Julien Faradon avant guerre. © Collection Éric de Villepoix.

Julien Faradon avant guerre.
© Collection Éric de Villepoix.

Julien Faradon naît le 2 avril 1912 à Is-sur-Tille (Côte d’Or – 21), de Charles Faradon, 27 ans, employé SNCF, et de Maria-Félicia Janicaud, son épouse, 24 ans, sans profession, domiciliés rue de Sévigné.

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Julien Faradon est domicilié au 52, rue Guillaume-Tell à Dijon (21). Marié à Simone Nion (?), née le 19 mars 1914 à Raucourt en Haute-Saône (70), alors employée auxiliaire à la comptabilité régionale des Postes depuis plus de 11 ans. Ils ont une fille, Jeannine, née en 1932 à Is-sur-Tille, lieu où ils se rendent tous les dimanches.

Après avoir été ajusteur chez Lallement (1936), Julien Faradon est tourneur aux Établissements Lipton, usine de décolletage (pièces métalliques tournées), à Dijon.

Il est pilote d’avion amateur (?).

© Collection Éric de Villepoix.

© Collection Éric de Villepoix.

Il adhère au Parti communiste durant les grèves de 1936, mais s’en éloigne ensuite.

Le 11 janvier 1942, Julien Faradon est arrêté à la suite de l’attentat manqué contre le foyer du soldat allemand (Soldatenheim) de Dijon, mis à la disposition des autorités d’occupation et conduit au quartier allemand de la prison de Dijon, rue d’Auxonne (selon les enquêteurs, certaines pièces entrant dans la fabrication des bombes ont été fabriquées dans l’usine Lipton) [1].

Le 19 janvier, le Commissaire divisionnaire, chef de la Police Judiciaire, informe par courrier le Préfet de Dijon que, sur les 26 ouvriers de l’usine arrêtés le 11 janvier, 21 ont été remis en liberté. Sur les cinq hommes gardés en détention, deux détenus ont avoué leur complicité (Pierre Dubost et Serge Guillerme) et trois sont gardés en otages en raison de leur ex-affiliation au Parti communiste : Julien Faradon, Henri Poillot et André Renard (futurs “45000”) ; Eugène Bonnardin (autre futur “45000”), arrêté avec les autres puis libéré le 18 janvier, est de nouveau incarcéré dès le lendemain.

Le 6 février, Julien Faradon est interné avec ses camarades au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le 13 mai, Simone Faradon écrit au Préfet de Région pour solliciter une allocation, car elle attend un bébé pour le mois d’août : obligée de cesser bientôt son travail, elle se retrouvera sans ressources.

Le 4 juin, elle s’adresse directement au Maréchal Pétain pour solliciter à nouveau une intervention en faveur de son mari et lui faire part de son angoisse face à l’avenir.

Le 13 juin, elle envoie une nouvelle lettre au Préfet en joignant un certificat du directeur de l’usine Lipton dans lequel celui-ci déclare qu’il a eu «  satisfaction de l’ouvrier Faradon comme mécanicien dans nos ateliers et ne pas avoir remarqué de sa part aucune propagande politique à l’intérieur de notre usine ». Une enquête est demandée le 22 juin.

Entre fin avril et fin juin 1942, Julien Faradon est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Les 14 déportés de la Côte-d’Or se regroupent dans le même wagon. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Julien Faradon est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45527 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Auschwitz, le 8 juillet 1942 Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne.

Auschwitz, le 8 juillet 1942
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

 Le même jour, en France, un rapport du service des Renseignements généraux indique que les revenus de Simone Faradon sont alors de 49 francs par jour et son loyer trimestriel est de 278 francs, et précise que son mari est « actuellement » interné administratif à Compiègne comme militant communiste.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Julien Faradon est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Il est assigné au Block 16.En France, le 18 juillet, le Préfet de Côte d’Or s’adresse au délégué départemental du Secours National (organisation vichiste) qui lui répond le 4 août qu’un secours de 1000 francs est accordé à Simone Faradon.

Julien Faradon meurt à Auschwitz le 17 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-10-1989).

Notes :

[1] « Les Soldatenheim étaient des maisons exclusivement affectées aux Allemands : les plus grands hôtels, restaurants étaient réservés à cet effet. (…) Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1942, Lucien Dupont (de Chenove), âgé de dix-neuf ans, Armand Tosin, âgé de vingt-et-un ans, et leurs camarades attaquent à la bombe la Soldatenheim, place du Théâtre à Dijon. Lucien Dupont est en liaison avec un groupe qu’il a constitué à l’usine Lipton avec Pierre Dubost et Serge Guillerme ; ce sont ces derniers qui ont fabriqué la bombe à l’usine même. » Albert Ouzoulias, Les bataillons de la jeunesse, les jeunes dans la résistance, Editions sociales, Paris 1972, réédition juillet 1990, page 220.

« Le 31 janvier 1942, le préfet de l’Aube au préfet délégué, Ce jour à 4 heures du matin, 231 perquisitions ont été effectuées dans les hôtels et garnis de Troyes par les services allemands de la G.F.P. qui avaient requis l’assistance de 16 gardiens de la Paix de la police municipale troyenne. Ces opérations étaient faites en vue de retrouver un nommé Dupont qui serait l’auteur du dernier attentat commis au foyer du soldat à Dijon. (…) » Archives de la préfecture de Police (Seine / Paris), carton 1928, chemises Arrestations, infractions au décret du 29-9-1939.

Arrêté le 15 octobre 1942 à Paris, ou dans sa banlieue, Lucien Dupont est fusillé au Mont-Valérien le 26 février 1943.

« Le 10 janvier 1942, un attentat au moyen d’engins explosifs a été commis contre le foyer du soldat allemand à Dijon. Le 27 janvier, à Montceau-les-Mines, un soldat allemand a été tué d’un coup de feu par des éléments communistes. Le 29 janvier, à Montchanin-les-Mines, un douanier allemand a été grièvement blessé à coups de revolver, par des criminels appartenant aux mêmes milieux. En représailles de ces lâches attentats, l’exécution d’un certain nombre de communistes et juifs, considérés comme solidaires des coupables a été ordonnée. Der Chef der Mil. Verw Nordostfrankreich ».

Le 7 mars, cinq jeunes gens sont fusillés au champ de tir de Montmuzard : René Romenteau, Pierre Vieillard, René Laforge, Jean Jacques Schellnenberger, dit Jean Coiffier, tous élèves maîtres à l’école Normale d’instituteurs de Dijon, promotion 1939-42, et Robert Creux, jeune ébéniste dijonnais, communiste, qui remplace Pierre Jouanaud, jeune instituteur, celui ci ayant bénéficié d’un non lieu trois jours avant l’exécution.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 63 et 64, 363 et 403.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour Éric de Villepoix (01-2006, citant : Gabriel Lejard, de Dijon, souvenirs écrits et enregistrés sur cassette, photos identifiées à la FNDIRP).
- Archives municipales de Dijon (Madame Degroise, conservateur, lettre du 18/9/1991).
- Archives départementales de Côte-d’Or : cote 1630 W, articles 168 et 258.
- Archives départementales de Côte-d’Or, site internet : recensement de Dijon-ouest 2, 1936 (p. 40).
- Jean-Michel Picard, mise en ligne du livre de son père Henri Picard, Ceux de la Résistance, Bourgogne, Nivernais, Morvan, éditions Chassaing, Nevers 1947, chapitre “Je regarde la mort en face”,http://maquismorvan.blogspirit.com/.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 275 (30709/1942).
- État civil de la mairie d’Is-sur-Tille (21).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.