Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Raymond Cornu naît le 25 août 1895 à Montgeron [1] (Seine-et-Oise / Essonne), fils de Marcel Cornu, 38 ans, distillateur, et d’Augustine Damande, 35 ans, blanchisseuse, domiciliés au 11 bis, rue de Villeneuve.

Raymond Cornu devient ébéniste. Pendant un temps, il habite au 86, rue de Paris, à Montgeron.

La Première Guerre mondiale est déclenchée début août 1914. Le 19 décembre suivant, Raymond Cornu est incorporé comme chasseur de 2e classe au 10e bataillon de chasseurs à pied, à Langres. Le 4 mars 1915, il passe au 121e bataillon de chasseurs à pied. Le 4 août suivant, il est porté disparu dans le secteur du Lingekopf (Alsace). Il n’est pas blessé, mais a été fait prisonnier par l’armée adverse. À partir du 8 août, il est interné à Rastatt (Allemagne). Il est rapatrié le 4 décembre 1918. Le 19 mars 1919, il est affecté au 28e régiment d’infanterie. Le 13 septembre suivant, il est mis en congé illimité de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite. Il se retire au 46, rue de Paris, à Montgeron.

Quelques jours plus tard, le 20 septembre 1919 à Montgeron, Raymond Cornu se marie avec Georgette Legenre ou Legeure, née le 21 août 1895 dans cette commune, veuve d’un soldat mort au combat le 25 septembre 1915, dont elle a eu un fils : Roger Saintin, né le 14 février précédent à Meaux, pupille de la Nation. Raymond et Georgette Cornu ont une fille, Huguette, née le 3 mars 1920 à Montgeron.

À partir de 1921, la famille emménage à Quincy-Voisins (Seine-et-Marne – 77). Au moment de son arrestation, Raymond Cornu habite au 105, rue Pasteur, dans une maison dont il est propriétaire. Il possède également deux où trois hectares de terre dédiés à la production agricole. Il travaille toujours comme ébéniste.

Militant communiste, il est secrétaire de la cellule locale de Quincy-Voisin à partir de 1935 et membre du Comité de défense de L’Humanité (CDH). La même année, il est candidat du PCF aux élections municipales et candidat au Conseil d’arrondissement dans la circonscription de Crécy-en-Brie aux élections cantonales d’octobre 1937.

Il est également adhérent de l’Association républicaine des Anciens combattants (ARAC).

Rappelé à l’activité militaire le 1er septembre 1939, Raymond Cornu rejoint le 221e régiment régional dix jours plus tard. Il est mobilisé jusqu’au 6 novembre suivant.

Le dimanche 19 octobre 1941, il est appréhendé par la Feldgendarmerie de Meaux lors d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département.

Raymond Cornu est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (42 d’entre eux seront des “45000”). Il y est enregistré sous le matricule n° 1795, assigné au bâtiment A3.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 28 novembre, la Feldkommandantur 680 de Melun adresse au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye] une liste de 79 otages communistes seine-et-marnais pouvant être proposés pour une exécution de représailles, parmi lesquels Raymond Cornu.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 8 juillet 1942, Raymond Cornu est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45399 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Raymond Cornu est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, Raymond Cornu est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues -
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

A la fin de l’été 1944, Raymond Cornu est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres survivants sont transférés vers d’autres camps.

Entre le 18 et le 25 janvier 1945, lors de l’évacuation d’Auschwitz, il est parmi les vingt “45000” incorporés dans les colonnes de détenus dirigées vers le KL [2] Mauthausen (matricule n° 117639).

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Le 28 ou 29 janvier, Raymond Cornu est parmi les douze “45000” qui sont affectés au Kommando de Melk.

Le 15 ou 17 avril, ce groupe est évacué en marche forcée vers Ebensee, province de Salzbourg, où des usines souterraines sont en cours d’aménagement.

Le 6 mai 1945, ce camp est parmi les derniers libérés, par l’armée américaine.

Raymond Cornu décède le 1er juin 1970 à Meaux (Seine-et-Marne).

Notes :

[1] Montgeron : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 352 et 353, 358, 378 et 400.
- Archives départementales de l’Essonne (AD 91), Chamarande, site internet du conseil général, archives en ligne : registre d’état civil de Montgeron (4E 3398 NMD 1893-1896) pour l’année 1895, acte n° 77 (vue 162/246) ; registre matricule du recrutement militaire, classe 1915, n° de 1001 à 1500 (1R/RM 521), matricule 1375 (vues 648-649/867).
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, cabinet du préfet : arrestations allemandes, dossier individuel (SC51227).
- Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité n° 14164 du mercredi 29 septembre 1937, page 4, “vingtième liste (suite)…”.
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste d’otages, document allemand, cote XLIV-60.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-05-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.