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Louis Brun en 1935. © Droits Réservés.

Paul, Louis, Brun naît le 5 novembre 1905 à Bellenaves (Allier – 03), fils d’Antoine Brun et de Marie Bidet, son épouse.

Lors du recensement de population de 1906, toute la famille vit au lieu-dit Balady, sous le toit du patriarche, Antoine Brun, né en 1854, « chef de maison, fermier, patron », et de son épouse, Mélanie Défrétière, née en 1856. Ils hébergent quatre de leurs fils, ouvriers agricoles – Paul, né en 1881, Antoine, né le 15 mars 1882, Pierre, né en 1885, Alexandre, né en 1889 – et leur fille Marie, née en 1893, tous à Bellenaves. Ils accueillent également deux brus : Marie (« Maria ») Bidet, née en 1887 à Échassières (03), épouse de Paul, et Marie Bidet, née le 26 novembre 1884 à Coutansouze (03), « servante » en 1901 (16 ans), épouse d’Antoine en juin 1903, avec leurs enfants, Félix, né en 1904, et Paul, Louis.

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Bellenave. Au premier plan, le village. Les fermes de Balady 
sont situées vers l’horizon, à droite. Carte postale oblitérée 
en août 1960. Collection Mémoire Vive.

Paul Brun obtient son certificat d’études primaires.

De 1925 à 1927, il effectue 18 mois de service militaire dans le 8e régiment d’artillerie de campagne à Nancy (Meurthe-et-Moselle), qu’il termine comme chef de pièce avec le grade de maréchal des logis.

À une date restant à préciser, la plupart des membres de la famille quitte l’Allier pour monter à la capitale. En 1929, Antoine et Mélanie Brun vivent avec leurs fils Pierre, alors camionneur, et Louis au n° 77, rue des Aqueducs à Gentilly [1] (Val-de-Marne – 94)

Lors des élections municipales du 5 mai 1929, Paul, Louis, Brun, devenu terrassier, est candidat (à 23 ans) sur la liste du Bloc ouvrier et paysan à Gentilly.

Le 15 août 1931, il adhère au syndicat CGTU des mineurs de la région parisienne.Pendant un temps, il fait fonction d’aide-conducteur de travaux souterrains pour la construction de tunnels du métro.

Il se déclare toujours terrassier en 1933, puis charretier en 1935 et au moment de son arrestation.

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La distillerie Ernest Mascala. Carte postale.

Le 13 juillet 1929, Paul Brun se marie une première fois, à Gentilly, avec Marie Mascala, 19 ans, typographe, jusque-là domiciliée chez ses parents au 89, rue Benoît-Malon ; le couple a un enfant, Roger, né en 1933.

Le 3 décembre 1933, Paul Brun est élu conseiller municipal de Gentilly sur la liste du Parti communiste dirigée par Henri Bollot et Charles Frérot. Mais la préfecture de la Seine prononce la dissolution du conseil (14-1-1934). C’est alors que Paul Brun adhère au PC, parrainé par Bollot et Bonnissant. Le 18 février 1934 et le 12 mai 1935, Paul Brun est réélu sur la liste dirigée par Georges Beaugrand. Trésorier puis secrétaire de cellule, membre du comité de section puis trésorier, Paul Brun suit des cours élémentaires du PCF en 1936 et les cours régionaux en 1937. Il rédige des articles pour les journaux de cellules.

Il est également membre de la Fédération des sous-officiers de réserve républicains, crée en 1936, et du mouvement Paix et Liberté.

Son épouse abandonne bientôt le foyer, reprochant à Paul Brun son trop grand engagement politique (lejugement de divorce sera prononcé le 2 décembre 1937). Leur fils Roger est alors pris en charge par son oncle, Félix Brun, frère de Louis, et surtout par l’épouse de celui-ci, Marguerite (sœur de son ex-femme), qui s’est arrêtée de travailler pour élever leur fille Odette, née en 1931.

En 1938, Paul Brun participe à la construction du tunnel de Saint-Cloud (?). Adhérent à la fédération CGT du Bâtiment depuis la réunification de juin 1936, il est membre du Conseil syndical des mineurs de la région parisienne du 1er décembre 1937 jusqu’en mars 1938.

Pendant la guerre d’Espagne, Paul Brun s’engage dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini. Arrivé en Espagne le 3 mars 1938, franchissant la frontière à pied et poursuivant jusqu’à Figueras/Figueres (Catalogne), il est incorporé à la 1re compagnie du bataillon de renfort de la 14e BI (La Marseillaise) à Villanueva de la Jara, base d’instruction.

Le 30 mars, Paul Brun remplit une biographie de militant – 65 questions – à en-tête du Parti communiste d’Espagne, préalable probable à une adhésion au PCE.

Le 26 avril, il arrive au camp d’instruction de Cambrils. Trois jours plus tard, il est nommé délégué politique à la compagnie de garde. Le 18 mai, il intègre la 4e compagnie du 2e bataillon (Vaillant-Couturier). Lors de la préparation de l’offensive républicaine sur l’Ebre (El Paso del Ebro), il participe à la construction de radeaux pour permettre le passage du fleuve (dans le secteur de Campredo ?), ce qui lui vaut d’être cité à l’ordre du 2e bataillon pour son efficacité le 12 juillet. Le 15 juillet, il est nommé délégué politique à la cavalerie (« en remplacement de Bernier »). L’offensive républicaine sur l’Ebre est lancée le 25 juillet. Paul Brun reste sur la zone de front jusqu’en septembre, engagé dans les combats de Corbera.

Le 21 septembre 1938, le gouvernement républicain de Juan Negrín se soumet à la décision de la Sociétédes Nations et dissout les Brigades internationales. Le 23 septembre, les brigadistes livrent leur dernier combat. Ils sont ensuite progressivement regroupés : le 27 octobre 1938, les volontaires des armées du Centre et du Levant sont rassemblés à Valence, tandis que ceux qui sont engagés en Catalogne sont réunis à Barcelone.

Le 7 novembre, Paul Brun remplit le questionnaire de rapatriement à en-tête du Commissariat de guerre des brigades internationales, sis à Barcelone.

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Insigne de l’Association 
des volontaires pour 
l’Espagne républicaine, ayant 
appartenu à Christophe Le Meur. 
Produit entre la mi-1938 et la mi-1939. 
Coll. André Le Breton.

Le 29 juillet 1939 à Arcueil (à vérifier…), Paul Brun épouse en secondes noces Lucette Cordier, née en 1914, responsable au dispensaire municipal d’Arcueil et dirigeante locale de l’Union des Jeunes Filles de France.

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Mariage de Louis Brun et Lucette Cordier. © Droits Réservés.

Au moment de son arrestation, le couple est domicilié au 15, rue Robine [2] à Gentilly.

Jusqu’au moment de son arrestation, Paul Brun est boiseur-mineur chez Deschiron à Paris.

Le 4 octobre 1939, le Président de la République – Albert Lebrun -, par décret et « sur la proposition du ministre de l’intérieur, suspend jusqu’à cessation des hostilités les Conseils municipaux » de 27 communes de la banlieue parisienne à majorité communiste, dont celui de Gentilly, et les remplace par des Délégations spéciales composées de notables désignés.

Le 15 février 1940, le conseil de préfecture de la Seine déchoit Paul Brun de son mandat municipal pour ne pas avoir « répudié catégoriquement toute adhésion au Parti communiste » (dissous le 26 septembre 1939).

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Extrait de la presse quotidienne, 
sans titre ni date. 
Archives de la préfecture de police, Paris.

À plusieurs reprises, un policier du commissariat de circonscription, situé à Gentilly, prévient Paul Brun qu’il lui faut se cacher, des ordres ayant été donnés pour son interpellation.

Le 3 janvier 1942, Paul Brun est arrêté chez lui par la police française comme ancien d’Espagne et interné administrativement à la caserne désaffectée des Tourelles, 141 boulevard Mortier, Paris 20e (le bâtiment est en très mauvais état : carreaux cassés, etc.).

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La caserne des Tourelles, boulevard Mortier, avant guerre. 
Partagée avec l’armée d’occupation, elle servit surtout, 
au début, à interner les « indésirables étrangers ». 
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Son épouse, Lucette, et son fils vont lui rendre visite plusieurs fois le dimanche, dans des conditions très humiliantes. Un jour où ils viennent le voir, ils découvrent la caserne vidée de ses détenus…

Le 5 mai, Paul Brun fait partie des 24 internés des Tourelles, pour la plupart anciens Brigadistes, que viennent « prendre des gendarmes allemands » afin de les conduire au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers 
bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, 
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. 
À l’arrière plan, sur l’autre rive de l’Oise, 
l’usine qui fut la cible de plusieurs bombardements 
avec “dégâts collatéraux” sur le camp. 
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, Paul Brun est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Paul Brun laisse tomber un message qui parviendra à ses proches six jours plus tard. Il précise qu’ils sont cinquante dans son wagon et que le train se dirige vers le Nord.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Paul Brun est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45306, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

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Portail du sous-camp de Birkenau, secteur B-Ia, semblable 
à celui du secteur B-Ib par lequel sont passés tous les “45000”.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différentsKommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Louis Brun est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).

Paul Brun meurt à Auschwitz-Birkenau le 24 octobre 1942, d’après les registres du camp [3]. La cause (probablement mensongère) inscrite sur l’acte de décès est « septicémie avec phlegmon » ; « Sepsis bei Phlegmone ».

Au retour des déportés, Lucette, son épouse, entre en contact avec un déporté “45000” (inconnu), hospitalisé au Val-de-Grâce. Ayant reconnu Paul Brun sur une photo civile spécialement retouchée (sans cheveux), le rescapé confirme sa présence dans le convoi et sa disparition à Birkenau.

En réponse à la proposition d’un élu municipal, Lucette refuse que le nom de Paul, Louis, Brun soit donné à une rue de Gentilly.

Mais il est inscrit sur le monument de la Déportation situé dans le carré militaire du cimetière de Gentilly.

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Carré militaire (1939-1945 et après) du cimetière de Gentilly. 
Monument aux Résistant déportés « tous combattants 
de la liberté
 ». Photo Mémoire Vive.

Lucette Brun habite longtemps au Chaperon Vert, 1ère avenue (au-dessus de la librairie), à Arcueil, refusant d’évoquer ce passé douloureux.

Elle décède en 2005.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 354, 355, 388 et 397. 
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, p.352 (citant : Arch. Dép. Seine, DM3, Versement 10451/76/1 – Arch. Com. Gentilly – Arch. A.V.E.R. (liste de rapatriés : Gentilly, Seine) – Résistance !, novembre 1973). 
- Témoignage de Marguerite Brun, sa belle-sœur (janvier 2007). 
- Message de François Demaegdt, de l’AFMD-03 (octobre 2013). 
- Archives départementales de l’Allier, site internet, archives en ligne, recensement de la population de Bellenaves en 1906, cote 6 M 22 2 (vue 26/40). 
- Les Amis des combattants en Espagne Républicaine (ACER), liste de “brigadistes gentilléens” établie à l’occasion de l’assemblée générale du 12 mai 2012 à Gentilly. 
- Dossiers des brigades internationales dans les archives du Komintern, fonds du Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), campus de l’Université de Paris X-Nanterre, microfilms acquis par la BDIC et l’AVER-ACER, bobine cote Mfm 880/18 (545.6.1103). 
- L’exaltante histoire des fusillés de Gentilly, section de Gentilly du PCF, éditions de La Vie Nouvelle, mars 1945. 
- Archives communales de Gentilly, recherches menées par Chantal Rannou (2007). 
- Archives de la préfecture de police de Paris, carton “occupation allemande” BA 1836 : dossiers divers et les Tourelles (4 registres d’internés), (…) militants communistes internés aux Tourelles. 
- Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès (37286/1942). 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 139.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 25-11-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Gentilly : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] La rue Robine : Le 26 octobre 1944, le Comité local de Libération nationale décide « en hommage aux martyrs de la Résistance, de donner leurs noms à des rues de la commune ». C’est ainsi que la rue Robine est devenue la rue René-Anjolvy, résistant communiste de Gentilly, arrêté le 3 septembre 1941 par la police française lors d’une distribution de tracts aux portes des usines Renault à Boulogne-Billancourt et fusillé comme otage par l’occupant le 20 septembre 1941.

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite au Journal Officiel : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir lesdocuments administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.

Concernant Paul Brun, c’est le mois de mars 1943 qui a été retenu pour certifier son décès.

La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.