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Collection Maryse Goiran. D.R.

Marcel, Vincent, Boulanger naît le 28 mai 1892 à Nogent-sur-Seine (Aube), chez ses parents, Henri Boulanger, 26 ans, garçon de moulin, et Louise Blanche Adam, 20 ans, son épouse, domiciliés rue des Fortifications. Marcel a des sœurs et frères plus jeunes : Geneviève, née en 1894, Germaine, née en 1897, Adrienne, née en 1900, Fernand, né en 1902, et Julien, né en 1909.

Entre 1909 et 1911, son père vient travailler comme ouvrier agricole (manouvrier) à Villiers-sur-Seine (Seine-et-Marne), y emmenant sa famille.

Marcel Boulanger commence à travailler comme garçon-boulanger.

Début 1913, il habite au 3, rue de la Michodière (Paris 2e), chez le patron-boulanger qui l’a pris comme apprenti.

Le 25 mars 1913, à Paris 2e, encore mineur (il a 20 ans), il épouse une jeune voisine, Marie H., mineure elle aussi (19 ans), lingère, domiciliée au 4 rue de la Michodière ; sa sœur, Geneviève Boulanger, 22 ans, est une de ses deux témoins.

Le 8 octobre suivant, il est appelé à la 23e section de commis et ouvriers (militaires) d’administration – COA – afin d’y accomplir son service militaire. Il reste sous les drapeaux à la suite du décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Le 3 octobre 1915, il passe à la 15e section de COA, avec laquelle il rejoint l’Armée d’Orient, y restant jusqu’au 20 décembre 1917.

Le 3 décembre 1917, le tribunal civil de la Seine prononce le divorce de Marcel et Marie Boulanger « à la requête et au profit du mari ».

Le 28 mars 1918, Marcel Boulanger passe au 141e régiment d’infanterie, puis, le 18 août, au 17e R.I.

Le 24 décembre 1918, à Paris 2e, il épouse Marie Nicol, née le 30 mai 1892 à Paris 11e, teinturière. Bien que soldat mobilisé, le marié déclare loger au 3, rue de Hanovre, à Paris 2e. La mariée habite chez ses parents, au 6, rue de Hanovre, dans un immeuble commercial de style Art nouveau (métal et faïences) dont son père, Paul Nicol, né le 24 février 1866, ex-gardien de la paix, est le gardien-concierge ; sa mère, Marie Kervellec, étant également marchande aux Halles (tous deux natifs de Roscoff, Finistère).

Le 11 janvier 1919, Marcel Boulanger passe à la 14e section de COA. Le 28 août suivant, il est envoyé en congé de démobilisation et « se retire » provisoirement dans sa belle-famille à Roscoff.

En septembre 1919, tous sont retournés au 6, rue de Hanovre.

De 1919 à 1922, Marcel Boulanger travaille à la boulangerie Strub au 259, rue Saint-Honoré.

Le 26 janvier 1921 à Paris 2e, naît Yvette, Henriette, Boulanger, fille de Marie et Marcel.

Le 29 juillet 1921, son beau-père, Paul Nicol, décède à l’hôpital Saint-Michel (Paris 15e), âgé de 55 ans. Sa veuve, Marie Nicol, reprend – ou occupe déjà – le poste de concierge. En 1926, elle héberge ses deux filles : Marie avec son époux Marcel et leur fille Yvette, et Henriette Jeanne Nicol, 32 ans, plumassière, divorcée, et le fils de celle-ci, Paul Marcel Ropars, 6 ans.

Marcel Boulanger adhère au Syndicat unitaire des ouvriers boulangers et parties similaires du département de la Seine, au sein duquel il commence à militer activement, ce qui l’amène à changer fréquemment d’employeur. En juin 1924, il prend une part active à la grève déclenchée dans sa corporation, menaçant de représailles un patron boulanger du n° 60, rue Montorgueil.

En septembre suivant, Jean Chaussin, secrétaire du Syndicat, publie dans le journal Le Fraternel un article dans lequel il préconise de briser les vitrines de certaines boutiques de boulangerie pour obtenir satisfaction aux revendications.  Début novembre, le dirigeant syndical appellerait de nouveau à ce type d’action lors d’un meeting tenu à la Maison des fédérations (syndicat CGTU), au 33, rue de la Grange-aux-Belles.

Le 26 novembre à Paris, à 5 h 30, Marcel Boulanger prend ce mot d’ordre à la lettre, brisant la devanture d’une boulangerie au 100, rue Montorgueil, dont les ouvriers travaillent la nuit. Il est arrêté par des agents du commissariat de police du quartier Bonne-Nouvelle. Au cours de son interrogatoire, il déclare avoir appliqué la consigne syndicale. Également soupçonné d’avoir fracassé les deux vitrines du n° 60 de la même rue, il est inculpé de bris de clôture et violences à agent et conduit au dépôt de la préfecture.

Le 8 janvier 1925, son affaire est jugée une première fois par la 10e chambre du tribunal correctionnel de la Seine, puis par la cour d’appel de Paris le 24 novembre suivant, laquelle le condamne à deux mois de prison avec sursis et cinquante francs d’amende.

Également militant communiste, Marcel Boulanger prend une part active à la propagande électorale.

À partir de la fin novembre 1931 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Boulanger travaille (?) dans une boutique ouvrant sur le trottoir du 29, rue Benjamin Raspail à Malakoff [1] (Seine / Hauts-de-Seine), un fonds de commerce appartenant probablement à la mère de son épouse, Marie Nicol. Marcel Boulanger habite chez elle, dans l’immeuble faisant angle avec le passage Richard et dont l’entrée se trouve au n° 1. Dans l’appartement – en plus de son épouse et de leur fille – vivent également sa belle-sœur, Henriette et son fils Paul Ropars.

À une date restant à préciser, avant son arrestation, Marcel Boulanger a également travaillé à la boulangerie Deplace, au 11, rue Ernest-Renan à Malakoff.

Le 20 août 1940, sous l’occupation, la délégation spéciale placée à la mairie de Malakoff le désigne comme étant un des principaux agitateurs communistes de la commune, soupçonné de tracer des inscriptions la nuit. Dès lors, la police française consigne que Marcel Boulanger participe très activement à la propagande clandestine par l‘apposition de papillons et des inscriptions subversives à la craie et au minium.

Le 8 octobre 1940, le préfet de police signe un arrêté prononçant l’internement administratif de Marcel Boulanger en exécution de la loi du 3 septembre 1940.

Le 11 octobre, celui-ci est arrêté par la police française et conduit au camp français d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), centre de séjour surveillé créé au début de ce mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes et syndicalistes avant-guerre. Marcel Boulanger déclare alors comme adresse celle de sa mère à Villiers-sur-Seine (son père est décédé).

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement. Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Le 4 décembre 1940, Marcel Boulanger fait partie d’un groupe de cent internés « choisis parmi les plus dangereux » transférés, par mesure préventive ou disciplinaire (?), à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [2], près de Saumur (Maine-et-Loire) ; leur transport s’effectue en car et sous escorte. Les détenus sont enfermés dans une grande salle commune de la Centrale.

Fontevraud, l’entrée. Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Fontevraud, l’entrée. Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Le 20 janvier 1941, sans être informés de leur destination, la même centaine d’internés est conduite à la gare de Saumur où les attentent deux wagons de voyageurs à destination de Paris-Austerlitz. À leur arrivée, ils sont conduits à la gare de l’Est où ils rejoignent 69 autres militants communistes en attente de transfert.

Le train les amène à la gare de Clairvaux d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la Maison centrale de Clairvaux (Aube). Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Ceux qui refusent sont enfermés une nuit en cellule (“mitard”), tandis que la plupart sont assignés à des dortoirs. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 14 mai, 90 d’entre eux (?) sont transférés au camp français de Choisel à Châteaubriant (Loire-Atlantique), parmi lesquels plusieurs seront fusillés le 22 octobre.

Marcel Boulanger fait partie de ceux qui restent à Clairvaux, et qui doivent bientôt partager les locaux qui leur sont assignés avec quelques “indésirables” (condamnés de droit commun).

À une date restant à préciser, Marcel Boulanger sollicite sa libération. Le 23 juillet, le préfet de police écrit à la Délégation du Gouvernement français dans les territoires occupés pour faire connaître son avis défavorable à cette mesure.

Le 26 septembre 1941, Marcel Boulanger est parmi la centaine (?) d’internés administratifs de Clairvaux transférés en train, via Paris, au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 détenus (dont 125 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

En juin, Marie Boulanger écrit à son tour à une autorité française pour solliciter la libération de son mari. Le 24 juin, le préfet de police émet de nouveau un avis défavorable à cette requête.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Boulanger est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet 1942, Marcel Boulanger est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45285 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée par comparaison avec un portrait “civil”).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté  Marcel Boulanger.Il meurt à Auschwitz le 20 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; un mois et demi après l’arrivée de son convoi.

Son nom est inscrit (sans prénom), parmi les victimes du nazisme, sur le Monument aux morts de Malakoff, situé dans le cimetière communal et sur une plaque à une adresse où il a habité, au n°1, passage d’Arcole (angle de la rue Caron).

À une date restant à préciser (fin 1950 ?), Marie Boulanger – en qualité de conjointe – complète et signe un formulaire du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre (ACVG) pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son mari à titre posthume.

Marie Boulanger décède à Paris 14e le 8 juillet 1965.

Notes :

[1] Malakoff : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 383 et 396.
- Maryse Goiran, petite-fille de Marcel Boulanger, et son frère ; envoi d’un portait civil d’avant-guerre (message 09-2012).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) : dossier individuel au cabinet du préfet (1w941-43350) ; cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; carton “PC” n°VII, A.S. du 20 décembre 1940 sur le CSS d’Aincourt.
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : liste XLI-42, n° 37.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, cotes 1W76, 1W94 (notice individuelle).
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de A à F (26 p 840).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 : relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 123 (23012/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 92-Malakoff, relevés de Philippe et Claudine Deguillien (02-2004), et de Claude Richard (02-2008).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-04-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.