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Marcel René Collinet naît le 14 septembre 1916 à Caen (Calvados – 14), fils de Marie Collinet, 46 ans, domestique résidant à Caen, mais domiciliée à Bazec (Belgique) où elle est née et de nationalité belge. Dès le 30 septembre suivant, Marcel est reconnu par son père, Jean René Cimier. Celui-ci n’a pas été mobilisé au déclenchement de la Première Guerre mondiale : le 6 avril 1905, il avait été réformé n° 2 par la commission spéciale d’Ancenis (Loire-Atlantique) pour « cataracte traumatique de l’œil droit », puis maintenu dans sa situation par le conseil de révision du Calvados le 26 novembre 1914. Ses parents se marient le 6 mai 1918 à Caen, légitimant ainsi sa naissance.

En janvier 1932, la famille habite rue des Bons-Enfants à Caen.

Le 26 janvier 1932, son père, ébouillanté dans une cuve de l’usine à gaz de Caen, décède à l’hôpital de l’avenue Georges-Clémenceau ; le 18 mai 1934, sa mère, écrasée sur la route d’Harcourt à Fleury-sur-Orne, succombe elle aussi à l’hôpital Clémenceau ; Marcel Cimier a alors 17 ans.

À 18 ans, il s’engage comme militaire au Maroc, mais obtient la résiliation de son engagement au bout de cinq mois. Il revient à Caen, où il abandonne la mécanique pour le bâtiment et travaille comme plombier-zingueur (pour l’entreprise Marie lors de son arrestation).

Marcel Cimier se met en ménage avec Yvonne Simone Marie, une veuve qui a déjà une fillette. Il l’épouse le 16 septembre 1939, à la déclaration de guerre. Ils ont ensemble un garçon, Jean-Claude Marcel, né le 20 avril 1940, et une fille, Liliane Yvonne, née le 11 janvier 1942, qui n’a que trois mois et demi au moment de l’arrestation de son père.

La famille habite alors au 13, rue Gémare à Caen.

Grand sportif, Marcel Cimier fait partie de “l’Avant-Garde caennaise”. Bon nageur, il va chez l’ancien footballeur Eugène Maës [1] qui tient une guinguette avec piscine sur l’Orne. Il aurait pu y rencontrer Maurice Mondhard qui fréquentait le même établissement.

Une piscine sur l’Orne : le Lido dans les années 1950. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Une piscine sur l’Orne : le Lido dans les années 1950.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Marcel Cimier est membre du Parti communiste.

Connu pour avoir “fait de la propagande” depuis le début de l’Occupation, il est arrêté à son domicile, le 1er mai 1942 à 23 h 30, par deux policier français accompagnés d’un soldat allemand. Il figure comme communiste sur une liste d’arrestations demandées par la Feldommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) [2]. Parmi ceux qui sont conduits au commissariat central, il voit arriver son neveu, Roger Pourvendier, de Caen, plus jeune que lui de dix ans. Ils passent à l’identité.

Avant la fin de la nuit, les détenus sont transférés à la Maison centrale de la Maladrerie, à Beaulieu, quartier de Caen, où ils sont d’abord entassés dans les cellules punitives du “mitard”, au sous-sol. Dans la matinée de ce 2 mai, Marcel Cimier monte dans une autre cellule qu’il partage avec Armand Bernheim, Jean Doktor et Marc Pecker (qu’il connaît déjà), otages juifs de Caen.

Le 3 mai, en fin d’après-midi, remis aux autorités d’occupation, ils sont conduits dans deux autocars, sous forte surveillance française et allemande, vers le “petit lycée”, où sont regroupés les otages venant de différentes villes et villages du Calvados. Ils sont interrogés, notamment sur l’attentat d’Airan. Ils passent la nuit sur le plancher.

Le 4 mai vers quatre heures du matin, ils sont informés par un sous-officier allemand qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés. Plus tard, certains peuvent rencontrer brièvement leur famille. Marcel Cimier voit son épouse et leurs enfants. En début de soirée, les détenus sont ensuite transportés en cars et camions à la gare de marchandises de Caen où ils doivent monter dans deux wagons à bestiaux.

Le train part rapidement et ils arrivent le lendemain au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai en soirée. Là, ils sont assignés au bâtiment “C 5”, isolés et interdits de correspondance pendant plusieurs jours (« un mois »).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Son épouse part avec leurs deux enfants se réfugier dans la famille à Angers (son frère ou celui de son mari).

Le 22 juin, comme beaucoup d’autres détenus, Marcel Cimier n’apprend l’existence du tunnel qui a servi à l’évasion de 19 militants [3] que lorsque les gardes allemands donnent l’alerte.

Entre avril et fin juin 1942, Marcel Cimier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Marcel Cimier est un des rescapés qui donne un composition précise du convoi au départ : « nous étions onze cent soixante-quinze, y compris cinquante juifs » (trois évadés sont connus…). L’appel des partant s’effectue selon l’ordre alphabétique.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Du camp jusqu’à la gare, et encore à l’intérieur du wagon, M. Cimier est à côté de Georges Auguste, de Caen. Dans son wagon sont aussi les frères Lucien et Marcel Colin.

TransportAquarelle

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures. Lors de cet arrêt en gare, par une lucarne, il aperçoit Jean Corticchiato qui remonte le long du train, bousculé par des sentinelles allemandes après une tentative d’évasion. Le convoi repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Cimier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45371 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. Lors des cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau, Marcel Cimier se trouve au Block 20 et est affecté au Kommando du Kanal.Le 13 juillet, après l’appel du soir, il est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Avec son neveu, Roger Pourvendier, Étienne Cardin et Léon Bigot, Marcel Cimier est assigné au Block 17 A, et d’abord envoyé travailler comme mécanicien dans un garage de voitures personnelles des SS. Mais, ne sachant pas parler allemand, ils en sont évincés par des détenus polonais et envoyés vers des Kommandos plus difficiles. Avec son neveu, Marcel Cimier est affecté au déchargement des wagons.

Vers la mi-août 1942, il se brûle gravement le pied en portant avec un camarade un bouteillon de soupe bouillante qui se renverse. Il est admis au Block 21, celui de la chirurgie, où il passe dix jours avec un simple pansement de papier. Lors de sa convalescence, il attrape le typhus et n’est sauvé d’une sélection pour les chambres à gaz de Birkenau que par l’intervention d’un détenu polonais qui le connaissait. Il sort en novembre pour retourner dans les Kommandos les plus difficiles : déchargement des wagons (avec son neveu), canal et carrière de sable.

En janvier 1943, ayant attrapé un coup de froid, il est admis deux semaines à l’hôpital. Il en sort en même temps que le jeune Raymond Langlois, qui devient son compagnon de misère pour plusieurs mois : même Block (le 9), mêmes Kommandos difficiles (déchargement de wagons, creusement de canalisations dans le sol gelé). En avril, après le départ d’un grand nombre de détenus polonais transférés, Marcel Cimier arrive à faire embaucher son camarade à la cuisine pour l’épluchage des pommes de terre, puis il y est admis à son tour. Mais, début mai, Raymond Langlois, atteint par la tuberculose, doit entrer à l’hôpital. Il y meurt le 11 novembre, alors que Marcel Cimier a intégré le groupe de Français non-juifs (parmi lesquels les “45000” rescapés) mis en quarantaine à l’étage du Block 11 à la mi-août 1943.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Auschwitz-I. Le premier étage du Block 11, avec ses fenêtres partiellement obstruées. Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Au Block 11, Marcel Cimier fait équipe avec son neveu, Eugène Baudoin et Maurice Le Gal pour le partage des colis, qui commencent à leur parvenir.

Un soir, il se procure un petit accordéon et réconforte ses compagnons avec des airs de bal-musette, souvenir marquant pour André Montagne, de Caen.

Dans cette période, son neveu, Roger Pourvendier déclare la malaria avec de fortes fièvres, en même temps que Marius Zanzi. Partis à l’hôpital, les deux hommes en reviennent presque rétablis. Mais, vers le 20 novembre, sur décision du commandant du camp, ils sont transféré au KL de Lublin-Majdanek avec d’autres détenus d’Auschwitz qui ont eu cette maladie.

Le 12 décembre 1943, suite à la visite d’inspection du nouveau chef de camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de “récupérer”, les “politiques” français sont renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Début août 1944, René Cimier apprend le décès de son neveu par Marius Zanzi lorsque celui-ci passe par Auschwitz après l’évacuation de Lublin.

Le 3 août 1944, Marcel Cimier est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.

Le 7 septembre 1944, il est dans le petit groupe de trente “45000” transféré – dans des wagons de voyageurs ! – au KL [4] Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw (matricule 40987).

Le 8 février 1945, il fait partie du groupe de quinze “45000” évacué vers le complexe concentrationnaire de Nordhausen (arrivé le 15). Le 2 mars, il est affecté à l’usine de V1 de Dora.

Le 24 mars, lors de l’évacuation de ce camp, il est amené en train au KL Neuengamme (14-20 avril) avec Louis Cerceau et Georges Gaudray, puis évacué à pied vers la mer Baltique. Le 21 avril, dans le port de Lubeck, il embarque sur un navire-prison, l’Elmeyork, puis est transféré sur le Thielbeck.

Le 29 avril, il est pris en charge avec 299 autres détenus par la Croix-Rouge qui les a échangé contre des médicaments. Il échappe ainsi au bombardement meurtrier des bateaux allemands (Cap Arcona) par l’aviation britannique, le 3 mai.

Il est emmené en bateau vers la Suède, à Trelleborg, où il débarque le 2 mai. Là, il peut se rétablir et échanger des courriers avec sa famille : sa femme et ses enfants sont réfugiés à Angers (Caen a été durement bombardée au cours du débarquement et de la bataille de Normandie).

Le 26 juin, Marcel Cimier est transporté en bateau de Malmö vers Copenhague, où il monte dans un avion américain spécial à destination de Bruxelles. Le 28 juin, il arrive à Paris en car. Il retrouve sa famille, apportant pour ses enfants « deux grandes valises remplies de bonbons ». Ils reviennent à Cabourg, puis à Caen, « dans un baraquement américain situé au Chemin-Vert ». Il reprend son travail de couvreur trois mois après son retour. Sa femme complète le revenu du ménage en travaillant à la brasserie Chandivert.

Marcel Cimier adhère à l’Amicale d’Auschwitz.

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À partir de 1957-1958, il commence à rédiger le récit de sa déportation. Il avait rapporté quelques notes et papiers qui lui ont permis de préciser ses souvenirs. Le titre que Marcel Cimier donne à son cahier – Les incompris – est révélateur de la difficulté qu’éprouvèrent les déportés rentrés à faire comprendre toute l’horreur de ce qu’ils avaient vécu. Il termine en indiquant : « je suis condamné de mes deux poumons… »

Après son retour, il a fait un tentative de suicide.

Marcel Cimier décède le 11 octobre 1962, à l’hôpital Clémenceau de Caen (comme ses parents), d’une hémorragie interne due à la tuberculose ; il a 46 ans. Son camarade Eugène Beaudoin, venu assister à son inhumation, décède quelques mois plus tard.

Le 26 août 1987, à Caen, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.

Le nom de Marcel Cimier est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.

© Photo Mémoire Vive.

© Photo Mémoire Vive.

Après que le Conseil municipal de Caen en ait voté le principe le 24 juin 2013, une rue au nom de Marcel Cimier est inaugurée dans le quartier nouvellement créé du Clos-Joli le 3 mai 2014 par Jean-Claude Cimier, en présence de sa famille, d’Yves Lecouturier, historien, de Fernand Devaux, rescapé du convoi, et d’autres membres de Mémoire Vive, dont Roger Hommet, frère de René Hommet, otage calvadosien, et Claude Doktor, fils d’Isaac Jean Doktor, otage caennais.

L’intervention de Jean-Claude Cimier. © Mémoire Vive, droits réservés.

L’intervention de Jean-Claude Cimier.
© Mémoire Vive, droits réservés.

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© Mémoire Vive, droits réservés.

Notes :

[1] Eugène Maës : futur résistant, mort en déportation.

[2] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[3] Ce tunnel a permis l’évasion de 19 militants syndicalistes (dont Georges Cogniot et André Tollet) dans la nuit du 21 au 22 juin 1942, peu avant la déportation du millier d’otages communistes, le 6 juillet.

[4] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.

Sources :

- Journal de Marcel Cimier, Les incompris, publié en 1995 par les archives départementales et le conseil général du Calvados dans un recueil de témoignages rassemblés par Béatrice Poule dans la collectionCahiers de Mémoire sous le titre Déportés du Calvados (pages 82-115) ; l’ouvrage reproduit également le journal de Lucien Colin.
- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association  Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001 ; témoignage de Jean-Claude Cimier, entretien du 9 mars 2001 (p. 26, 91).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 361 et 399.
- Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 130 (n° 53) et 138.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 8-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.