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Charles Delaby naît le 8 avril 1906 au hameau du Mont-Huon sur la commune du Tréport (Seine-Maritime [1] – 76), au domicile de sa mère, Marguerite Margollé, 20 ans. Il est le fils reconnu d’Armand Delaby, 19 ans, marin du Tréport ; un des deux témoins pour l’inscription à l’état civil est Marie-Joseph Delaby, 30 ans, journalier. Ses parents se marient au Tréport le 20 septembre 1906.

Longtemps domicilié à Dieppe (76), Charles Delaby est patron de chalutier, inscrit maritime.

Dieppe. Chalutier sortant du Port. Carte postale (recadrée), date inconnue, coll. Mémoire Vive.

Dieppe. Chalutier sortant du Port. Carte postale (recadrée), date inconnue, coll. Mémoire Vive.

Membre du Parti communiste, il est secrétaire du Syndicat des marins de Dieppe de 1936 à 1939 et dirigeant de l’Union Départementale de Seine-Maritime en 1938 et 1939.

À la suite des grèves ouvrières du 30 novembre 1938 – qu’il organise avec Charles Pieters, responsable des dockers et qui rejoindra plus tard les groupes armés de la Résistance – il est arrêté avec d’autres dirigeants syndicaux de la ville. Leur défense est assurée par Maître Pierre Brandon du barreau de Paris et Maître Biez de Dieppe, qui met son cabinet à la disposition de la défense. Charles Delaby est condamné à trois mois de prison ferme et 50 francs d’amende pour entrave à la liberté du travail, en même temps que Marcel Dufriche, futur FTP lui aussi. La presse locale les désignait comme « meneurs ». Les marins lancent alors un mot d’ordre de blocage de tous les ports de France – ceux de Dieppe précisant qu’ils garderont à quai le paquebot “Normandie” – tant que leurs responsables syndicaux n’auront pas été libérés.

Le 27 septembre 1939 à Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), Charles Delaby se marie avec Virginie Conte. Ils auront une fille.

Militant dans la clandestinité, Charles Delaby est arrêté le 16 septembre 1941, en tant que « communiste notoire ». Il est alors domicilié au 64, avenue Raspail à Bagnolet [2] (Seine / Seine-Saint-Denis).

À une date restant à préciser, il est remis aux “autorités d’occupation” à leur demande et transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Plusieurs rescapés se souviennent qu’il y donnait des conférences sur la pêche.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Delaby est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Charles Delaby est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45435, selon les listes reconstituées, la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Charles Delaby.

On ignore également la date exacte de sa mort à Auschwitz [4] ; probablement avant la mi-mars 1943.À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Dieppe rend hommage à Charles Delaby en donnant son nom à une place de la Ville.

Photo Mémoire Vive. D.R.

Photo Mémoire Vive. D.R.

Photo Mémoire Vive 2012. D.R.

Photo Mémoire Vive 2012. D.R.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 10-03-1988).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 375 et 401.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Seine-Maritime (2000), citant : Témoignage de René Maquenhen (45826) – Mairie de Bagnolet, où résidait son épouse à la Libération – Journal La Vigie de Dieppe, des 6 et 8 décembre 1938 – Travaux d’Eugène Kerbaul.
- Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 24, p. 228.
- Charles Pieters, Témoignages contre l’oubli, Le Temps des Cerises, août 1995, page 19 et 20.
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ?).
- Jean-Pierre Gast, Bagnolet 1939-1940, éd. Folies d’encre, août 2004, page 285.
- Gilles Pichavant, La grève du 30 novembre 1938, et ses conséquences à Dieppe, Le Fil Rouge, IHS-CGT-76.
- Archives départementales de la Seine-Maritime (AD 76), site internet, archives en ligne, registre d’état civil du Tréport, année 1906, cote 4E 13472, vue 55/208, acte n° 97.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-08-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Bagnolet : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. Le 10 février 1942, il devient un centre de regroupement pour la déportation des détenus juifs et communistes, séparés dans l’enceinte du camp. Avec le développement du plan d’extermination nazi, à la mi-juillet 1942 (rafle du Vel d’Hiv), le secteur juif sera fermé et remplacé par le camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93

[4] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir lesdocuments administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

S’agissant de Charles Delaby, c’est le mois de décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.