Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Louis, Jules, Albert, DIDIER naît le 23 août 1911 à Fontenay-le-Fleury (Seine-et-Oise / Yvelines), fils de Jules Didier, 35 ans, ouvrier (chaudronnier) aux Chemins de fer du Calvados, et de Marie Victorine Benard, 28 ans, sans profession.

Son père est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Deux jours plus tard, il rejoint le 18e régiment territorial d’infanterie. Le 7 mars 1916, il passe en renfort au 223e R.T.I. Le 8 août suivant, il passe au 6e régiment du Génie. Le 30 juillet 1917, il est placé en “sursis d’appel” au titre de la Compagnie des Chemins de fer de Normandie à Ouville-la-Rivière (76). Ce sursis sera ensuite prolongé jusqu’à la date de l’armistice…

Au moment de son arrestation, Louis Didier est domicilié au 16, rue Delhomme, à Évreux (Eure), dans un quartier de lotissement où il vit avec sa mère, alors veuve. Lui-même est célibataire

Il est tôlier aux usines Renault d’Évreux.

Il est probablement secrétaire d’une cellule du Parti communiste.

Lors des élections cantonales d’octobre 1937, le Parti communiste présente un nommé Louis Didier, tôlier, comme candidat au Conseil général dans la circonscription d’Évreux-Sud.

Le 23 ou 24 octobre 1941, à 22 heures, Louis Didier est arrêté à son domicile par trois Feldgendarmes allemands. Ceux-ci le conduisent à Vernon, puis à la Maison d’arrêt d’Évreux.

Il est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments
du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Didier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Didier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45471 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Didier est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Là, il est assigné au Block 4 et affecté aux ateliers du camp.

Le 12 août, il est admis à l’ “hôpital d’Auschwitz” [1].

Il meurt à Auschwitz le 24 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Le 15 avril 1943, le délégué du Secours national de Verneuil-sur-Avre (Eure) écrit à François de Brinon, ambassadeur de France, délégué du gouvernement de Vichy dans les territoires occupés, afin d’obtenir de ses nouvelles, intercédant pour sa mère, qui craint alors qu’il n’ait été fusillé. Mais l’administration française ne possède aucune autorité lui permettant d’obtenir des informations de l’armée d’occupation.

Après la guerre, le nom de Louis Didier est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux déportés, le long de l’escalier d’honneur dans l’Hôtel de Ville d’Évreux.

Le 4 juillet 1946, le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre – qui peut s’appuyer sur un double de l’acte de décès provenant d’Auschwitz – établit un document d’état civil qui est transmis à sa mère, Marie Didier.

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BAVCC, Caen

Au cours de cet été 1946, la mention “Mort pour la France” est inscrite en marge des actes de naissance et de décès de Louis Didier, à l’état civil des deux communes concernées.

En novembre de cette année, sa mère, âgée de 64 ans, dépose une demande de pension au titre de victime civile de la guerre, ayant perdu – en la personne de son fils – son seul soutien.

Elle décède à Évreux un an plus tard, le 10 novembre 1947.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Louis Didier (J.O. du 12-10-1988).

Notes :

[1] L’ “hôpital d’Auschwitz” : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”. Mais les “31000” et Charlotte Delbo ont connu et utilisé le terme « Revier » : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, page 363 et 402.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Seine-Maritime (2000), citant : listes des Archives du Musée d’Auschwitz (P, n° 32553 – S, n° 90).
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité 14044 du 31 mai 1937, page 4, “troisième liste…”.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 225 (32553/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre du Block 4.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier de Louis Didier (21 P 443.787), recherches de Ginette Petiot (message 11-2012).
- Site Mémorial GenWeb, 27 – Eure, Évreux, relevé de Fleur-Sandrine Curtil (1-2008).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-02-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.