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Auschwitz, le 8 juillet 1942. 
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 
Oswiecim, Pologne. 
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Louis, Émile, Démarest naît le 1er mars 1898 à Grand-Quevilly (Seine-Maritime [1] – 76), au sud-ouest de l’agglomération de Rouen, dans la boucle de la Seine, chez ses parents, Émile Démarest, 34 ans, journalier, et Jeanne Duval, son épouse, 30 ans, demeurant dans la Grande-Rue.

Pendant un temps, Louis Démarest travaille comme plombier.

La Première Guerre mondiale est déclenchée début août 1914. Le 17 avril 1917, Louis Démarest est incorporé au 22e régiment d’artillerie. Son registre militaire le signale comme assez grand pour l’époque (1 m 74), avec des cheveux roux foncés et des yeux bleus. Le 4 février 1918, il passe au 81e régiment d’artillerie lourde. Le 1er mai 1918, il passe au 500e régiment d’artillerie d’assaut (« aux armées »). Le 8 mars 1920, il passe au 503e R.A.A. Le 29 mai suivant, il est renvoyé dans ses foyers, en attendant son passage dans la réserve de l’armée active (prenant effet le 15 juin), titulaire d’un certificat de bonne conduite.

En août suivant, il habite au 108, rue Lafayette, à Rouen. En juin 1923 et jusqu’en janvier 1928, il demeure au 22, rue Mistral, à Sanvic.

Le 24 décembre 1923 à Sanvic (76), Louis Démarest se marie avec Germaine Cagnion, née le 6 janvier 1894 à Petit-Quevilly.

En juin 1931, le couple loge au chemin des Sables, à Grand-Quevilly

En mars 1939 et jusqu’au moment de son arrestation, Louis Démarest est domicilié au 19 (ou au 39), rue Bugnot, à Sotteville-les-Rouen (un document mentionne le 40, rue Michel-Corroy, à Grand-Quevilly ?).

Employé au Gaz, Louis Démarest est secrétaire du Syndicat des Gaziers de l’Île-la-Croix, à Rouen. Un document de police ultérieur le désigne comme plombier de canalisation à la Lyonnaise des Eaux et de l’Éclairage. Délégué du personnel, il affiche ou fait insérer dans les journaux des articles que cette entreprise considère comme « injurieux et préjudiciables ».

Il est militant communiste.

Lors des élections cantonales d’octobre 1937, le Parti communiste le présente comme candidat au Conseil d’arrondissement dans le 4e canton de Rouen.

Après l’interdiction du Parti communiste, son employeur le soupçonne de continuer une activité de propagande et, en janvier 1940 le préfet de Seine-Inférieure obtient de faire changer son « fascicule d’attente » par un ordre d’appel aux armées.

Le 8 février 1940, Louis Démarest est rappelé à l’activité militaire et affecté au dépôt d’artillerie 303 où il arrive une semaine plus tard. Le 18 juin, à Vire (Calvados), il est fait prisonnier par l’armée allemande. Il est interné au Stalag III D. Le 3 juillet 1941, il est libéré et rapatrié le lendemain comme ancien combattant de la guerre 1914-1918.

Il engage alors un procès contre son dernier employeur, car celui-ci refuse de le réembaucher, contrairement aux dispositions d’un décret garantissant aux démobilisés la reprise de leur contrat de travail. Pour justifier ce refus de la reprendre, le directeur de la compagnie invoque l’attitude passée de Louis Démarest comme secrétaire de l’Union locale des syndicats de Rouen et de sa banlieue.

Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Louis Démarest…

À des dates restant à préciser, celui-ci est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Démarestl est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Démarest est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45451. Sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [3]. Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Il meurt au Revier [4] d’Auschwitz le 2 août 1942, d’après les registres du camp ; quatre semaines après l’arrivée de son convoi.

Il est homologué comme “Déporté politique” en 1955. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 22-03-1988).

Après la guerre, le Conseil municipal de Sotteville-lès-Rouen donne son nom une rue de la commune.

Sources :

- Son nom (orthographié « DESNAREST ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60. 
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 377 et 401. 
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Liste établie par Louis Eudier (45523), p. 3, qui l’indique comme étant de Sotteville – Liste établie par la CGT, p. 4 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : fichier central (adresse au dossier EL 38244 : Madame G. Demarest, 39 rue Bugnot, Sotteville). 
- Archives départementales de la Seine-Maritime (AD 76), site internet du conseil général, archives en ligne ; registre des naissances de Grand-Quevilly, année 1898 (cote 4E 13704), acte n° 41 (vue 53/155) ; registre des mariages de Sanvic, année 1923 (cote 4E 20312), acte n° 95 (vue 49/101) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Rouen, classe 1917 (cote 1 R 3462), matricule 859 (1 vue). 
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité n° 14114 du mardi 10 août 1937, page 4, “treizième liste…”. 
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’hôtel du département, cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Da à De (cote 51 W 414), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”). 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 219 (17934/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-09-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. Le 10 février 1942, il devient un centre de regroupement pour la déportation des détenus juifs et communistes, séparés dans l’enceinte du camp. Avec le développement du plan d’extermination nazi, à la mi-juillet 1942 (rafle du Vel d’Hiv), le secteur juif sera fermé et remplacé par le camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93

[3] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n°21 de mai-juin 1948).

[4] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemandHäftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.