Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Fernand, Ernest, Bouyssou naît le 19 février 1902 à Châteaudun (Eure-et-Loir – 28), fils de Léonard Bouyssou et de Marie Langot, son épouse (son père sera décédé au moment de son arrestation et sa mère en 1947).

Il a probablement eu des difficultés à l’école primaire, car la police le considérera comme illettré.

Le 3 mars 1923, à Saint-Arnoult-les-Bois (28), Fernand Bouyssou, alors ouvrier agricole, domicilié à Billancelles (28), se marie avec Jeanne Chaboche, née le 17 septembre 1905 à Digny (28), domestique, domiciliée à Besnez sur la commune de St-Arnoult. Ils auront quatre enfants : Yvonne, née le 25 mars 1925, Marcel, né le 15 mai 1927, tous deux à Billancelles, Jeannine, né le 22 novembre 1928, et Gérard, né le 15 novembre 1935, tous deux à Quessy (Aisne – 02).

Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 7 ou au 13, rue Pierre-Curie à Quessy-centre.

Fernand Bouyssou est terrassier.

En septembre 1940, au retour de l’exode, trois militants de Tergnier – Paul Caille, Marcel Gouillard et Anselme Arsa – réorganisent le PCF clandestin en créant un “triangle” de direction. Une grande part de l’activité déployée est dévolue à la diffusion de propagande communiste. En décembre, Anselme Arsa et Fernand Bouyssou recrutent Roger Debarre – qui n’est pas communiste – afin que celui-ci constitue des groupes de jeunes à Quessy-centre et, plus largement, dans le secteur de Tergnier.

Tergnier se trouve alors à la nouvelle frontière créé entre la zone occupée et la “zone interdite”, rattachée – pour l’administration allemande – au commandement militaire de Bruxelles. Avec notamment son nœud ferroviaire, la ville est un point de passage obligé pour un certain nombre de prisonniers de guerre français évadés, de réfugiés et de jeunes voulant rejoindre le général de Gaulle. Une des tâches des premiers résistants du secteur est de créer des filières pour les aider à franchir la frontière, puis à s’en éloigner. Les cheminots sont au cœur de ce dispositif.

Concernant Fernand Bouyssou, une attestation ultérieure d’Henri Pruvost certifie sa participation à la récupération d’armes et de munitions.

En septembre 1940, au retour de l’exode, trois militants de Tergnier – Paul Caille, Marcel Gouillard et Anselme Arsa – réorganisent le PCF clandestin en créant un “triangle” de direction. En décembre, Anselme Arsa et Fernand Bouyssou recrutent Roger Debarre – qui n’est pas communiste – afin que celui-ci constitue des groupes de jeunes à Quessy-centre et, plus largement, dans le secteur de Tergnier.

À une date inconnue, Charles Lépine rejoint un de ces groupe de jeunes, placé sous les ordres de Fernand Bouyssou.

Peu avant le 1er mai 1942, le groupe ternois, alors dirigé par Anselme Arsa, décide d’organiser une journée d’action en pavoisant les rues avec des oriflammes accrochés dans les lignes téléphoniques. Fernand Bouyssou et Roger Debarre seront simultanément chargés de diffuser des tracts.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, vers 23 heures, la brigade de gendarmerie de Tergnier est « alertée sur une distribution de tracts ». « Connaissant l’itinéraire habituel », une patrouille surprend Charles Lépine et Jean Toussaint, « porteurs de banderoles rouges ornées de la faucille et du marteau [ainsi que] de pots de peinture rouge. Les gendarmes récupèrent des tracts sur la voie publique et sept banderoles à Quessy et Fargniers. »

Interrogés le matin, Lépine et Toussaint refusent de « dénoncer d’autres coauteurs ».

En accord avec l’adjudant de gendarmerie, le commissaire de police décide alors de perquisitionner au domicile de Toussaint. Il recueille de nouveaux renseignements de la bouche de la concubine de celui-ci. Si bien qu’après un troisième interrogatoire, Toussaint et Lépine passent des aveux.

Roger Debarre, rescapé, relatera une autre version : au cours de la nuit de son arrestation, de minuit à 6 heures du matin, Charles Lépine est frappé par les gendarmes en présence de Robert Fraisse, commissaire de la police d’État à Tergnier, pour lui faire avouer les noms de ses complices.

Fernand Bouyssou et Roger Debarre sont également arrêtés et leurs domiciles perquisitionnés. Chez Debarre ne sont trouvés que deux numéros de La Vie Ouvrière interdite datés de septembre 1940 et rien chez Bouyssou.

Ainsi qu’en rend compte le commissaire de la ville, leur effort de propagande n’est pas resté sans effet : « Soirée animations inaccoutumées à Tergnier : vers 18 heures, de nombreuses personnes sont passées devant la mairie […] répondant ainsi à l’initiative de la radio anglaise et de tracts : 800 personnes en une heure de temps. Une délégation d’employés SNCF est reçue en mairie. À 18h30, un rassemblement d’une trentaine d’hommes est dispersé place de la mairie », « les “durs” de la cité de Quessy ».

Le 2 mai, Fernand Bouyssou est écroué avec ses camarades à la Maison d’arrêt de Laon (02) et présenté au procureur de la République de la ville. Ils sont rapidement transférés à la Maison d’arrêt d’Amiens, route d’Albert.

Le 6 mai, la Cour spéciale d’Amiens prononce un jugement condamnant Fernand Bouyssou à trois ans d’emprisonnement et à 1200 francs d’amende, et Roger Debarre, Charles Lépine et Jean Toussaint à un an d’emprisonnement et à 1200 francs d’amende chacun.

Le 21 mai, remis aux autorités d’occupation à leur demande, Fernand Bouyssou est transféré au quartier allemand de la prison, comme Charles Lépine, puis interné le jour même au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre le 6 mai et la fin juin 1942, Fernand Bouyssou est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Fernand Bouyssou est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46222, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté

Fernand Bouyssou.

Il meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, qui indique pour cause très probablement mensongère de sa mort « cachexie par phlegmon » (Kachexie bei Phlegmone).

Début septembre 1947, Jeanne Bouyssou remplit un formulaire de « demande d’inscription de la mention “Mort pour la France” sur l’acte de décès d’un Déporté Politique ». C’est chose faite un mois plus tard.

Le 15 février 1947, Jean Chautard signe un certificat d’appartenance de Fernand Bouyssou aux Forces françaises de l’intérieur (FFI), au titre des FTPF de l’Aisne pour avoir « participé à des actions directes contre l’ennemi à compter de janvier 1942 ». Le 5 août suivant, la commission nationale d’homologation des grades FFI au secrétariat d’État – ministère de la Guerre prononce son assimilation au grade de sergent. Le 8 décembre, un autre certificat d’appartenance précise qu’il a agit au sein du détachement « Gay Mullet » (?).

Le 15 mars 1951, Jeanne Bouyssou remplit en qualité de conjoint un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté Résistant à Fernand Bouyssou. Le 25 avril, Henri Pruvot – un des créateurs du groupe FTP “Guy Mocquet” de Tergnier en 1942 – signe un certificat attestant des activités de Résistance de Fernand Bouyssou. La copie de celui qu’il établit le 20 juin pour Charles Lépine placé « sous les ordres du sergent-chef Bouyssou » est signée du lieutenant-colonel Liez, de Château-Thierry. Après avis favorable de la commission départementale en novembre suivant, le ministère des anciens combattants et victimes de la guerre délivre à la veuve de Fernand Bouyssou la carte n° 1002.23153 le… 27 août 1954.

À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Quessy donne le nom de Fernand Bouyssou à une rue de la commune, perpendiculaire à la place de la mairie, qui prend simultanément le nom de Paul Caille.

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© Photo Mémoire Vive.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts, située à l’entrée de la place.

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© Photo Mémoire Vive.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 11-01-2006).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 360 et 397.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942…, éditions Graphein-FMD, Paris 2000, page 462.
- Alain Nice, La guerre des partisans, Histoire des Francs-tireurs partisans français, Histoire de la Résistance ouvrière et populaire du département de l’Aisne, édition à compte d’auteur, janvier 2012, pages 18-19, 25, 48. (commande à adresser à Alain NICE – 9 rue de la Tour du Pin – 02250 BOSMONT-SERRE).
- Archives départementales de l’Aisne (AD 02), Laon : dossier Surveillance des communistes (SC11276).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 124.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès du camp (n° 38692/1942).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Fernand Bouyssou, cote 21 P 429 759, recherches de Ginette Petiot (message 01-2014).
- Site Mémorial GenWeb, 02-Quessy, relevés de Didier Mahu et Stéphane Protois (07-2009).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 29-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.