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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Émile, Georges, Fernand, Fressineau naît le 6 avril 1922 à Chauvigny (Vienne), fils d’Émile Fressineau, menuisier, et d’Augustine Bernard.

Au moment de son arrestation, Émile Fressineau est domicilié rue au 19, du Temple à Paris, 4e arrondissement (75) ; chez ses parents.

Célibataire (il a 18 ans lors de son arrestation), il est employé de bureau.

Il est membre des Jeunesses communistes.

Sous l’occupation, les renseignements généraux le considèrent comme un « communiste actif, animateur du comité de chômeurs du 4e arrondissement ». Il est désigné comme Fressineau ”fils“, ce qui laisse penser que son père est également surveillé par la police (à moins qu’ils aient le même prénom ; à vérifier…).

Le 26 octobre 1940, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, parmi 38 personnes visées simultanément dans le département de la Seine (dont 12 futurs “45000”). Le jour-même, il est interpellé par le commissaire de police son quartier (Saint-Merri) et conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Val-d’Oise – 95), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

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Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Quand les chambres ne peuvent plus accueillir la surpopulation des internés, Émile Fressineau est assigné au “dortoir des jeunes” (“DJ”), ancien réfectoire du bâtiment affecté à cet usage.

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Sanatorium de la Bucaille à Aincourt.
Une salle de réfectoire. Peut-être celle du bâtiment
où se trouvent les communistes internés et qui
– vidé de ses tables – deviendra le dortoir des jeunes.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 3 mars 1941, le père d’Émile écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter une autorisation de visite, car il n’a pas revu son fils depuis son arrestation. Le 29 mars, Émile Fressineau fait la même démarche en expliquant que l’anniversaire de ses 19 ans aura lieu le 6 avril suivant.

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Archives départementales des Yvelines. Droits réservés.

Le 29 avril seulement, le préfet transmet cette demande au préfet de police à Paris, qui a ordonné l’internement et dont les services sont seuls compétents pour accorder une telle autorisation. La suite donnée est inconnue…

Le 5 mai 1942, Émile Fressineau fait partie d’un groupe de détenus transférés au camp français (CSS) de Voves (Eure-et-Loir – 28). Enregistré sous le matricule n° 362, il n’y reste que cinq jours.

Le 10 mai 1942, Émile Fressineau est parmi les 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Émile Fressineau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45558 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée [1]).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

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Portail du sous-camp de Birkenau, secteur B-Ia, semblable
à celui du secteur B-Ib par lequel sont passés tous les “45000”.

Le 10 juillet, après l’appel général et un interrogatoire individualisé, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Émile Fressineau est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).

Le 24 novembre, son nom est inscrit sur un registre du Revier de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb) sur lequel sont notés les quelques médicaments distribués aux détenus. Ce jour-là, alors qu’il se trouve dans la chambrée (Stube) n° 3, avec Joseph Schneider, il reçoit un comprimé d’aspirine et 15 grains de « Bol blanc » (Bolus alba, du kaolin). Le lendemain, puis deux jours après, on lui administre le même traitement (deux aspirine le 27 novembre). Il apparaît encore sur ce registre le 17 décembre. Dans ce dispensaire, le SS-Rottenführer Franz Schulz exécute certains détenus avec une injection mortelle dans le cœur…

On ignore la date exacte de la mort d’Émile Fressineau à Birkenau ; probablement avant la mi-mars 1943. Il a vingt ans.

Le 13 janvier 1950, le tribunal civil de la Seine rend un jugement déclaratif de décès fixant la date de celui-ci au « 4 juillet 1942 à Compiègne » pour l’état civil.

Le 6 décembre 1957, le ministère des anciens combattants et victimes de guerre décide d’inscrire la mention “ Mort pour la France » en marge de l’acte de décès.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 114 du 17-05-2008) : « décédé le 9 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 4 juillet 1942 à Compiègne (Oise) » (application de la règle : date connue + cinq jours).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 370 et 404.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 519 ; notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002)
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen ; dossier d’Émile Fressineau (21 P 452 040).
- Témoignage de Fernand Devaux, décembre 2006.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1W76,1W80 (notice individuelle).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “Occupation allemande” : BA 2397 (liste des internés communistes, 1939-1941).
- Registre de l’infirmerie de Birkenau sur lequel sont inscrits les médicaments distribués aux détenus, archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 31-05-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources). En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue (« identification incertaine ») pardes rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n° 21 de mai-juin 1948).