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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Louis, Joseph, Brenner naît le 21 juin 1896 au bourg de Saint-Cadou, sur la commune de Sizun (Finistère – 29), fils de Jean Marie Brenner, 25 ans, alors cultivateur, et de Marie Hélène Plantec, 21 ans, son épouse. Ses parents hébergent alors Marie Jeanne, la sœur de Marie Hélène, et les deux jeunes fils de celle-ci. Louis a un frère aîné, Jean François Marie, né le 12 mai 1894.

En janvier 1898, la famille est domiciliée au 51, rue Arago à Brest (29). En 1901, le père est devenu charbonnier. En 1903, sa sœur Marie Yvonne naît à Brest. En 1906, ils habitent au 10, rue Massillon. En 1911, le père est employé de commerce chez Marfille, Louis (14 ans) est inscrit maritime, Jean François (16 ans) est monteur à l’arsenal. Plus tard, ils habiteront au 22 de la même rue.

Louis Brenner travaille un temps comme maçon.

Le 20 novembre 1912, il est condamné à dix jours de prison avec sursis pour outrage. Le 28 février 1913, il est condamné à 30 francs d’amende pour coups. Le 23 août suivant, la cour d’appel de Rennes (Ille-et-Vilaine) le condamne à deux ans de prison et dix ans d’interdiction de séjour pour vols, coups et blessures (peines amnistiées le 24 octobre 1919). Il est écroué à la Maison centrale de Fontevrault (Maine-et-Loire).

Le 30 avril 1915, le bureau de recrutement de Tours (Indre-et-Loire) l’extrait de sa prison pour le diriger sur le 3e bataillon d’infanterie légère d’Afrique (Bat’ d’Af’), au Maroc, où il arrive le 17 mai. À l’expiration de sa peine, le 17 août, il passe en section spéciale au 1er B.L.A. Le 23 septembre 1917, il est appréhendé pour vol militaire. Le 1er mars 1918, le premier conseil de guerre à Casablanca le condamne à un an de prison ; « interruption de service » comptabilisée du 24 septembre 1917 au 23 septembre 1918 (peine amnistiée par la loi du 7 janvier 1921). Le 27 septembre 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire chez ses parents à Brest, s’étant vu – sans surprise – refuser un certificat de bonne conduite.

Le 31 mars 1921, à la mairie de Brest, Louis Brenner épouse Marie Le Sous, née le 31 mai 1902 à Morlaix (29). Ils auront deux enfants : Louis, né le 23 décembre 1921 à Brest, et Marcelle, née le 30 mars 1924 à Caen.

En juillet 1924, la famille habite au 31, rue Écuyère à Caen (Calvados).

À partir de juin 1935 et jusqu’au moment de son arrestation, Louis Brenner est domicilié avec sa famille au 88, rue Anatole-France à Brest-Lambézellec (29). En 1936, il est enregistré comme commerçant (?).

Louis Brenner est devenu peintre en bâtiment, entrepreneur.

Le 17 avril 1939, il est victime d’une fracture du crâne lui occasionnant une perte complète de la vision de l’œil droit, ainsi qu’une paralysie faciale droite.

En septembre suivant (période de mobilisation générale), la commission de réforme de Brest, qu’il a sollicité, le réforme temporairement n° 2 en raison de son handicap récent.

Sous l’Occupation, il travaille sur un chantier pour les autorités allemandes.

Le 3 juillet 1941, Louis Brenner est arrêté une première fois à son domicile par la police française, en raison de ses opinions politiques d’avant-guerre, et conduit au siège de la gendarmerie nationale, rue Portzmoguer à Brest, où une vingtaine d’hommes sont rassemblés avant d’être internés au camp français de Choisel à Châteaubriant (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique). Louis Brenner en est libéré un mois et demi plus tard, sur intervention des forces d’occupation.

Louis Brenner est peintre.

Le 3 juillet 1941, il est arrêté une première fois à Brest, en raison des ses opinions politiques, par les autorités allemandes et transféré au camp français de Choisel à Châteaubriant (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique), d’où il est libéré au bout d’un mois et demi.

Le 21 septembre suivant, il est de nouveau arrêté par la police française sur ordre des autorités allemandes et conduit au commissariat de police de la place Anatole-France à Brest, avant d’être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 1591.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Brenner est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), sous le numéro 45300 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Brenner est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 15a.

Le 17 juillet, il est admis au Block 20 (contagieux) de l’ “hôpital” (RevierHKB) en même temps que Julien Aligny. Il y est inscrit jusqu’au 27. Il semble qu’il en sorte pour être affecté à un travail de maçon (« Maurer »).

Louis Brenner meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement  tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [1]) ; l’acte de décès établi par l‘administration SS du camp (Sterbebücher) indique « grippe » pour cause crédible – mais pas forcément véridique – de sa mort).

En février 1946, Marie Brenner, son épouse, remplit un formulaire de « demande de recherche pour déporté » établi par le ministère des prisonniers, déportés et réfugiés ; elle y indique la date exacte de départ du convoi. Le ministère obtient très rapidement une copie de l’acte de décès au camp n° 31929/1942 : le 7 novembre 1946, le chef du 2e bureau de l’état-civil déportés écrit au maire de Lambézellec pour lui demander d’« annoncer avec ménagement à sa famille » le décès de Louis Brenner.

Le 10 décembre 1946, Marie Brenner complète et signe un formulaire du ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) pour demander la régularisation de l’état civil d’un “non-rentré”. Le 20 mars 1947, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des anciens combattants et victimes de guerre dresse l’acte de décès officiel de Louis Brenner « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (très probablement la copie du Sterbebücher), document transcrit sur les registres de la commune de Brest-Lambézellec le 2 avril suivant.

Le 2 avril 1951, Marie Brenner, en qualité de conjointe, complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de déporté politique à Louis Brenner à titre posthume. Le 20 juillet 1953, le ministère décide cette attribution et envoie la carte n° 1135.6025 à sa veuve une semaine plus tard.

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 364 et 397.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et les “31000” de Bretagne (22-29-35-44), 2002, citant : Archives municipales de Brest-Lambezellec et de Sizun – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Archives départementales du Finistère (AD 29), site internet, archives en ligne : registres matricules du recrutement militaire, classe 1910, bureau de Brest, n° 2501 à 3000 (1 R 1560), matr. 2911 (vues 728-729/867) ; divers recensements de population.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 131 (31929/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) : relevé dans les archives (01-2009) ; message (11-2010).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel relevé par Ginette Petiot en janvier 2017 (21 p 430.390) ; liste de détenus français morts au camp de concentration d’Auschwitz relevée par le S.I.R. d’Arlosen (26 P 821 – Auch. 1/7).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-06-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.