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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Pierre, Émile, Felten naît le 22 août 1912 à Bondy [1] (Seine /Seine-Saint-Denis – 93), chez ses parents, Émile Felten, 29 ans, manœuvre aux Chemins de fer de l’Est à Noisy-le-Sec, et Marie, Sophie, Bizé, 30 ans, son épouse, domiciliés au 8, rue Saint-Denis.

Le 26 janvier 1923, son père décède à Épinay-sur-Orge (Seine-et-Oise / Essonne).

Le 14 octobre 1926, Pierre Felten est embauché comme apprenti par la Compagnie des Chemins de fer de l’Est, qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [2].

Le 29 avril 1931, Pierre Felten, alors âgé de 19 ans, s’engage volontairement pour 18 mois comme soldat de 2e classe au 1er régiment d‘aérostation à Épinal (Vosges).

Le 1er octobre 1932, à Épinal, se déclarant domicilié à Romilly-sur-Seine (Aube), il se marie avec Marie, Émilienne, Parisot, née le 18 août 1907 à Dogneville (Vosges). Ils ont un enfant. Le 25 octobre suivant, l’engagement militaire de Pierre Felten se termine officiellement.

Le 2 octobre 1934, Pierre Felten est « réadmis » aux Chemins de fer de l’Est.

À partir de juillet 1938 et jusqu’au moment de l’arrestation, il est domicilié avec sa famille au 41, avenue Galliéni à Bondy. Marié, il a un enfant.

Pierre Felten est alors ajusteur aux ateliers SNCF de Noisy-le-Sec (93), où travaille également Paulin Coutelas.

Intérieur de la gare de Noisy-le-Sec. Carte postale oblitérée en 1907. Coll. Mémoire Vive.

Intérieur de la gare de Noisy-le-Sec. Carte postale oblitérée en 1907. Coll. Mémoire Vive.

Sous l’occupation, la police française (RG) le considère comme un « militant très actif de l’ex-Parti communiste ».

Le 28 avril 1942, Pierre Felten est arrêté comme otage lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Immatriculé sous le matricule n° 4222, il est assigné au bâtiment A6.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 6 mai suivant, le chef du bureau des prisonniers au service central du personnel de la SNCF écrit à Fernand (de) Brinon, Ambassadeur de France, afin de lui signaler l’arrestation de Pierre Festen  « pour un motif inconnu » : « En raison des bons renseignements recueillis sur cet agent, je me permets de vous prier de bien vouloir examiner la possibilité d’une intervention de votre part auprès des Autorités Allemandes, en vue d’éviter une sanction trop grave. » Le 23 mai, le chef du bureau des prisonniers de la SNCF précise que cet agent est au camp de Compiègne.

Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Felten est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Pierre Felten est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45534 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [3]). Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclarent leur profession, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Pierre Felten est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 31 mars 1943, à Paris, le chef du bureau des prisonniers de la SNCF écrit à Fernand (de) Brinon afin de lui indiquer que Pierre Felten « a été dirigé sur l’Allemagne le 6 juillet 1942 ».

En juillet suivant, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis (à vérifier, le concernant…).À la mi-août 1943, Pierre Felten est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues -
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Le 4 mai 1944, à Paris, le chef du bureau des prisonniers de la SNCF écrit à Fernand (de) Brinon afin de lui indiquer l’adresse de Pierre Felten à Auschwitz.

Pendant un temps, celui-ci est assigné au Block 14.

Le 3 août 1944, Pierre Felten est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 7 septembre 1944 , il est dans le petit groupe de trente “45000” transféré – dans un wagon de voyageurs ! – au KL Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw.

Lors de l’évacuation du camp, en février 1945, il est parmi les quinze “45000” transférés à Dora-Mittelbau et répartis dans différents Kommandos. Pierre Felten est affecté à celui d’Osterode, dans le Hartz (Allemagne).

Le 6 ou 7 avril 1945, il est depuis plusieurs jours dans l’infirmerie de ce sous-camp quand celui-ci est évacué devant l’avancée des armées alliées : il est intégré dans une colonne de détenus, sous la pluie, qui parcourent 25 kilomètres à marche forcée.

Le 8 avril, arrivé exténué au terme de l’étape, à Seesen, Pierre Felten meurt après plusieurs heures d’agonie. Ses camarades l’enterrent à la lisière d’un bois, à 10 ou 15 mètres du bord d’un petit ruisseau à côté d’une grange où ils ont passé la nuit.

Son nom est inscrit sur la plaque dédiée « à la mémoire des agents de la SNCF tués par faits de guerre 1939-1945 » apposée à l’entrée de la gare de Noisy-le-Sec.

Marie Felten décède le 8 janvier 1970 à Romilly (70).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Pierre Felten.

Notes :

[1] Bondy et Noisy-le-Sec : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[3] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948)

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 350 à 352, 385 et 404.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 35, citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel) – Témoignage de M. Pasqualini, de Saint-Étienne (22-5-1945).
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA ? (…).
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, page 600.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 449 449), transmis par Laurent Thiery, dans le cadre de la rédaction du Livre des 9000 déportés de France à Mittelbau-Dora, camp de concentration et d’extermination par le travail, La Coupole, Centre d’Histoire et de Mémoire du Nord-Pas-de-Calais, Éditions du Cherche-Midi, 2020.
- Site Mémorial GenWeb, 93-Noisy-le-Sec, relevé de Frédéric Charlatte (05-2006).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-05-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.