Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Antoine, Dominique, Corgiatti naît le 16 mai 1895 à La Londe-les-Maures, 10 km à l’est de Hyères (Var), fils de Pierre Corgiatti et Catherine Massa Bove. Bien que né en France, il a la nationalité de ses parents italiens. Il a un frère plus jeune, Pierre, qui lui a la nationalité française de naissance, et trois sœurs : Marguerite, Thérèse et Caroline.

À partir du 7 avril 1910, il habite à Jarny, dans le bassin de Briey (Meurthe-et-Moselle – 54), qu’il semble quitter au moment de la déclaration de guerre le 1er août 1914.

En effet, toute la famille part en Italie, à Corio où est né le père. Antoine travaille dans une usine de drap. Puis, il est appelé au service militaire par les autorités italiennes.

Il revient à Jarny à la fin mars 1919 pour travailler comme boiseur-mineur à la mine de fer de Droitaumont.

Jarny, la mine de Droitaumont. Carte postale oblitérée en 1936.  Collection Mémoire Vive.

Jarny, la mine de Droitaumont. Carte postale oblitérée en 1936. Collection Mémoire Vive.

Le 14 novembre 1925 à Jarny, Antoine Corgiatti épouse Fernande, Jeanne, Pierson, née le 14 avril 1894 à Commercy (Meuse). En 1931, ils n’ont pas d’enfant, mais Antoine héberge sa mère, son père étant décédé. Ils habitent dans une cité des mines de Droitaumont.

Antoine Corgiatti, dit “Napo”, est militant syndical.

Le 28 septembre 1931, le préfet de Meurthe-et-Moselle donne un avis favorable à la naturalisation française d’Antoine Corgiatti.

En juillet 1941, celui-ci subit plusieurs jours d’internement administratif.

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Son nom, orthographié “Corgietti”, figure – n°42 – sur une « liste communiquée le 19 (février ?) au soir à la KK (Kreiskommandantur) de Briey par le sous-préfet » pour préciser la nationalité de cinquante-trois hommes.

Le 22 février, Antoine Corgiatti est arrêté par la police française et remis aux autorités militaires allemandes avec Giobbé Pasini, de Droitaumont-Jarny. Le 23 février, il fait partie des vingt-cinq otages transférés par la police allemande au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne » ; ils y rejoignent quatorze autres otages arrivés la veille.

Et, effectivement, le 5 mars, Antoine Corgiatti est parmi les trente-neuf détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Dans ce camp, – avec notamment Giobbé Pasini – il participe au creusement du tunnel qui permet l‘évasion de 19 militants syndicalistes (dont Georges Cogniot et André Tollet) dans la nuit du 21 au 22 juin 1942. Tous deux doivent faire partie de la seconde équipe, mais la découverte du souterrain empêche toute nouvelle tentative.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

PlanRoyallieuCalqueCaen

Entre fin avril et fin juin 1942, Antoine Corgiatti est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Antoine Corgiatti est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45397 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Antoine Corgiatti est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Selon trois témoignages convergents, il est peut-être le seul “45000” à avoir vraiment tenté une évasion.

Le détenu en question parvient à s’échapper alors qu’il travaille dans un Kommando extérieur. Brièvement hébergé par un fermier Polonais, il est bientôt arrêté, ramené au camp et exécuté sur un chantier par un gardien SS.

Antoine Corgiatti meurt à Birkenau le 2 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; la cause mensongère indiquée pour sa mort est « hydropisie cardiaque » (Herzwassersucht).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 26-02-1988).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 101, 161 et 162, 367 et 400.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy, cotes W1304/23 et WM 312 (recherches de Daniel Dusselier).
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, pages 247, 346.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 185 (26954/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-03-2010)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.