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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Adrien, dit Henri BURGHARD naît le 8 mai 1897 à Messigny (Côte-d’Or – 21), de Jules Burghard, 38 ans, charbonnier, et de son épouse Justine Paillet, 30 ans, manouvrière.

Pendant un temps, Adrien Burghard travaille comme bucheron. C’est un homme plutôt grand pour son époque : 1m77.

Le 12 janvier 1916, il est incorporé comme sapeur-mineur au 11e régiment du Génie, à Épinal. Il monte au front à partir du 7 décembre suivant. Le 9 juin 1917, il passe au 2e Génie. Titulaire de deux citations – dont celle du 2 novembre 1918 : « Sapeur dévoué et courageux, par son ardeur au travail dans la période du 28 septembre au 23 octobre 1918, a contribué activement à l’établissement de passages sur des cours d’eau » -, il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze. Le 23 octobre 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire à Messigny, titulaire d’un certificat de bonne conduite. Ayant été atteint par les gaz de combat, il sera réformé temporairement n°2 en juillet 1931 pour difficultés respiratoires et ne sera pas mobilisé à l’été 1939.

Le 8 novembre 1919, à Clémencey (21), il épouse Jeanne Garnier. Ils auront au moins un fils, Adrien. En juin 1921, ils habitent à Semezange (21).

Le 5 avril 1923, l’armée classe Adrien Burghard dans l’affectation spéciale, 2e section des chemins de fer de campagne, comme manœuvre à Dijon (21). Le 28 avril 1927, il est en fonction comme manœuvre aux ateliers de wagons de Dijon-Perrigny.

En avril 1927, il habite au 38, rue de Jouvenel, à Dijon.

Avant 1930, cheminot, il est employé à la Compagnie du Paris-Lyon-Méditerranée (PLM) et réside à Perrigny (-les-Dijon ?) (21).

Le 12 juillet 1930, à Dijon (21), Adrien Burghard épouse en secondes noces Louise Marguerite Porcherot, veuve Laguet, née en 1887. Celle-ci est propriétaire d’un café-restaurant à Verrey-sous-Salmaise (21), l’Hôtel de Bourgogne, situé au 21, rue de la gare, qu’ils gèrent ensemble et où ils résident (15 août 1930), avec Jeanne Laguet, fille du premier mariage de Marguerite, née en 1920, et une fille de salle, Hélène Follet. En 1936, le fils de Marguerite, Louis (?) Gabriel Laguet, né en 1916, mécanicien chez Lereuil-Darcey (?), habitera avec eux.

Le 14 octobre 1933, le tribunal correctionnel de Lyon condamne Adrien Burghard à 48 heures d’emprisonnement et 50 francs d’amende pour « violences à gendarmes » commises le 1er avril précédent.

Adrien Burghard est membre du Parti communiste et connu comme tel dans le village, sous le prénom Henri.

Mobilisé en 1939-1940, son fils Adrien est fait prisonnier de guerre et interné en Allemagne.

Le 9 décembre 1941, soupçonné de détenir un fusil de chasse à son domicile, à la suite d’une dénonciation, Adrien Burghard subit une première perquisition, sans résultat. Les mêmes investigations sont conduites chez quatre autres habitants du village. L’un d’eux, René Dufour, 29 ans, employé SNCF, qui possède un révolver, est arrêté, puis fusillé à Dijon le 13 janvier suivant.

Adrien Burghard est dénoncé une deuxième fois comme « communiste dangereux ».

Dans une lettre à en-tête du Ministère de l’Intérieur datée du 19 février 1942 et adressée à l’Intendant de Police de Dijon, le Commissaire principal des Renseignements Généraux (RG) signale qu’« il est considéré comme sympathisant aux partis de gauche, mais non comme un militant communiste, il s’abstient de toute propagande et ne saurait être considéré comme dangereux ». Une semaine plus tard, le 26 février à 6 heures du matin, il est arrêté à son domicile par des Feldgendarmes sous la menace d’un révolver (selon un rapport de gendarmerie). Un rapport des RG datant du 3 octobre 1942 mentionne : « Sur les motifs de son arrestation aucune précision n’a pu être recueillie. Vraisemblablement Burghard aura été dénoncé à plusieurs reprises comme communiste dangereux aux Autorités Allemandes. »

Interné pendant trois mois à la Maison d’arrêt de Dijon, celui-ci est finalement transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers
bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan, sur l’autre rive de l’Oise,
l’usine qui fut la cible de plusieurs bombardements
avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Les 14 déportés de Côte d’Or se regroupent dans le même wagon. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Adrien Burghard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), sous le numéro 45315. La photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée. Gabriel Lejard, rescapé du convoi et secrétaire fédéral de l’union départementale CGT, signera dans le journal communiste L’Avenir de la Côte-d’Or le 5 juin 1948, un article intitulé « En souvenir de mes camarades de misère, et pour rafraîchir la mémoire à ceux qui ont déjà oublié », y présentant les clichés anthropométriques retrouvés de 5 de ses 13 camarades du département, prises à Auschwitz le 8 juillet 1942 et identifiant le cliché du détenu portant le numéro 45315 comme étant celui d’ Adrien Burghard.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté  Adrien Burghard.

Rapidement, son épouse effectue des démarches pour connaître sa situation. Le 21 août, dans un courrier adressé au Maréchal Pétain, elle explique que son mari est parti le 6 juillet précédent pour unedestination inconnue et que depuis elle est sans nouvelles. Elle joint la copie des citations qu’il a obtenues en 14-18 et demande une intervention auprès des autorités allemandes.

Le 11 septembre, le Préfet de Côte-d’Or demande une enquête et les motifs de l’arrestation au Commissaire Principal des RG, qui lui rend compte le 3 octobre en reprenant les termes de son appréciation du 19 février auxquelles il ajoute : « sur les motifs de son arrestation aucune précision n’a pu être recueillie », « sa libération serait favorablement accueillie par les autorités et la population de Verrey ».

Le 13 octobre, le Préfet s’adresse à Monsieur de Brinon [1], Ambassadeur de France, Secrétaire d’État auprès du chef du gouvernement, Délégué Général du Gouvernement Français dans les territoires occupés, pour lui demander d’intervenir auprès des autorités allemandes.

Adrien Burghard meurt à Auschwitz durant le mois de novembre 1942 selon une annexe récapitulative du registre des décès du camp (c’est la date du 20 septembre 1942 qui est reportée en mars 1946 sur les registres d’état civil français).

Le nom de Burghard, avec le prénom “Henri”, est inscrit sur le Monument aux morts de sa commune.

Notes :

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 363 et 397.
- État civil de la mairie de Messigny et Ventoux (21).
- Archives départementales de Côte-d’Or, cotes 6J61à 63 : fiches individuelles des déportés de Côte-d’Or, don de Pierre Gounant, historien ; cote 1630 W, article 256.
- Archives départementales de Côte-d’Or, site internet, archives en ligne ; recensement de 1931, Verrey-sous-Salmaise ; registre des matricules militaires, bureau de Dijon, classe 1917 (cote R 2534-0084), n° 561 (vue 84/696).
- Entretien avec Jacky Chaudron, maire de Verrey-sous-Salmaise, et Renée Murgier, résistante à l’âge de 17 ans, agent de liaison du Commandant François, de septembre 1943 à juin 1944, aux côtés de son amie Jeanine Lejard (fille de Gabriel Lejard, 45772), puis agent de liaison dans le maquis (Evelyne Bouly, 16/11/2007).
- Gabriel Lejard, article dans L’Avenir de la Côte d’Or , du 5 juin 1948.
- Les communistes dans la Résistance en Côte d’Or, édité par le PCF de Côte-d’Or, 1996, page 111.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), relevé dans les archives (01-2009) Sterbe Annex.
- Site Mémorial GenWeb, Bernard Butet, 2007.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-05-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Dossier (de) Brinon : ancien journaliste et “ultra” de la collaboration, Fernand (de) Brinon était Délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités militaires allemandes d’occupation. Quand des requêtes étaient formulées par les familles des détenus auprès de l’administration française, la Délégation générale les transmettait à la Commission d’armistice (bipartite), après enquête de la police ou de la gendarmerie pour s’assurer des conditions d’arrestation et de l’honorabilité du détenu. Une lettre était ensuite adressée aux familles sous couvert de l’organisme qui en avait fait la demande : elle leur annonçait que l’intervention avait eu lieu et leur faisait part de la réponse fournie par les autorités allemandes. Ainsi, un très grand nombre de fiches de la Délégation générale portent le nom de “45000” ; surtout après le départ du convoi, le 6 juillet 1942, et l’absence de nouvelles résultant de leur traitement “NN” à leur arrivée (cf. Kazimierz Smolen). La plupart de ces fiches se trouvent dans les dossiers d’état civil des déportés conservés au Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (anciennement archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants).