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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Georges, Charles, Pierre, Fontaine naît le 23 novembre 1899 à Toul (Meurthe-et-Moselle – 54), fils Claude Léon Fontaine, 30 ans, employé de commerce, et de Marthe Bohrer, 25 ans, son épouse.

En 1901, la famille est installée au 6 bis, rue Saint-Anne, à Nancy (54), où son frère Henri naît le 27 août, et sa sœur Léontine le 5 octobre 1903. Plus tard, ils emménagent à Pont-à-Mousson (54), où leur sœur Georgette naît en 1909.

Pendant un temps, Georges Fontaine habite à Bar-le-Duc (Meuse – 55) et commence à travailler comme garçon épicier, alors que sa famille est installée à Saint-Mihiel (55).

De la classe 1919, la mobilisation militaire de Georges Fontaine est « ajournée pour faiblesse » par une commission de réforme en février 1918. En juillet 1920, il est considéré comme « bon absent ». À partir du 7 octobre suivant, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 161e régiment d‘infanterie. Le 31 décembre 1921, il passe au 16e bataillon de chasseurs à pied. Le 2 mars 1922, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En 1921, sa famille est installée au 128, rue de Véel à Bar-le-Duc ; son frère Henri est électricien dans l’usine à gaz, et Léontine est employée de commerce à la Coopérative départementale

Le 17 avril 1922, Georges Fontaine entre à la Compagnie des chemins de fer de l’Est – qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1] (peut-être titularisé le 25 avril 1923…). Le 5 décembre suivant, l’armée le classe dans l’affectation spéciale comme homme d’équipe à l’Exploitation à Bar-le-Duc.

En 1924, il épouse Alberte, Madeleine (?), Lopinot, née en 1906 à Behonne, village proche de Bar-le-Duc. Ils ont une première fille, Yvette, née en 1925 à Bar-le-Duc. Le 16 janvier 1926, son frère Henri se marie dans cette ville.

En juin 1927, avec sa famille, Georges Fontaine s’installe à Saint-Dizier (Haute-Marne – 52), où il est  aiguilleur de 2e classe à la gare de la ville, et où sa fille Jeanne naît en 1931.

Saint-Dizier, la gare dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Saint-Dizier, la gare dans les années 1900.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 28 septembre 1929, à Bar-le-Duc, sa sœur Léontine se marie avec Gaston Varin.

En septembre 1931, la commission de réforme de Troyes (Aube) réforme définitivement (n°2) Georges Fontaine pour une « pleurite ancienne de la base droite, tuberculose pulmonaire du côté gauche… ».

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Georges Fontaine est domicilié avec sa famille au 2, rue de la Place à Saint-Dizier. En 1936, il héberge également son beau-frère, Raymond Lopinot, 22 ans, garçon de café chez Thiriot (?).

Georges Fontaine est toujours aiguilleur à l’Exploitation (SNCF) de Saint-Dizier, travaillant probablement avec Henri Queruel et Yves Thomas, cheminots rattachés à la même gare.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.  Collection Mémoire Vive.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.

Le 22 juin 1941, Georges Fontaine est arrêté, parmi une soixantaine de militants communistes et syndicalistes interpellés en quelques jours dans la Haute-Marne [2] (dont 15 futurs “45000”).

Chaumont. La prison cellulaire dans les années 1900. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Chaumont. La prison cellulaire dans les années 1900.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

D’abord détenu à la prison de Chaumont (52), il est transféré le 27 juin au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il retrouve son frère Henri, pris à Saint-Dizier (55).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Pendant plusieurs semaines, Georges Fontaine est hospitalisé pendant plusieurs semaines à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris 5e, puis il est ramené au camp.

Entre fin avril et fin juin 1942, les frères Fontaine sont sélectionnés avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Georges Fontaine est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45547 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée). Selon les listes reconstituées, son frère Georges a été enregistré sous le matricule précédent : 45546 (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Georges Fontaine.

Il meurt à Auschwitz le 14 août 1942,  selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3]. Son frère Henri succombera le 2 novembre suivant.

Sur le panneau du hall de l’Hôtel de Ville de Saint-Dizier rendant un « hommage reconnaissant aux victimes de la guerre 1939-1945 », le nom de Gorges Fontaine est inscrit sur la plaque dédiée aux déportés politiques. Il figure également sur la stèle commémorative du quai de la gare de Saint-Dizier dédiée « à la mémoire des agents de la SNCF tués par faits de guerre ».

Son beau-frère, Raymond Lopinot, employé SNCF, est arrêté à Saint-Dizier en août 1942, jugé par la Section spéciale et emprisonné. Transféré à Compiègne, il est déporté au KL [4] Mauthausen le 22 mars 1944. Bien que libéré le 5 mai 1945, il succombe dans ce camp.

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Georges Fontaine, c’est le 28 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[4] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Son nom (orthographié « FONTAIN ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 127 et 128, 367 et 404.
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon : 1630 W, article 252.
- Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 19 et 35.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 300 (20451/1942).
- Base de données des archives historiques SNCF : service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Site internet Mémorial GenWeb, relevé de Raymond Jacquot et Robert Dupays (2004).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 614-615.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 23-12-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.