Amilcare, Eugenio, Casagrande naît le 12 juillet 1898 à Cison-di-Valmarino, près de Trévise (Italie), fils d’Eugène Casagrande et Augusta Fosa. Peut-être a-t-il un frère, Édouard, né le 13 janvier 1903 à Vevey en Suisse.

Le 23 septembre 1923, il s’installe à Villerupt (Meurthe-et-Moselle – 54), ville-frontière avec le Luxembourg.

À une date reste à préciser, il épouse Jeanne Hoffmann, née le 23 août 1912 à Russelange (Luxembourg). En 1931, ils n’ont pas d’enfant. Cette année-là, le couple est domicilié au 17, rue Émile-Curicque à Villerupt.

Le 17 juin 1929, le préfet de Meurthe-et-Moselle donne un avis favorable à la naturalisation française d’Amilcare Casagrande et de son épouse.

Amilcare Casagrande est ajusteur aux aciéries de Micheville (à Thil ?).

Il est adhérent du Parti communiste (motif mentionné pour son arrestation ultérieure).

Lors de la mobilisation de 1939, Amilcare Casagrande est “affecté spécial” dans son usine.

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Amilcare Casagrande est arrêté comme otage par la Feldgendarmerie lors de la « rafle effectuée dans la nuit du 19 au 20 » février (rapport du préfet de la région de Nancy) ou le lendemain.

Le 23 février, il fait partie d’un groupe de vingt-cinq otages transférés par la police allemande centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne » ; ils y rejoignent quatorze autres otages arrivés la veille.

Le 5 mars, Amilcare Casagrande est parmi les trente-neuf détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.     L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Le 22 avril, son frère Édouard est conduit au camp d’Écrouves. Le 27 mai 1942, il est transféré à la prison Charles-III de Nancy (à vérifier…).

Entre fin avril et fin juin 1942, Amilcare Casagrande est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Amilcare Casagrande est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45338 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [1]).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
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Amilcare Casagrande est l’un des rares
“45000” à avoir été photographié deux
fois, probablement parce que
l’opérateur estimait que le premier
cliché pouvait être raté.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Amilcare Casagande est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 5.Le 21 septembre, il est admis au Block 20 de l’ “hôpital” (Revier), d’où il est transféré au Block 19 (“chirurgie”).

Amilcare Casagrande meurt à Auschwitz le 28 septembre 1942, selon plusieurs registres établis par l’administration SS du camp.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 15-11-1987).

Notes :

[1] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 369 et 398.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 515.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy, , cotes W1304/23 et WM 312 ; fiches du centre de séjour surveillé d’Écrouves (ordre 927 W) ; recherches de Daniel et Jean-Marie Dusselier.
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, pages 247, 346.
- Registre du Block 20 HKB, archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, message du Bureau de recherches sur les prisonniers, 3-04-2009.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 16-05-2010)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.