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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Marcel Chabot naît le 5 février 1900 à Saint-Séverin (Charente – 16), fils de Charles Chabot, 25 ans, et de Clémentine Bayonne, 23 ans, son épouse, cultivateurs au village de Chen-Jannet (?).

Il commence à travailler comme ouvrier papetier à La Couronne (16), où il habite (S.A. des Papeteries de La Couronne).

Le 7 avril 1921, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 119e régiment d’infanterie afin d’accomplir son service militaire. Le premier septembre 1912, il est nommé soldat de première classe. Le 26 septembre 1922, il est envoyé dans la disponibilité et se retire à La Couronne, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 28 avril 1923, à La Couronne, Marcel Chabot se marie avec Louise Renée Michelot, née le 18 mai 1904 à La Couronne. Ils auront deux filles, Raymonde, née le 4 février 1924, et Ginette, née le 23 décembre 1925, toutes deux à La Couronne (âgées de 17 et 15 ans en 1941).

En janvier 1933, Marcel Chabot habite au 14, impasse du Gymnase à Nanterre [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). En juillet suivant et jusqu’à son arrestation, il est domicilié au 53, rue de Chatou, qui devient rue Jean-Allemane [2] en septembre 1935.

Marcel Chabot est ouvrier aux Papeteries de la Seine à Nanterre (dites aussi « du Petit Parisien »).

En 1936, le personnel en grève des Papeteries de la Seine. Collection de la Société d’Histoire de Nanterre.

En 1936, le personnel en grève des Papeteries de la Seine.
Collection de la Société d’Histoire de Nanterre.

Marcel Chabot est membre du Parti communiste. Mais la police ne le connaît pas comme tel avant son arrestation.
Le 13 juillet 1941, il est arrêté par des policiers du commissariat de Puteaux, « trouvé porteur de quatre cartes du Secours Populaire de France, vendues au profit des communistes emprisonnés », qu’il déclare avoir acheté « à l’entrée du camp de La Folie croyant venir en aide aux prisonniers de guerre ». Interrogé, il reconnait « avoir distribué des tracts où il était question de salaires » – dont il dit ignorer l’origine politique -, reçus au cours de rendez-vous clandestins par un homme connu seulement de vue. Le 19 juillet, le commissaire de police de Puteaux adresse à la direction générale de la police municipale un rapport signalant qu’il a envoyé Marcel Chabot au dépôt pour propagande communiste, ainsi qu’un militant ayant manifesté sur la voie publique le 14 juillet.
Le 16 juillet 1941, Marcel Chabot comparaît avec cinq autres prévenus, dont Antoine Ossot, d’Aubervilliers, devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de la Seine. Marcel Chabot est condamné à quatre mois d’emprisonnement.
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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 29 juillet, Marcel Chabot et Antoine Ossot sont conduits à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).

Le 4 août, Marcel Chabot est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines), où il rejoint son compagnon qui y a été écroué trois jours plus tôt.

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 2 octobre, en « exécution de la note préfectorale » du 14 novembre 1940, le directeur de la prison transmet au bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise sept notices de détenus de la Seine devant être libérés à l’expiration de leur peine au cours du mois suivant (le 7 novembre pour Marcel Chabot). Le 10 octobre, le préfet de Seine-et-Oise transmet le dossier au préfet de police de Paris, direction des services des Renseignements généraux.

Le 8 novembre, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Marcel Chabot (même date que pour Antoine Ossot), en application du décret du 18 novembre 1939. Le jour même, pris en charge par la préfecture de police, Marcel Chabot, Antoine Ossot, René Solard et un autre détenu sont ramenés au Dépôt (sous le Palais de Justice, sur l’île de la Cité).

Le 3 janvier 1942, Marcel Chabot fait partie d’un groupe de 38 internés politiques (parmi lesquels 16 futurs “45000”) et 12 “indésirables” (droit commun) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé (Vienne). Ils sont conduits en car, sous escorte, jusqu’à la gare d’Austerlitz où les attend un wagon de voyageurs réservé (10 compartiments ; départ 7h55 – arrivée 18h51).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, Marcel Chabot fait partie d’un groupe 156 internés – dont 124 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Chabot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45349 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Marcel Chabot se déclare alors comme jardinier (Gärtner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Chabot est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block n° 4.

Il semble être admis à l’hôpital des détenus du camp le 3 août.Marcel Chabot meurt du typhus (Fleckfieber) à Auschwitz le 22 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].Il est homologué comme “Déporté politique”.

Son nom est inscrit (sans prénom) parmi les déportés sur le Monument aux morts de Nanterre, parc desAnciennes Mairies.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 20-11-1987).

Notes :

[1] Nanterre : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Jean Allemane (1843-1935) : membre de la Commune, arrêté en mai 1871, condamné et déporté en Nouvelle-Calédonie jusqu’en 1880. Fondateur du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire en 1890 et député de Paris en 1901 et 1906. Par délibération du 15 septembre 1935, le conseil municipal de Nanterre donne son nom à la rue de Chatou, réalisée au début du 20e siècle pour favoriser l’industrialisation du quartier du Chemin-de-l’Ile

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Marcel Chabot, c’est le 15 octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 383 et 398.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2002), citant : Archives municipales de Nanterre, liste de déportés – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (acte de décès ; liste – incomplète – par matricules du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau).
- Archives de la préfecture de police ; dossiers des renseignements généraux (77w86), dossier de Marcel Chabot (92.411) ; cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374).
- Archives de Paris, archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941, cote D1u6-5857.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux ; bureau politique du cabinet du préfet (1W69).
- Archives départementales de la Vienne, camp de Rouillé (109W75).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 49.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 163.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès (23911/1942), page du registre du Block 4, page du relevé clandestin du registre de la morgue.
- Site Mémorial GenWeb, 92-Nanterre, relevé de Gilles Gauthier (12-2005).
- Claude Léonard, Dictionnaire historique des rues de Nanterre, bulletin de la Société d’Histoire de Nanterre (SHN) n° 36, janvier 2006 (toujours disponible : 20 €) et message (05-2015). http://histoire-nanterre.com/

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-05-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.