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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Louis, Alexandre, Buvat naît le 6 septembre 1892, à Bourges (Cher – 18), chez ses parents, Auguste Buvat, 36 ans, ajusteur, et Julie Cocu, 32 ans, son épouse, domiciliés rue Saint-Joseph, dans le quartier d’Auron. Les témoins pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil sont un ajusteur et un tailleur de pierre. Louis a une sœur, Camille, Pauline, née le 4 septembre 1884, et deux frères, Albert, né le 10 janvier 1886, et Adrien Auguste, né le 7 avril 1888.

En 1906, toute la famille habite au 9 rue Diderot à Bourges (quartier d’Auron-banlieue). Les trois fils sont apprentis ajusteurs aux Établissements militaires.

Le 24 septembre 1907, quand leur sœur se marie à Bourges avec un mécanicien venu de Paris 13e, Albert Buvat habite déjà à Puteaux (Seine / Hauts-de-Seine).

Pendant un temps (avant 1912 ?), Louis Buvat est domicilié au 6, rue Rouget-de-L’Isle, à Puteaux (Seine / Hauts-de-Seine). Il travaille comme tourneur sur métaux.

Le 10 octobre 1913, il est incorporé comme apprenti-marin au 3e dépôt des équipages de la flotte (matricule 26854). Du 2 août 1914 au 14 janvier 1916, il est considéré en mer. Le 27 novembre 1914, il est matelot de 3e classe. Du 19 mars au 13 novembre 1916, puis du 19 mars au 21 mars 1917, il est en mer. Le 3 mars 1918, il est nommé matelot de 2e classe canonnier. Le 25 août 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire à Bourges, chez ses parents, alors domiciliés dans la petite rue Chertier, quartier de Mazières.

Le 14 septembre 1919, Auguste Buvat, 63 ans, décède à son domicile ; Louis Buvat se rend avec un voisin au service de l’état civil afin de déclarer le décès de son père.

Le 29 octobre 1921, à Bourges, Louis Buvat épouse Marie Chagnon ou Chagnou, née le 24 juillet 1897 à Chambon (18). Le couple s’installe rue Chertier avec la mère de Louis. Tous trois y habiteront encore en 1936, Marie et Louis Buvat n’ayant pas d’enfant.

Celui-ci est tourneur à l’École Centrale de Pyrotechnie (ECP) – technique de fabrication et d’utilisation des munitions d’artillerie -, qui fait partie des Établissements militaires de Bourges.

Bourges. Les Établissements militaires dans les années 1900. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Bourges. Les Établissements militaires dans les années 1900.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Louis Buvat est un des principaux dirigeants du syndicat des Établissements entre les deux guerres.

Membre du bureau du syndicat des EM de Bourges de 1920 à 1926, il devient secrétaire adjoint en 1922 et secrétaire général en 1926-1927, puis sans avoir de titre, il reste le dirigeant écouté du syndicat unitaire.

Sans doute d’abord membre du Parti socialiste, il adhère au Parti communiste après le congrès de Tours ; il est membre de la commission administrative fédérale comme suppléant en 1921 et titulaire en 1922. En 1924, lors de la réorganisation sur la base des cellules, il est élu secrétaire du rayon de Bourges ; il appartient alors à la cellule numéro 1.

En 1926, surtout syndicaliste, Buvat anime la commission syndicale de la région communiste du Centre. En 1927, il n’est plus secrétaire du rayon : devenu “agent militarisé” aux EM, il est membre de la cellule n° 2.

Au sein du Bureau régional, Louis Buvat est avec Cornavin, député du Cher et ancien ouvrier des EM, l’un des principaux artisans de l’exclusion de Maurice Boin, ancien membre du Comité directeur du Parti, etrédacteur en chef de L’Émancipateur. Aux élections de 1928, « L’hostilité du clan Buvat-Cornavin prit un caractère inouï de haine contre ma candidature », écrit Boin. Buvat multipliait effectivement les attaques contre celui-ci ; le 13 février 1928, lors d’une réunion des cellules numéros 1 et 2 des EM, il déclare que « Boin est un arriviste, un anticommuniste et que, s’il était candidat, il fallait lui donner la plus mauvaise circonscription. » À la conférence départementale du 1er février 1928, il affirme « que ce camarade n’est pas digne de porter le drapeau du parti au cours de la prochaine bataille électorale » (Arch. Dép., 25 M 128). Aussi se félicite-t-il de l’exclusion de Maurice Boin en janvier 1929.

Dans les années 1930-1931, le recul de l’implantation unitaire, l’influence naissante des confédérés au sein des Établissements militaires inquiètent Louis Buvat. Il en rend responsable la tactique syndicale du Parti. Ainsi à la réunion des cellules 1 et 2 des EM, le 23 septembre 1931, Buvat intervient avec Virmot en faveur de l’entrée en masse et sans conditions dans la CGT « pour en avoir la direction par la suite »… « Virmot et Buvat ont maintenu leur point de vue, qui est l’entrée en masse à la CGT sans aucune espèce de réserve. Les protestations ayant accueilli cette manière de voir, Buvat est parti en claquant la porte » (Arch. Dép., 25 M 128).

Aux élections législatives de 1932, Louis Buvat est l’un de six militants proposés aux cellules du Cher devant choisir quatre d’entre eux comme candidats. Bon orateur, il prend souvent la parole dans les meetings syndicaux en 1933-1934, mais il n’appartient plus à la direction politique régionale.

En 1939, bien qu’âgé de quarante-sept ans, il est rayé de son affectation spéciale et envoyé aux armées. Le 5 décembre, il rejoint le dépôt d’infanterie n° 2, 22e compagnie de passage, et est affecté à la 2e compagnie de guet au Creusot, puis à la 1ère compagnie de mitrailleurs du Creusot. Renvoyé temporairement dans ses foyers le 2 mai 1940, il est rayé des contrôles quelques jours plus tard.

Début 1942, pour un motif restant à préciser, il est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Buvat est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45320 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Buvat est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 4. Il est notamment affecté au Kommando Terrass.

Louis Buvat meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après les registres du camp ; assassiné après avoir frappé un SS d’un coup de pelle, selon les témoignages de Georges Rousseau et Roger Gauthier. Selon l’acte de décès du camp, établi par l’administration SS, la cause de sa mort serait une « insuffisance cardiaque ».

Après la guerre, sa veuve habite toujours (oct. 1955) au 10, rue Chertier, à Bourges. Elle décède à Bourges le 16 août 1979.

Le nom de Louis Buvat est inscrit, avec 148 autres, sur la stèle commémorative « Honneur à nos morts tombés pour que vive la France », apposée sur un mur mitoyen de la section du PCF de Bourges, 45 rue Théophile-Lamy.

Sources :

- Claude Pennetier, notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, CD-rom, version 1990-1997, citant : Arch. Dép. Cher, 25 M 127-128 – L’Émancipateur – Le Syndicat du Cher – Maurice Boin, Pourquoi et comment j’ai été exclu du Parti communiste, Bourges, 60 p., 1929 – Boin fit de Louis Buvat un personnage de son roman inédit Les Cellulards, sous le nom de Téteau – A. Gosnat, op. cit. ?
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 142 et 143, 362 et 397.
- Archives départementales du Cher (AD 18), site internet du Conseil général, archives en ligne ; registre des naissances de Bourges, année 1892 (cote 3E 4896), acte n° 569 (vue 288/446) ; registre des matricules militaires, bureau de recrutement de Bourges, classe 1912 (cote 2R 704), matricule n° 347 (vues 638-639/893).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 154 (31498/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).
- Site MémorialGenWeb, relevé n° 58355, par Claude Richard, 07-2011.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 22-10-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.