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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

André, Étienne, Boulandet naît le 10 mars 1914 dans la commune de Lognes par Noisiel (Seine-et-Marne – 77), fils de Pierre Boulandet et de Hortense Jeanguyot, son épouse.

Après avoir obtenu le Certificat d’études primaires à Lognes, André Boulandet suit des études professionnelles à l’école des métiers La Fayette de Champagne-sur-Seine de 1927 à 1929.

De 1935 à la veille de son arrestation, il est chocolatier dans les établissement Meunier de Noisiel.

Noisiel. La chocolaterie Meunier, sur un bras de la Marne. Carte postale oblitérée en 1960. Coll. Mémoire Vive.

Noisiel. La chocolaterie Meunier, sur un bras de la Marne. Carte postale oblitérée en 1960. Coll. Mémoire Vive.

André Boulandet est un militant syndicaliste. De 1937 à 1938, il est membre du Parti communiste, adhérent à la cellule de Noisiel.

Il est mobilisé, d’abord comme soldat d’août 1939 à janvier 1940, puis comme “affecté spécial” en tant que modeleur sur bois à la Maison Borel à Laval (Mayenne).

Le 1er juin 1940, à Bussy-Saint-Georges (77), il se marie avec Andrée Suinot, née le 24 mars 1918 à Paris 17e, fille du concierge de l’usine Meunier et elle-même ouvrière dans cette entreprise. Elle vient habiter avec son époux, dans un petit logement à la Maison Rouge, lieu-dit de Lognes. Mais elle participe bientôt à l’exode fuyant l’invasion allemande, perdant ainsi son emploi. André Boulandet la retrouve à Lognes le 19 août suivant

Le 22 juillet 1941, Andrée met au monde leur fils, Jean-Pierre.

Le dimanche 19 octobre 1941, des Feldgendarmes viennent chercher André Boulandet à son domicile lors d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre les communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département.

André Boulandet est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (46 d’entre eux seront des “45000”). Le 20 octobre, il y est enregistré sous le matricule n°1810, assigné au bâtiment A3.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 28 octobre, le commissaire de police judiciaire de Compiègne (1ère brigade) signe une fiche de renseignements biographiques et signalétiques abrégés pour chacun des otages Seine-et-Marnais enregistrés au camp de Royallieu huit jours plus tôt, toutes portant la même mention : « a été arrêté comme otage par l’Armée d’occupation à la suite de nombreux incendies de meules et d’exploitations agricoles en Seine-et-Marne. “Interné au camp de Royallieu à Compiègne” » ; transcription probable de fiches réalisées par l’administration militaire du Frontstalag 122. Une copie sera transmise à la préfecture de Seine-et-Marne. Sur la fiche dactylographiée concernant André Boulandet a été ajouté une mentionentre parenthèses : « (a déclaré aux autorités allemandes ne pas avoir été inscrit à ce parti [PCF] ; le regrette) ». Le commissaire a-t-il pu lui-même interroger les internés ?

Le 28 novembre, la Feldkommandantur 680 de Melun adresse au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye] une liste de 79 otages communistes seine-et-marnais pouvant être proposés pour une exécution de représailles, parmi lesquels André Boulandet.

Entre fin avril et fin juin 1942, celui-ci est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Boulandet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45283 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Boulandet est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 - où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues - et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues -
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage de la “quarantaine”.
Au fond, le mur des fusillés. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.

Il est très probable qu’André Boulandet soit le modeleur de la chocolaterie Meunier dont parle Louis Eudier, du Havre, dans son livre de souvenirs [1]. Pendant l’hiver 1943-1944, il serait assigné au Block 22 et travaillerait en équipe avec un ébéniste parisien surnommé « la biche » (Louis Brunet ?) [2] au Kommando BBD en charge de l’ameublement et de l’entretient du camp, dirigé par un kapo “triangle noir” (condamné de droit commun) tuant les Juifs mais ne frappant jamais les politiques français. Au moment où les deux hommes aident Louis Eudier à intégrer leur Kommando, ils fabriquent du mobilier pour l’Hôtel de Ville d’Auschwitz. Ils reçoivent clandestinement des suppléments de nourriture transmis par Jules (“Julot”) Le Troadec.

En mai et juillet 1944, André Boulandet est inscrit à plusieurs reprises sur les registres du Block 21 (chirurgie) de l’hôpital d’Auschwitz.

À la fin de l’été 1944, il est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres survivants sont transférés vers d’autres camps.

Il est de nouveau inscrit au Block de chirurgie le 4 septembre.

Entre le 18 et le 25 janvier 1945, lors de l’évacuation d’Auschwitz, André Boulandet est parmi les vingt “45000” incorporés dans les colonnes de détenus dirigées vers le KL [3] Mauthausen (matricule n° 118607).

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Le 28 ou 29 janvier, André Boulandet est parmi les douze “45000” qui sont affectés au Kommando de Melk.

Le 15 ou 17 avril, ce groupe est évacué en marche forcée vers Ebensee, province de Salzbourg, où des usines souterraines sont en cours d’aménagement. Le 6 mai 1945, ce camp est parmi les derniers libérés, par l’armée américaine.

André Boulandet retrouve son domicile le 26 mai 1945.

Après une convalescence qui dure plus d’un an, il trouve un emploi de modeleur-mécanicien dans une entreprise de Pantin [4] (Seine-Saint-Denis – 93).

Il décède le 7 février 1988.

Notes :

[1] Louis Eudier, Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (1977 ?), pages 102-109.

[2] « La biche » : René Besse désigne lui aussi un “45000” français par ce surnom.

[3] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

[4] Pantin : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources : 
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 352 et 353, 358, 378 et 396.
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet, dossiers d’attribution de la carte de déporté (SC1994) ; arrestations collectives octobre 1941 (M11409) ; arrestations allemandes, dossier individuel (cote SC51227).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; cote IV-198 ; liste d’otages, document allemand (XLIV-60).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).
- Jean-Pierre Boulandet, son fils (message 03-2008).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 1-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.