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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Robert, Pierre, Bramet naît le 2 février 1894 à Paris 14e chez ses parents, Marie, Célestin Bramet, 42 ans, épicier, et Marie Kibler son épouse, 32 ans, épicière, domiciliés au 14, rue Delambre. Tous deux seront décédés au moment de l’arrestation de leur fils.

Pendant un temps, Robert Bramet habite à Paris 14e. Il commence à travailler comme plombier.

Incorporé comme soldat de 2e classe 120e régiment d’artillerie le 1er septembre 1914, il rejoint son unité dix jours plus tard.  Le 28 février 1915, lors de la bataille de Champagne, au cours de l’attaque française de la cote 196, à l’ouest de la ferme de Beauséjour, au nord de Mesnil-lez-Hurlus, aujourd’hui dans le camp militaire de Suippes (Marne), il est enseveli (lors d’un bombardement ?). Au cours de cette offensive, le régiment compte 58 tués, 172 blessés et 161 disparus. Robert Bramet est évacué pour une « otite suppurée droite » contractée lors de son ensevelissement. Il retourne « aux armées » le 20 mars suivant. Le 27 octobre, lors d’une offensive allemande dans le secteur de Tahure (un peu plus au nord), Robert Bramet est de nouveau évacué, soit pour blessure légère, soit pour maladie. Il retourne aux armées le 15 novembre. Le 17 septembre 1916, lors de la bataille de Somme, au cours de l’attaque de la 1ère armée française d’ouest en est sur le village de Berny-en-Santerre (Somme), « grenadier d’élite […], chargé de l’attaque d’un boyau ennemi fortement organisé et défendu [Robert Bramet] a mené pendant une heure un rude combat à la grenade, a contribué à enlever la position et à faire une quarantaine de prisonniers », selon sa citation à l’ordre du corps d’armée du 28-09, parmi 25 militaires ; il reçoit la Croix de guerre. Le 12 octobre 1916, il est évacué malade, puis rejoint le dépôt le 13 décembre suivant. Robert Bramet retourne aux armées le 10 mars 1917, affecté cette fois-ci au 55e RI. Le 6 mai, il est évacué pour maladie pendant deux mois. Le 10 novembre suivant, il passe au 173e RI. Le 26 septembre, jour de l’expiration d’une permission, il ne « s’embarque » pas, ne rejoignant son corps que le 24 octobre. Le 6 novembre, le Conseil de guerre de la 126e division le condamne à six mois de prison avec sursis pour désertion à l’intérieur en temps de guerre (peine amnistiée par la loi du 29 avril 1921). Le 26 janvier 1918, Robert Bramet est évacué malade pendant dix jours. Le 7 juin, pour faire face à l’offensive allemande de la bataille du Matz, son unité est déployée entre Villers-sur-Coudun et Margny-sur-Matz, à 12 km au nord de Compiègne (Oise) : « Soldat courageux et énergique, [Robert Bramet] s’est conduit d’une façon particulièrement brave pendant les combats du 7 et 10 juin, entraînant des camarades par son sang-froid et sa belle humeur », rapporte sa citation à l’ordre de la 126e division (12-07) ; sa Croix de guerre s’enrichit de l’étoile de vermeil. Mais, le 10 août, en progressant vers le « bois en z », point fortifié allemand au sud du village de Damery (Somme), il est blessé par balle au sommet du poumon gauche ; ce jour-là, le régiment compte 124 tués, 630 blessés et 186 disparus parmi les hommes de troupe. Robert Bramet est évacué le lendemain. Il ne rejoint le dépôt que le 30 mars 1919, après l’armistice. Le 15 septembre suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire au 68, rue du Chemin Vert (Paris 11e).

Au printemps 1921, Robert Bramet habite au 3, rue Caplat (Paris 18e) et travaille comme employé à l’Est (la compagnie de chemin de fer ?).

Le 28 mai 1921 à la mairie du 18e arrondissement, il se marie avec Augustine Marie-Louise Meunier, née le 27 janvier 1878 (ils ont seize ans de différence d’âge) à Saint-Cyr-en-Talmondais (Vendée), plumassière, qui vit déjà avec lui ; leurs témoins sont deux voisines.

Ils emménagent au 55, rue de Reuilly à Paris 12e, où Robert Bramet habitera encore au moment de son arrestation.

Mais augustine décède le 28 avril 1926, âgée de 48 ans, à l’hôpital Saint-Anne, rue Cabanis (Paris 14e).

Le 15 juin 1927, la 13e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à un mois de prison pour vol.

Au moment de son arrestation, il vit en concubinage avec Alice B. ; il a peut-être un enfant.

Robert Bramet est ouvrier électricien.

Le 19 avril 1940, il rejoint le dépôt du 22e B.O.A. ; (bataillon d’ouvriers d’artillerie) ; unité dans laquelle ont été – ou seront – aussi affectés Louis Goudailler, Léon Duthuin et Samuel Goldstein.

Insigne du 22e BOA. Droits réservés.

Insigne du 22e BOA. Droits réservés.

Il est démobilisé le 21 mai suivant (?, à vérifier…).

Il est alors artisan électricien (« à son compte »).

Le 23 ou 27 septembre 1940, Robert Bramet est arrêté par des agents du commissariat du quartier de Picpus, probablement en flagrant délit de distribution de tracts communistes : sur lui sont trouvés 6 exemplaires de L’Humanité clandestine et 18 Adresse aux commerçants. Peut-être refuse-t-il alors de se laisser appréhender, car le registre de main courante consigne : « Scandale voie publique ». Il déclare d’abord : « J’ai trouvé ces papiers ; je n’ai jamais appartenu au Parti. » Mais la perquisition de son domicile amène la découverte de 30 autres tracts. Il est conduit au dépôt de la préfecture de police, sur l’île de la Cité. Cinq jours plus tard, il est écroué à la Maison d’arrêt de Santé (Paris 14e).

Le 15 octobre suivant, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. Robert Bramet est probablement aussitôt conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le “sana” d’Aincourt transformé en camp. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Le “sana” d’Aincourt transformé en camp. Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante

Quinze mois et demi plus tard, le 23 avril 1942, Robert Bramet fait partie d’un petit groupe de détenus d’Aincourt transférés au camp français (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 131.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai 1942, Robert Bramet fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Robert Bramet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45296, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Robert Bramet.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés  [1]) ; la cause mensongère indiquée pour sa mort est « bronchopneumonie ».

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 371 et 397.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 14e arrondissement à la date du 19-02-1894 (V4E 9627), acte n° 1105 (vue 27/31) ; état civil du 18e arrondissement, registre des mariages, année 1921 (18M 511), acte n° 1905 (vue 29/31).
- Archives de Paris : registre des matricules militaires, recrutement de la Seine, classe 1914, 1er bureau, volume 2001-2500 (D4R1 1778), Bramet Robert Pierre, matricule 2233.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1755-102315) ; registre de main courante du commissariat de quartier de Picpus 1939-1941 (CB 46 26), acte n° 1152.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt : cote 1W80 et 1W95 (notice individuelle).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 : relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 125 (31622/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : liste de détenus français morts au camp de concentration d’Auschwitz relevée par le S.I.R. d’Arlosen (26 P 821 – Auch. 1/7).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 19-06-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme « inaptes au travail » (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.