JPEG - 74.9 ko
IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Léopold, Victor, Burette naît le 16 juillet 1892 à Saint-Valéry-en-Caux (Seine-Inférieure / Seine-Maritime), au domicile de ses parents, Arcade, Léopold, Burette, 29 ans, journalier, et Eugénie Thierry, son épouse, 28 ans, journalière, demeurant rue Saint-Léger. Tous deux seront décédés au moment de son service militaire.

Pendant un temps, Léopold Burette déclare travailler comme mineur. Mais, dans ses jeunes années, il semble « faire la route » : entre novembre 1911 et mai 1914, plusieurs tribunaux le condamnent pour de menues infractions – dont un délit de mendicité en réunion et deux de vagabondage – à Boulogne-sur-Seine (?), à Lille, à Giens, à Montpellier, à Limoges et à Chartres. Avant-guerre, pendant un temps, il habite à Berzé, province du Hainaut (Belgique).

Bien qu’il soit de la classe 1912, Léopold Burette n’est incorporé que le 1er septembre 1914 (« bon absent omis non excusé ») au 4e bataillon d’infanterie légère d’Afrique (BILA – « Bat’ d’Af’ »), stationné à Gabès, en Tunisie, oasis et port maritime de Méditerranée. Le 15 avril 1915, il est blessé aux cuisses par des éclats d’obus et évacué une première fois. Le 18 décembre suivant, il passe au 5e bataillon d’infanterie légère d’Afrique. Le 17 mai 1916, il est blessé à l’ennemi et évacué (blessures multiples). Le 25 octobre 1916, la commission de réforme de la Seine n°5 le classe dans le service auxiliaire pour amputation de l’annulaire droit (blessure de guerre). Il porte également des cicatrices multiples. Le 3 novembre, il rejoint le dépôt du corps de Gabès (oasis et port maritime sur la Méditerranée). Le 3 janvier 1917, Léopold Burette est réintégré au 28e régiment d’infanterie, basé à Évreux (Eure – 27), 27e compagnie ; le 14 janvier, il est embarqué à Tunis et arrive au corps six jours plus tard. Le 13 février, il est affecté à la S.M. [?] de Vernon (27). Deux jours plus tard, il est renvoyé au dépôt. Le 23 juillet 1917, il est classé service armé dans la 3e section de Commis et Ouvriers militaires d’Administration (C.O.A.), puis au service auxiliaire « apte au front », malgré une limitation des mouvements de l’épaule droite. Mais, le 9 octobre, il est placé en sursis d’appel, chez lui, au Cormier (27), d’abord jusqu’au 31 octobre 1917, puis, de prolongation en prolongation, jusqu’au 15 mai 1919. Mais, dès le 22 avril précédent, il est mis en congé illimité de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Entre temps, le 18 juillet 1917, alors qu’il était toujours soldat à Évreux, il s’est marié à la mairie du Cormier avec Lucienne Palmyre Taillandier, née le 12 janvier 1896 au Cormier, domestique, fille de cultivateurs. Le couple aura une fille, Lucette, née en 1920 dans l’Eure.

Après sa démobilisation, Léopold Burette travaille comme démêleur au Cormier.

En juillet 1918, il travaille comme engreneur de machine à battre pour la Maison Drouet à Saint-André-de-l’Eure (27).

En mai 1919, la famille habite à Cormeilles-en-Parisis (Seine-et-Oise / Val-d’Oise – 95).

Le 21 avril 1920, la commission spéciale de Versailles propose Léopold Burette pour une pension permanente d’invalidité pour : « amputation de l’annulaire droit et raideur en extension de l’articulation métacarpo-phalangienne du petit doigt – dans la flexion complète, la pulpe de ce doigt reste distante de la paume de trois centimètres, cicatrice région deltoïdienne droite de [?] adhérente, petites cicatrices région frontales droite [par suite?] de plaies multiples par éclats d’obus.

En décembre 1935 et jusqu’au de son arrestation, Léopold Burette est domicilié au 49, rue du Dôme à Boulogne-Billancourt [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

En 1937, il est manœuvre SP (sans spécialité ?) aux usines Renault (?).

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

La police française le considère comme un « meneur particulièrement actif et dangereux ».

Le 6 décembre 1940, Léopold Burette est appréhendé par des agents du commissariat de la circonscription de Boulogne lors d’une vague d’arrestation collective visant 69 hommes dans le département de la Seine. Le jour même, il est placé en internement administratif au “centre de séjour surveillé” d’Aincourt (95), créé en octobre dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940. Arch. dép. des Yvelines (cote 1W71).

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact
après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines (cote 1W71).

Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.

En février 1941, alors que les autorités françaises envisagent le transfert de 400 détenus d’Aincourt vers « un camp stationné en Afrique du Nord », le docteur du centre dresse trois listes d’internés inaptes. Léopold Burette, 48 ans, figure sur celle des internés « non susceptibles absolus » en raison de son état général.

Le 10 mars 1941, son épouse écrit au préfet de la Seine : « … son absence est très lourde de conséquences pour nous. Je suis sans emploi et nous avons une fille de 20 ans qui est à l’hôpital de Garches depuis cinq mois, et l’idée de la détention de son père la mine sans cesse. Je sollicite de votre bienveillance de bien vouloir ordonner une révision du dossier de mon mari, son retour parmi nous redonnerait à notre foyer son bonheur et à notre fille la santé. » La requête est transmise à la préfecture de police…

Le 30 mars, la 1re section des Renseignements généraux rédige un argumentaire de réponse : « Militant actif et dangereux, Burette, en dépit de la dissolution du Parti communiste, participait à la propagande communiste clandestine en distribuant des tracts dans son entourage. Depuis son internement, il n’a plus été trouvé de tracts dans son immeuble, ce qui semble (sic) indiquer qu’il était bien l’auteur de cette diffusion. L’activité dont il a fait preuve ne permet pas d’envisager, dans les circonstances actuelles sa mise en liberté. » Le chef de cabinet du 1er bureau du préfet demande au commissaire de Boulogne de transmettre cette réponse négative à la requérante. Elle en reçoit communication le 14 avril (probablement en étant convoquée au commissariat).

À partir du 16 juillet 1941, un nommé Burette travaille dans la journée chez un agriculteur, à la ferme de G. Legros sur la commune d’Aincourt : est-ce lui ?

Le 6 septembre 1941, Léopold Burette est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, Léopold Burette fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Léopold Burette est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45314, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Léopold Burette.
Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).

En 1963, Lucienne Burette, au titre de conjointe, dépose auprès du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) une demande de “carte définitive d’interné (sic) résistant” au nom de son mari ; suite à vérifier…

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Léopold Burette (J.O. du 28-10-1999) ; avec date approximative (à préciser).

Notes :

[1] Boulogne-Billancourt : créée sous le nom de Boulogne-sur-Seine en 1790, la commune prend le nom de Boulogne-Billancourt en 1926, le rattachement de Billancourt datant de 1859. Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 381 et 397.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine Nord (2005).
- Archives départementales de la Seine-Maritime (AD 76), site internet du conseil général, archives en ligne : registre d’état civil de Saint-Valéry-en-Caux, année 1892 (4E 07453), acte n° 125 (vues 67-68/147) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Rouen, classe 1912 (1 R 3358), matricule 596 (trois vues).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : occupation allemande, camps d’internement… (BA 2374) ; liste des internés communistes (BA 2397) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 2157-19333).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1W71, 1W77, 1W96 (notice individuelle).
- Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; liste XLI-42, n° 42.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75) ; dossier individuel, une courte fiche (109W386).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 150 (31465/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.