JPEG - 75.6 ko
Lors de l’enregistrement à Auschwitz,
le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Louis Burtin naît le 7 novembre 1900, à Mouacourt (Meurthe-et-Moselle – 54), fils de Jules Burtin, 40 ans, propriétaire exploitant, et d’Amélie Caroline Lambert, 35 ans, son épouse, habitant le « quartier du chemin vicinal de Monacourt à l’écluse ». Il a (au moins) un frère aîné, Charles, Lucien, né le 7 septembre 1895 à Mouacourt.

Le 24 avril 1924, à Dombasle-sur-Meurthe, 10 km au sud-est de Nancy (54), Louis Burtin se marie avec Marcelle Lucienne Lacroix, née le 8 janvier 1902, lingère. Ils n’auront pas d’enfant.

Au moment de son arrestation, Louis Burtin est domicilié dans un pavillon au 24, rue des Champs Fleury à Dombasle.

Il est manœuvre peintre à l’usine Solvay de cette ville (production de soude).

Dombasle-sur-Meurthe, transbordeurs des usines Solvay. Carte postale colorisée, écrite en 1936. Collection Mémoire-Vive.

Dombasle-sur-Meurthe, transbordeurs des usines Solvay.
Carte postale colorisée, écrite en 1936. Collection Mémoire-Vive.

En 1937, Louis Burtin est secrétaire du syndicat CGT des Produits chimiques de Dombasle.

Secrétaire de la section communiste de Dombasle, il est délégué au congrès du PCF à Arles, en décembre de cette même année.

En 1939, il fait partie du bureau régional du PCF.

En avril 1940, mobilisé, Louis Burtin est arrêté sur le front pour un motif restant à préciser. En juillet de la même année, il est remis entre les mains des Allemands comme prisonnier de guerre. Il est libéré pour cause de maladie du Stalag où il a été conduit.

Le 21 juin 1941, ouis Burtin est arrêté puis interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [1]. Pendant un temps, il est assigné au bâtiment A4 avec le matricule 1072.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Burtin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Burtin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45317 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Burtin est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Les 28 et 29 octobre, Louis Burtin est inscrit sur un registre du Block des maladies contagieuses (n° 20) de l’hôpital des détenus d’Auschwitz [2].

Il meurt à Auschwitz le 14 novembre 1942,, selon un relevé clandestin du registre de la morgue d’Auschwitz-I (Leichenhalle) réalisé par le groupe de résistance polonais des détenus.

Le 27 octobre 1942, le préfet de Meurthe-et-Moselle signe un arrêté ordonnant l’internement administratif de Marcelle Burtin, syndiquée à la Fédération de la Lingerie de 1936 à 1937. Conduite au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), elle en est libérée le 31 novembre 1942 après avoir déclaré « sur l’honneur se rallier au nouvel ordre social et respecter l’ordre du Maréchal Pétain », s’engageant « en outre de ne plus avoir de relations syndicales » [sic].

En 1946, le Conseil municipal de Dombasle donne le nom de Louis Burtin à la rue des Écoles.

Une plaque à son nom a été déposée devant le monument dédié « aux victimes du nazisme » à l’intérieur du cimetière communal.

Notes :

[1] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[2] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus.
Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les « 31000 » et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme « Revier » : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 367 et 397
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières 1990-1997 CD-rom version 3.61, citant : Le Réveil Ouvrier, 25 décembre 1937, 22 janvier 1938 – La Voix de l’Est, 2 mars 1946 (article nécrologique).
- Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon (cote 1630, article 252).
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, pages 100, 135, 229 et 359.
- Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (Archiwum Państwowego Muzeum Auschwitz-Birkenau – APMAB), Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), page 153 du registre du Block 20 de l’hôpital.
- Site Mémorial GenWeb, Dombasle-sur-Meurthe, relevé n} 40754.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.