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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Victor, Gustave, Alexandre, Dieulesaint naît le 6 août 1895 à Nantes (Loire-Atlantique [1] – 44), chez ses parents, Victor Dieulesaint, 28 ans, couvreur (?), et Alexandrine Vallée, son épouse, dix-neuf ans, blanchisseuse, domiciliés route de Paris (2e canton).

Victor Dieulesaint commence à travailler comme couvreur-zingueur.

Le 15 mai 1914 à Nantes, Victor Dieulesaint épouse Henriette Delay, née en 1894 au Havre. Ils ont deux enfants dont Louis, né en 1914 à Nantes.

Le 8 septembre 1915, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 64e régiment d’infanterie. Le 28 mars 1916, il est évacué pour maladie, rejoignant son unité le 23 août suivant. Le 3 septembre, à Estrées (Aisne ou Nord), il est grièvement blessé à la tête par des éclats d’obus qui lui occasionnent une brèche osseuse dans la région interpariétale et une autre dans la région temporale gauche. Victor Dieulesaint revient au dépôt le 12 février 1917, mais, trois jours plus tard, la commission de réforme d’Ancenis le place dans le service auxiliaire. Le 29 mars, il passe au 65e R.I. Le 24 mai suivant, il est maintenu au service auxiliaire par la commission de réforme de Nantes. Le 17 octobre 1918, il est admis à la réforme temporaire n° 1. En 1930, la même commission de réforme précisera : « syndrôme subjectif des trépanés, crises nerveuses à base d’énervement ». Il est dès lors pensionné à 70 %, puis à 75 %. Victor Dieulesaint reçoit la Médaille militaire par décret du 31 février 1932, décoration qui comporte l’attribution de la Croix de guerre avec palmes.

En novembre 1918, la famille habite au 15, rue des Boulmiers, à Nantes.

En 1919 et jusqu’au moment de son arrestation, la famille est domiciliée au 52, rue des Chambelles à Nantes, vers les boulevard extérieurs à l’Est de la ville. En 1931, Victor Dieulesaint y héberge sa mère et sa grand-mère.

Il travaille comme ouvrier à la Manufacture des Tabacs, au 10, boulevard Sébastopol, devenu boulevard Stalingrad (1031 ouvriers et ouvrières en 1930 ; fermée en 1974), en face de la gare de marchandises.

Victor Dieulesaint adhère à la CGT et au Parti communiste où son frère, cheminot, est un militant très actif.

Le 23 juin 1941 [2], il est arrêté sur son lieu de son travail par les Allemands (qui lui demandent s’il a travaillé à la SNCF, le confondant avec son frère). Il figure en vingt-et-unième place sur une liste de trente « Funktionaere » (“permanents” ou “cadres”) communistes établie par la police allemande. Avec une vingtaine d’hommes arrêtés dans l’agglomération de Nantes, il est conduit au « camp du Champ de Mars » (s’agit-il de la salle des fêtes, également dénommée « Palais du Champ de Mars » ? à vérifier…).

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Nantes. La salle des fêtes du Champ de Mars.
Est-ce l’endroit où ont été rassemblés les militants
arrêtés en juillet 1942 ?
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 juillet, Victor Dieulesaint est parmi les vingt-quatre communistes (dont les dix futurs “45000” de Loire-Atlantique) transférés, avec sept Russes (juifs), au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Victor Dieulesaint est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45477, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

À Auschwitz, il travaille sur les chantiers (?).

Il y meurt le 3 octobre 1942, d’après les registres du camp.

Sur les dix “45000” de Loire-Atlantique, il n’y eut que deux rescapés : Eugène Charles, de Nantes, et Gustave Raballand, de Rezé.

Victor Dieulesaint est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 15-10-1988).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 365 et 402.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Bretagne (2002), citant : témoignages de Gustave Raballand et d’Eugène Charles, de Nantes – Questionnaire rempli par sa belle-fille, Madame Veuve Jeanne Dieulesaint,19/11/1990, et communication téléphonique 11/1990.
- Archives municipales de Nantes, site internet : registre des naissances du 2e canton, année 1895, acte n° 277 (vue 48/75) ; listes électorales 1934-1945 (Corn-Dreu, p. 167), recensement 1931, canton 2, p. 859 (2 v. 173).
- Archives départementales de Loire-Atlantique (AD 44), site internet du Conseil général, archives en ligne, registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1915, bureau de Nantes (cote 1 R 1328), matricule 594 (vues 138-139/713/922).
- Laurent Fièvre, page internet sur la Manufacture des Tabacs de Nantes.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 226 (34161/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 31-03-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Loire-Atlantique : département dénommé “Loire-Inférieure” jusqu’en mars 1957.

[2] L’ “Aktion Theoderich :

L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des «  ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.