Photographié en militaire (accomplissant son service national ?). Revue Pagus Orniensis, bulletin périodique de l'association Mémoire du Pays de l'Orne, n° 11, mars 1993, page 21.

Photographié en militaire
(accomplissant son service national en 1929 ?).
Revue Pagus Orniensis, bulletin périodique de l’association Mémoire du Pays de l’Orne, n° 11, mars 1993, page 21.

Maurice Froment naît le 4 janvier 1909 à Auboué (Meurthe-et-Moselle – 54), fils d’Albert Froment, employé des mines (mineur ?), et de Marie Gény. Adulte, Maurice Froment est un homme plutôt grand (1m75).

 Pendant un temps, il demeure à Moutiers (54).
Le 7 novembre 1936 à Auboué, Maurice Froment épouse Marcelle Piacenti. Ils ont une fille, née vers 1939.
Au moment de son arrestation, Maurice Froment est domicilié au 66 bis, cité du Tunnel ou au 50 cité de Géranaux à Auboué (54).
Auboué. Les Cités du Tunnel. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Auboué. Les Cités du Tunnel. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Maurice Froment est manœuvre de mine (de fer) à Auboué. Pendant, un temps, il est employé à la briqueterie de l’usine sidérurgique.

Auboué. Vue sur l’usine. Carte postale oblitérée en 1950. Coll. Mémoire Vive.

Auboué. Vue sur l’usine. Carte postale oblitérée en 1950. Coll. Mémoire Vive.

C’est un adhérent du Parti communiste.

Sportif, il est adhérent à la section d’Auboué de la Fédération sportive et gymnique de Travail (FSGT), photographié dans un groupe lors d’une fête sportive en 1936.

Le 30 novembre 1938, Maurice Froment participe au mouvement national de grève pour la défense des acquis du Front populaire. Il est licencié par la direction de la mine, mais continue à habiter dans la cité ouvrière.

Après l’armistice, il sollicite une nouvelle embauche. Comme elle manque d’ouvriers et qu’elle pense que les événements de juin 1940 l’ont “assagi”, la direction accepte de le reprendre. On ne signale ensuite de sa part « qu’un ralentissement dans son travail, qu’il a attribué – comme d’autres du reste – aux restrictions de la nourriture ».

Le 14 juillet 1941, Maurice Froment fait partie des militants communistes connus (au moins cinq) appréhendés pour interrogatoire par la police française à la suite des actions patriotiques organisées clandestinement à Auboué le jour de la Fête nationale. Il est « interné par mesure administrative à la Maison d’arrêt de Briey ». Cependant, tous (?) sont libérés le jour même, faute de preuve.

Fin janvier 1942, il semble que Maurice Froment fasse partie d’un petit groupe d’« éléments venus du fond » de manière provisoire afin de renforcer l’équipe de déchargement du minerai au stockage de l’Orne, qui travaille de 8 heures à 16 heures. Le chef d’équipe constate que celle-ci fait moins de rendement que les précédentes. Il trouve souvent ce personnel dans la baraque auprès du brasero, alors qu’il y a du travail à faire entre l’arrivée des rames, et doit intervenir pour qu’ils en sortent.

Dans un rapport ultérieur, un de ses supérieurs hiérarchiques, ingénieur électricien de l’usine, écrit : « Il est de mon devoir de signaler qu’un nommé FROMENT (Maurice) était particulièrement surexcité depuis quelques jours, manifestant beaucoup de mauvaise volonté et empêchant ses camarades de travailler sous prétexte du froid trop vif. Cependant, le nécessaire avait été fait en pareil cas : à un travail d’une demi-heure, devait succéder un repos de même durée pour permettre aux ouvriers de se chauffer. La mauvaise volonté et la surexcitation de Froment, la veille du sabotage, pourrait laisser supposer qu’il n’est pas étranger à l’affaire. »

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre l’usine sidérurgique d’Auboué, touchant simultanément une machine d’extraction, les moteurs du chantier de concassage, les moteurs de la briquetterie, mais surtout le transformateur électrique qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Le 5 février au matin, un ouvrier membre de l’équipe de Maurice Froment, arrivé plus tôt, le croise et l’informe que leur chantier ne travaillera pas ce jour pour cause de sabotage au transformateur et à la machine d’extraction. Après avoir dit « Si c’est comme ça, allons à la soupe », Maurice Froment fait demi-tour.

Au matin du 5 février, une note de police estimant vraisemblable que le sabotage ait pu être opéré par des « éléments étrangers au pays », « nouvellement arrivés à Auboué » (avec la complicité du personnel de la mine et de l’usine), préconise de « voir à la mairie l’identité des derniers éléments entrés à Auboué ; voir les registres d’hôtel pour relever les noms des personnes y ayant logé récemment ; faire une rafle au café Schneider… ».

À 17 heures, en rentrant au café paternel, Serge Schneider retrouve René Favro et Maurice Froment qui lui apprennent le sabotage du transformateur de l’usine d’Auboué. À peine ont-ils discuté quelques minutes que la maison est cernée par la gendarmerie française et des inspecteurs de police. Ceux-ci envahissent le café : personne ne doit bouger (Serge et ses deux camarades restent attablés). S’ensuit une perquisition dans toutes les pièces. Dans la chambre de Serge est trouvé un paquet de tracts qu’un camarade aurait dû venir chercher deux jours auparavant.
Le 6 février, le directeur du cabinet du préfet de Meurthe-et-Moselle écrit à son supérieur : « Une perquisition effectuée chez le jeune Schneider Serge a amené la découverte d’un paquet de tracts. Les policiers ayant estimé qu’une perquisition chez le père de ce jeune homme, propriétaire d’un débit, pouvait être fructueuse, s’y rendirent et y trouvèrent quatre sympathisants communistes dont les noms correspondaient aux initiales trouvées sur une liste de distribution dressée par le jeune Schneider. Le sous-préfet ajoute que les perquisitions et les recherches continuent. » Le directeur du cabinet propose « de donner aux Allemands la liste des six communistes » arrêtés dans cette affaire : Serge et Joseph Schneider, René Favro, Maurice Froment et deux femmes, Emma P. et Elide C. Les trois garçons sont conduits à la prison de la gendarmerie d’Auboué, puis transférés le lendemain à la Maison d’arrêt de Briey.
Le 9 février, Maurice Froment est inculpé de « menées communistes » par la 15e brigade régionale de police judiciaire venue de Nancy. Mais l’affaire échappe à la police française et Maurice Froment est conduit par la police allemande à la Maison d’arrêt Charles-III, à Nancy, avec le père et le fils Schneider et René Favro.

Nancy. La prison Charles III. Carte postale écrite en août 1915. Collection Mémoire Vive.

Nancy. La prison Charles III. Carte postale écrite en août 1915. Collection Mémoire Vive.

À une date restant à préciser, Maurice Froment est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jour et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Froment est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46237 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Maurice Froment se déclare alors comme agriculteur (Landwirt). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Maurice Froment est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Affecté au Kommando des couvreurs (Dachdecker), il est assigné au Block 4.

Mais, le 21 août, il est envoyé au sous-camp de Birkenau.

Maurice Froment meurt à Auschwitz le 2 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique comme cause mensongère une « pleurésie » (Rippenfellentzündung).

Son frère, René Froment, né le 29 avril 1922, mineur, appartient au cours de l’été 1941 à un triangle de « voltigeurs » (O.S.) des cités du Tunnel à Auboué, dirigé par Jean (Giovanni) Pacci. Il est fusillé le 29 juillet 1942 à La Malpierre.

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Collection Denis Martin – ARMREL.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 367 et 401.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy, cote W1277/60 et WM 312 (recherches de Daniel Dusselier).
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, pages 105, 198 (concernant René Froment), 234-235, 246, 345.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 319.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès du camp (26912/1942) ; registre du Block 4, page 29.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.