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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Théodore, Hubert, Victor, dit Théo, Bonhomme naît le 2 décembre 1901 à Wattrelos (Nord ), fils de Théodore Bonhomme, débourreur dans l’industrie textile, et d’Élodie Desmidt, son épouse.

Pendant un temps, la famille est domiciliée à Moret-Sur-Loing (Seine-et-Marne – 77). Théodore Bonhomme fils déclare alors travailler comme débourreur, comme son père.

Le 17 avril 1920, à Écuelles (77), commune voisine, il se marie avec Marguerite Dailloux, née le 13 décembre 1898, couturière.

De la classe 1921, Théodore Bonhomme est exempté de service militaire pendant un an pour « poids insuffisant », puis maintenu ajourné par le Conseil de révision de 1922, et enfin ajourné pour « faiblesse irrémédiable » par le Conseil de révision de 1923.

Le 7 septembre 1923, Marguerite met au monde leur fils, Maximilien.

En octobre 1932, Théodore Bonhomme est domicilié au 6, cour Saint-François à Paris 12e.

En septembre 1939 et jusqu’au moment de son arrestation, la famille habite rue de la Montagne Creuse, dans le faubourg nord d’Écuelles, commune limitrophe de Moret-sur-Loing (sur la rive droite de la rivière et du canal).

Théodore Bonhomme travaille alors comme fraiseur

Militant communiste, il est trésorier entre 1937 et 1939 de la cellule d’Écuelles, dont Henri Coudray est secrétaire. Bonhomme diffuse des journaux et brochures sur la voie publique.

Le 2 février 1940, la commission de réforme de Fontainebleau considérant son « bon état général » le classe bon pour le service armé. Le 30 mars suivant, il est mobilisé comme “affecté spécial” au titre de la société Les Innovations Mécaniques (les « Innos ») à Moret-sur-Loing, fabriquant des tours à métaux.

Sous l’occupation, il conserverait une activité clandestine de diffusion de propagande, selon deux témoins ultérieurs : Gaston Charbonnier, de Saint-Mammes, et Edmond Louis, de Moret.

Le 19 octobre 1941, Théodore Bonhomme est appréhendé à son domicile – perquisitionné sans succès – par des Feldgendarmes lors d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant et visant des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – meules, hangars – ayant eu lieu dans le département. Henri Coudray est arrêté le même jour.Ils sont rapidement internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (46 d’entre eux seront des “45000”). Théodore Bonhomme est enregistré sous le matricule n° 1701 et assigné pendant un temps au bâtiment A7.
Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le 28 novembre, la Feldkommandantur 680 de Melun adresse au chef du district militaire “A” à Saint-Germain-[en-Laye] une liste de 79 otages communistes pouvant être proposés pour une exécution de représailles sur laquelle est inscrit Théodore Bonhomme.Son épouse parvient à lui rendre au moins une visite au camp de Royallieu.En décembre 1941, elle travaille à La Céramique, usine d’Écuelles, et leur fils Maximilien est employé à l’usine Schneider de construction électrique de Champagne-sur-Seine (77).

    Champagne-sur-Seine. Entrée de l’usine Schneider-Westinghouse (S. W.).     Carte postale non-datée (années 1920 ?). Collection Mémoire Vive.

Champagne-sur-Seine. Entrée de l’usine Schneider-Westinghouse (S. W.).
Carte postale non-datée (années 1920 ?). Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Théodore Bonhomme et Henri Coudray sont sélectionnés avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Théodore Bonhomme est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45270 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [1]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Théodore Bonhomme est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 14 avril 1946, Marguerite Bonhomme remplit un formulaire de demande de régularisation de l’état civil d’un « non rentré ». Le 25 avril suivant, à Melun, le directeur départemental des prisonniers de guerre, déportés et réfugiés, signe un certificat selon lequel Théodore Bonhomme « n’a pas été rapatrié à ce jour ». Le 15 octobre suivant, le ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) décide officiellement sa « disparition ».

Le ministère des ACVG reçoit très tôt un jeu de photocopie des registres d’appel (Stärkebuch) d’Auschwitz retrouvés pour une période comprise entre le 19 janvier et le 19 août 1942. Ainsi, dès le 21 juin 1947, l’officier d’état civil du ministère peut dresser l’acte de décès officiel de Théodore Bonhomme avec une date correcte. Néanmoins, le maire d’Écuelles ajoute une note sur le récépissé d’inscription dans les registres communaux qu’il renvoie au ministère le 28 juin : « … je m’étonne que l’acte de décès ne porte pas la mention “Mort pour la France”. L’acte de décès de Coudray Henry, autre déporté politique, arrêté en même temps et ayant toujours été avec l’intéressé, porte cette mention. » Le 10 juillet, Madame Veuve Bonhomme, qui a pris connaissance de l’acte de décès de son mari et constaté l’absence de cette mention, écrit au ministre pour lui demander « de bien vouloir avoir la bonté de faire réparer cet oubli ». Le 24 décembre suivant, elle remplit le formulaire engageant la démarche administrative nécessaire à cet effet. Le 14 janvier 1948, le préfet de Seine-et-Marne émet un avis favorable à la demande. Le 27 février, le ministère des ACVG décide de l’inscription de la mention sur l’acte de décès.

Le 28 août 1950, Marguerite Bonhomme remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté politique ou résistant, sans rayer l’une ou l’autre mention ; le dossier n’est instruit que pour le titre de déporté politique. Il est très probable que Madame Bonhomme ait eu connaissance de la photo d’immatriculation de Théodore à Auschwitz, car elle inscrit « BVF » devant le numéro matricule 45270.

Le 27 décembre 1950, la commission nationale d’homologation de la résistance intérieure française décide de ne pas reconnaitre à Théodore Bonhomme d’activité au sein de la Résistance intérieure française (RIF) parce que n’étant pas pas inscrit sur la « liste Gorce » des forces françaises combattantes.

Le 27 juin 1952, le ministère des ACVG décide l’attribution du titre de déporté politique à Théodore Bonhomme et envoie la carte n° 1101.01487 à sa veuve.

Le nom de Théodore Bonhomme est inscrit au cimetière d’Écuelles, sur un support mal identifié (« sépultures individuelles » ?).

À une date restant à préciser, le Conseil municipal donne le nom de « Théo » Bonhomme à une voie de la commune (la rue où il habitait ?).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 30-09-1987).

Notes :

[1] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Son nom (orthographié « Banhomme ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 377 et 396.
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, ; cabinet du préfet (3384W7), arrestations collectives octobre 1941 (M11409).
- Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste d’otages, document allemand, cote XLIV-60.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 116 (21119/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).
- Site Mémorial GenWeb, 77-Écuelles, relevé de Henry Dropsy et Joël Gruffaz (2006).
- Pôle des archives des conflits contemporains (PAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Bonhomme Théodore (n° 21 P 427 948), recherches de Ginette Petiot (message 03-2017).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 31-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.