

Dès le 18 décembre 1940, J. Feyeux a écrit au préfet de police pour solliciter la libération de son ouvrier.

Le 11 août 1941, la manufacture de vannerie L. Dupont et fils, sis au 5, boulevard Jules-Guesdes à Saint-Denis, écrit chez Georges Gallepie – répertorié sur une liste de Compagnons Vanniers – pour lui proposer une place dans son atelier afin de répondre à une commande assurant du travail pour un an.

Le 9 juillet 1941, Georges Gallepie est extrait avec Raymond Boudou du camp d’Aincourt pour être conduit à la Maison d’arrêt de Mantes, en raison de leur « attitude au camp ». Ils s’y trouvent encore le 22 août suivant. Le 27 mars 1942, Georges Gallepie réintègre le camp.

Le 9 mai 1942, tous deux sont parmi les quinze internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin, Georges Gallepie est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Georges Gallepie est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45567 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [3]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Georges Gallepie.Il meurt à Auschwitz le 3 décembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Le 21 novembre 1943, l’armée transmet un état des services de Georges Gallepie à « Mme Cécile Boudou Gallepie 45 route de Paris à L’Haÿ-les-Roses ».

Cécile, épouse Peureux, a été arrêtée pour acte de Résistance. Internée pendant un temps au camp allemand du fort de Romainville, elle est déportée dans un transport de 111 femmes parti de la gare de l’Est à Paris le 30 juin 1944. Elle est morte au KL Ravensbrück (mat. 44791) le 1er mars 1945, peut-être gazée.

Son « beau-frère », Raymond Boudou, ayant survécu à la déportation, décède le 23 décembre 1968 à Menetou-Ratel (Cher).

Notes :

[1] Charente-Maritime : département dénommé “Charente-Inférieure” jusqu’en septembre 1941.

[2] L’Haÿ-les-Roses et Gentilly : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 388 et 404.
- Archives départementales de la Charente-Maritime, site internet, archives en ligne, état civil d’Arvert, registre des naissances de l’année 1896 (2 E 21/32), acte n°10 (vue 60/186) ; registre des matricules militaires, bureau de Saintes, classe 1916 (1 R 449), n° 641 (vue 271/879).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 532-14066) ; registre des mains courantes du commissariat de circonscription de Gentilly du 2 novembre 1939 au 26 octobre 1940 (C B 96-47).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1W76,1W80) ; recherches de Claude Delesque.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 331 (42900/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-05-2019)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.