Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Maurice Clouet naît le 18 juillet 1916 au Houlme (Seine-Maritime [1] – 76), dans la vallée du Cailly, au nord-ouest de Rouen, fils d’Adolphe Clouet, 41 ans, et de Louise Lenud, 37 ans, son épouse, ouvriers du textile (teinturiers). Maurice a deux frères et une sœur plus âgés.

En 1921, la famille est domiciliée rue de la Vallée, au Houlme.

Maurice Clouet devient ouvrier métallurgiste (comme l’a noté Louis Eudier, “45000” rescapé du Havre). En 1936, il est manœuvre chez Borschineck (?) et vit seul avec sa mère.

Il est adhérent des Jeunesses communistes de 1935 à 1937, puis du Parti communiste.

À partir de 1935, il est membre de la Lyre prolétarienne, groupe artistique composé d’ouvriers et d’ouvrières qui présente des revues théâtrales dans les communes industrielles de la vallée du Cailly et, en 1936, dans les usines occupées par les grévistes.

Le 30 novembre 1940, Maurice Clouet se marie avec France Deschamps, née en 1919, ouvrière d’usine.

Au moment de son arrestation, il est toujours domicilié rue de la Vallée, au Houlme.

Sous l’occupation, il distribue des tracts anti-allemands et des journaux clandestins.

Le 10 avril 1941, l’inspecteur de police spéciale Fernand Madeleine rédige un rapport concernant une : « …distribution de tracts et de papillons dans les communes de Malaunay et du Houlme dans les nuits du 9 au 10 mars et du 3 au 4 avril […] Les individus qui ont participé à ces distributions n’ont pu, en dépit de mes investigations, être identifiés à ce jour. Cependant, mes soupçons se sont portés sur un nommé Clouet Maurice… ».

Dans la nuit du 21 au 22 octobre, Maurice Clouet est arrêté à son domicile sur ordre des autorités d’occupation. Le 24 octobre, il est déjà interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), sous le matricule n° 1909.

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : le « camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le 29 octobre 1941 la Feldkommandantur 517 (Rouen) écrit au chef du district militaire A à Saint-Germain-en-Laye, en réponse à son décret du 14 octobre 1941 et à celui du 28 septembre 1941 du Militärbefehlshaber in Frankreich, mentionnant deux listes d’otages, des communistes internés à Compiègne et des gaullistes dans la « prison du Gross-Paris » (probablement le Cherche-Midi). Parmi les vingt-neuf otages figurent huit futurs “45000”, dont Maurice Clouet.

Fin décembre, celui-ci figure sur la liste répertoriant les jeunes communistes du camp.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Clouet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46228, selon les listes reconstituées. Aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Maurice Clouet se déclare comme plombier (Klempner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Clouet.

Il meurt à Auschwitz le 31 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; la cause mensongère indiquée pour sa mort est « insuffisance cardiaque » (Herzmuskelschwäche).  Il a 26 ans.Il est reconnu “Mort pour la France” (15/9/1948) et mentionné “mort en Déportation” (19/9/1989).

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 399.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (avis de décès) – Mairie du Houlme : actes (naissance, mariage, décès).
- Alain Alexandre et Stéphane Cauchois, Résistance(s), Rouen, sa région, la vallée du Cailly entre histoire et mémoire, 1940-1944, éditions L’écho des vagues, avril 2015, pages 23 et de 26 à 29.
- Alain Alexandre, message de correction et de complément du 28-03-2016.
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ?).
- Paul Le Goupil, du convoi des tatoués (matricule 185899), Mémorial des Français non-juifs déportés à Auschwitz, Birkenau et Monowitz, ces 4500 tatoués oubliés de l’Histoire, page 15.
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; doc. XLIII-66.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de A à F (26 p 840), acte n° 26227/1942 (son nom est orthographié « Clauet »).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.