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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Louis, Charles, Chaussard naît le 25 août 1889 à Cercy-la-Tour (Nièvre), chez ses parents, Étienne Chaussard, 42 ans, journalier, et Annette Michaud, son épouse, 34 ans, sans profession, habitant au lieu-dit la Guette. Louis a – au moins – une sœur et deux frères  plus âgés.

Pendant un temps, Louis Chaussard travaille comme employé de commerce.

Le 3 octobre 1910, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 56e régiment d’infanterie à Chalon-sur-Saône afin d’y accomplir son service militaire. Il est envoyé dans la disponibilité le 25 septembre 1912, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 12 juillet 1913, à Cercy-la-Tour, il épouse Clémentine Chatelain. Ils auront quatre enfants.

Il est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914 et arrive au corps deux jours plus tard. Le 25 août 1914, à Essey-la-Côte (Meurthe-et-Moselle), lors de la bataille de la Trouée de Charmes (une offensive allemande contrée), il est blessé par balle au mollet droit. Le 28 mars 1915, il est évacué du Bois d’Ailly, dans la forêt d’Apremont (Meuse) pour atrophie papillaire (œil malade). Il retourne aux armées le 25 août suivant. Le 2 avril 1917, il est évacué du secteur de la Courtine pour courbature fébrile (ferme de Maisons de Champagne ?).
Le 20 janvier 1919, il passe au 8e escadron du train (des équipages). Le 3 avril suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire chez lui, à Cercy-la-Tour.

Le 4 juillet 1919, Louis Chaussard est embauché par la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée (PLM) qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1]. Le 4 novembre 1920, l’armée le classe dans l’affectation spéciale au titre de la 2e section des chemins de fer de campagne, employé à la PLM en qualité de manœuvre à Cercy-la-Tour. En octobre 1926, il est plus précisément affecté spécial comme manœuvre laveur à l’entretien.

Cercy-la-Tour. La gare et vue générale. Carte postale oblitérée en 192. Collection Mémoire Vive.

Cercy-la-Tour. La gare et vue générale. Carte postale oblitérée en 192. Collection Mémoire Vive.

À la mi-mai 1929, il est domicilié au 74, rue de Montreprais (?) à Nevers.

En février 1933, le conseil de révision de Nevers lui reconnaît un taux d’invalidité de 25 % pour une hypermétropie élevée à l’œil droit avec amblyopie

À partir de septembre 1935 et jusqu’au moment de son arrestation, Louis Chaussard est domicilié au 1er ou au 16, rue de la Manutention à Dijon (Côte-d’Or).
Il est alors sous-chef de brigade de manœuvre à la gare SNCF de Dijon-Ville.

La gare de Dijon-ville dans les années 1910. Carte postale, collection Mémoire Vive.

La gare de Dijon-ville dans les années 1910. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le 23 juin 1941 [2], il est arrêté par les Autorités allemandes. En juillet, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Chaussard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, située sur la commune voisine de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Louis Chaussard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45362 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit. Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de dire dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Louis Chaussard.

Il meurt à Auschwitz le 3 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Le 22 octobre 1942, dans un courrier à caractère urgent, le Préfet délégué de la Côte-d’Or demande au Commissaire central de Dijon que celui-ci lui fasse connaître si l’intéressé a été libéré et, dans la négative, de lui préciser quelles sont les personnes à charge, leur situation matérielle et son avis sur l’opportunité de leur attribuer une aide financière. À une date restant à préciser, une allocation journalière de 11,50 francs est accordée à Clémentine Chaussard.

Louis Chaussard est homologué comme Déporté Résistant (carte n° 1-016-02234).

La mention « Mort en déportation » est apposée sur les actes et jugements déclaratifs de décès le concernant (JORF n°0217 du 18 septembre 2011), indiquant comme date de décès le 15 octobre 1942.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 363 et 399.
- État civil de la mairie de Cercy-la-Tour (71).
- Archives départementales de la Nièvre (AD 58), site du Conseil départemental, archives en ligne ; registre des matricules militaires, classe 1909 bureau de Nevers, matricules de 1191 à 1666 (1 R 373), n° 1629 (vues 728-729/791).
- Archives départementales de Côte-d’Or, cote 1630 W article 252 et cote 6J61 à 63 : fiches individuelles des déportés de Côte-d’Or, don de Pierre Gounand, historien.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels ont a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), acte n° 1942-34160.
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (cote 0110LM0108).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-11-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est défini le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.