Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Henri, Joseph, Corne naît le 15 septembre 1897 à Vesoul (Haute-Saône – 70), chez ses parents, Louis Corne, 24 ans, menuisier (“ouvrier d’art”), et Louise Flousey, 16 ans, son épouse, sans profession, domiciliés au 27 rue de la Tuilerie. Henri est l’aîné d’une famille de quatre enfants vivants, avec Henriette, née en 1899, Juliette, née en 1902, et Eugène, né en 1904. Leur frère Georges, né début 1901, décède l’année suivante, âgé d’un an et deux mois.

Après avoir obtenu son certificat d’études primaires, Henri Corne travaille pendant un temps comme menuisier, peut-être avec son père, Louis.

Le 2 août 1914, Louis Corne, 40 ans, est mobilisé aux G.V.C., poste de Vaivre (70). Libéré provisoirement le 15 janvier 1915, il est rappelé à nouveau sur les G.V.C. Le 19 avril suivant, il est détaché à l’usine Dollé-Chaubey à Vesoul. Le 5 octobre, il passe à l’usine Maire à Scey-sur-Saône (70). Le 1er juillet 1917, il passe au 47e régiment d’infanterie, mais le 10 décembre, il est mis en sursis d’appel illimité au titre de l’entreprise Plousey, 10, rue Petit à Vesoul.

Le 12 juillet 1915, à Vesoul, alors qu’il est de la classe 1917, Henri Corne s’est engagé volontairement pour la durée de la guerre comme soldat de 2e classe au 2e groupe d’aviation, implanté à Lyon-Bron, où il est arrivé deux jours plus tard. Son unité a d’abord été affectée aux armées Nord et Nord-Est. Puis, du 29 octobre 1916 au 28 juin 1917, Henri Corne a été mobilisé dans l’Armée d’Orient, rejoignant sans doute d’abord Salonique (les escadrilles se déplaçant ensuite en fonction du front). Le 1er janvier 1917, il est passé au 3e G.A.

Son père décède prématurément à Vesoul le 6 mars 1919, âgé de 45 ans.

Le 28 août 1919, Henri Corne passe au 1er G.A., dans la 1re compagnie d’ouvriers. Le 22 septembre suivant, le D.D. de l’aéronautique de Besançon le met en congé illimité de démobilisation.

En mai 1920, Henri Corne habite au 184, avenue du Président-Wilson à la Plaine-Saint-Denis (Seine / Seine-Saint-Denis).

Henri Corne est artisan menuisier ; pendant un temps, il est plus particulièrement escaliéteur, concevant et fabriquant des escaliers.

Le 12 novembre 1921 à Vesoul, il épouse Madeleine Lucienne Houriez, 19 ans, née le 9 juin 1902 à Lille (Nord).

En mai 1922, il est domicilié à Juniville (Ardennes). Trois mois après, il habite au 21, rue d’Isly, à Lille (Nord), étant employé chez Coppens en 1926.

En avril 1927, il demeure au 38, place du Champ de Foire, à Vesoul.

En 1929, il est l’animateur de la cellule communiste de Vesoul avec Pierre Cordier.

Le 1er mars 1930 à Vesoul, Henri Corne épouse Germaine Dravigney, fille d’instituteur née le 15 décembre 1895 à Saint-Germain (70).

En octobre 1934, il est le candidat du Parti communiste à l’élection cantonale dans la circonscription de Port-sur-Saône (70).

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié rue Grosjean prolongée (n° 53 ?) à Vesoul.

Le 24 septembre suivant, lors de la crise des Sudètes, Henri Corne est rappelé à l’activité militaire en application de l’article 40 de la loi du 31 mars 1928, et affecté au 78e régiment régional, centre de mobilisation de cavalerie n° 7. Les accords de Munich, livrant la Tchécoslovaquie au Reich Nazi, sont signés le 29 septembre. Henri Corne est renvoyé dans ses foyers le 8 octobre.

Le 24 août 1939, il est de nouveau mobilisé au 78e R.R.

En octobre 1934, Henri Corne est le candidat du Parti communiste à l’élection cantonale dans la circonscription de Port-sur-Saône (70).

Le 22 juin 1941, il est arrêté à l’initiative des autorités d’occupation, parmi vingt-trois militants communistes et syndicalistes de la Haute-Saône [1] (dont les sept futurs “45000” du département et Georges Cogniot) ; n° 7 sur la liste. Il est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Corne est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Henri Corne est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45398 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet  après l’appel du soir, Henri Corne est probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

À une date restant à préciser, il est admis au Block 20 de l’hôpital d’Auschwitz-I.

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz [2] ; certainement avant la mi-mars 1943.

La mention “Mort pour la France” est inscrite sur l’état civil (27-10-1947).

Son nom est inscrit sur le monument au morts de sa commune.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 26-02-1988).

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme «  l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des «  ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total (bilan au 31 juillet), 1300 hommes environ y seront internés à la suite de cette action. Effectuant un tri a posteriori, les Allemands en libéreront plusieurs dizaines. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Henri Corne, c’est le mois de novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 370 et 400.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, version CD-rom 3.61, 1990-1997, citant : Arch. Nat. F7/13118, rapport du 3 décembre 1929 – Le Semeur ouvrier et paysan, septembre-octobre 1934.
- État civil de la mairie de Vesoul (70).
- Archives départementales de Haute-Saône (AD70), site internet, archives en ligne : registres matricules du recrutement militaire, bureau de recrutement de Vesoul, classe 1917 (RM191), fiche de Corne Henri (deux vues).
- Archives départementales de Côte-d’Or : « arrestations par les autorités allemandes-correspondances » (1630 W, article 252).
- Site Mémorial GenWeb, relevé de Bernard Cuquemelle, 2006.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 26-01-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.