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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

André, Louis, Bondu naît le 26 juillet 1900 à Mustapha (Algérie), au 16, rue Flatters, chez ses parents, Henri Bondu, 37 ans, né à Mustapha, ajusteur, et Antoinette Canizarès, son épouse, 25 ans ; tous deux décédés au moment de son arrestation.

Le 14 avril 1929 à Paris 17e, il se marie avec à Louise Coudène, née le 18 novembre 1898 à Fabros (Ardèche). Ils auront trois enfants : Jean, né le 7 avril 1932, Claude, né le 20 mars 1934, et  André, né le 18 septembre 1936.

Du 15 octobre 1936 jusqu’à son arrestation, André Bondu est domicilié au 72, boulevard Jeanne-d’Arc à Montreuil-sous-Bois [1] (Seine / Seine-Saint-Denis), après avoir habité au n° 64 de la même voie.

André Bondu est monteur électricien mécanicien. Du 12 juin 1929 au 2 juin 1937, il travaille à la Compagnie Électro-Mécanique, 12, avenue Portalis, à Paris 8e. Du 17 mars au 22 août 1939, il occupe le même emploi au Établissements Ripoche, fabrique de fours électriques, 5 rue Perrus, à Paris 14e.

Militant communiste, il – pendant un temps, selon la police – secrétaire de la section locale du Parti communiste, diffuseur de L’Humanité et de La Vie Ouvrière, organe de la CGT.

Il est mobilisé du 3 septembre 1939 au 15 août 1940. Au retour, sans travail, il se fait inscrire au fonds de chômage de sa commune.

Au début de l’occupation, il reprend de l’activité au sein du Parti communiste clandestin.

Selon André Buisson, de Montreuil, André Bondu est membre du Comité populaire local sous le numéro 1247.

Et, selon la police, André Bondu « est l’un des principaux organisateurs de la propagande communiste parmi les chômeurs de Montreuil »,  ne cherchant pas à dissimuler ses idées extrémistes et n’hésitant pas à se vanter « auprès d’une voisine d’être l’auteur d’inscriptions telles que “Thorez au pouvoir” , “Vive le Parti communiste” », dont plusieurs ont pu être relevées dans les environs de son domicile, notamment boulevard National et rue des Trois Territoires à Vincennes, ainsi que de l’apposition de tracts et de papillons de même tendance ».

Le 4 octobre 1940, un membre de la Délégation spéciale ayant remplacé la municipalité élue de Montreuil fait savoir – à qui ? – qu’il refuse « de recevoir à l’avenir » André Bondu « parmi les représentants du comité de chômeurs de la localité » au prétexte qu’il le considère comme un militant communiste.

Le 26 octobre suivant, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939 et de la loi du 3 septembre 1940 parmi 38 personnes visées ce jour-là dans le département de la Seine (dont 12 futurs “45000”). Le jour même, André Bondu est interpellé à son domicile par des agents du commissariat de secteur et conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt (Camille Watremez, de Pierrefitte, est arrêté et interné le même jour).

 

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Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte
montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines, cote 1W71.

Le 24 juin 1941, André Bondu fait partie d’une trentaine de « meneurs indésirables » écroués à la Maison d’arrêt de Rambouillet (Yvelines), à la suite d’ « actes d’indiscipline » collectifs.

Le 27 septembre, il est parmi les 23 militants communistes de la Seine transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la vallée de la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne.

Le château de Gaillon, au-dessus du village. Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le grand bâtiment isolé à droite (lequel a perdu sa toiture après la guerre) Carte postale des années 1950.  Collection Mémoire Vive.

Le château de Gaillon, au-dessus du village.
Les internés sont assignés au pavillon Colbert, le grand bâtiment isolé à droite (lequel a perdu sa toiture après la guerre)
Carte postale des années 1950. Collection Mémoire Vive.

Le 5 mars 1942, il fait partie des 16 internés administratifs de Gaillon (dont 9 futurs “45000”) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci, pris en charge par la Feldgendarmerie, et conduits en autocar au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, André Bondu est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Bondu est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45267 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [2]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) : André Bondu se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté André Bondu.
Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3], alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [4]). La cause mensongère indiquée pour sa mort est «hydropisie cardiaque » (Herzwassersucht), insuffisance cardiaque pour œdème généralisé.

En avril 1945, sa belle-sœur, habitant Marseille, engage à son sujet une démarche administrative de recherche dans l’intérêt des familles. Le préfet de Seine-et-Oise transmet un bref calendrier de son internement dans les lieux de détention français (Aincourt – Rambouillet – Gaillon).

Le 28 décembre 1945, Albert Rossé, de Rosny-sous-Bois, signe – au nom de l’Amicale d’Auschwitz, sur un papier à en-tête de la FNDIRP – un certificat  qu’André Bondu, déporté avec lui, est mort à Auschwitz, sans pouvoir donner davantage de précision. Le 7 mars 1946, Marcel Guilbert, de Boulogne-sur-Seine, signe un formulaire identique, précisant qu’André Bondu est mort « fin 1942 ».

Le 1er avril suivant, André Buisson, de Montreuil, secrétaire du comité populaire local établit un certificat selon lequel André Bondu, dans son groupe sous le numéro 1247, a été arrêté « par suite de son travail clandestin contre l’ennemi ».

Le 25 avril, la direction du bureau national des recherches, sous-direction de l’état civil et des fichiers au ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG), établit un certificat selon lequel André Bondu « n’a pas été rapatrié à ce jour ».

Le 19 juin 1946, un officier de l’état civil au ministère des ACVG dresse un acte officiel de décès fixant la date « fin décembre 1942 », avec la mention « Mort pour la France ».

Le 11 octobre 1950, le secrétariat d’État aux Forces armées guerre établit un certificat d’appartenance d’André Bondu à la Résistance intérieure française (RIF) au sein du Front national au grade fictif de soldat de 2e classe, pour des services accomplis à partir du 1er septembre 1940.

Le 27 novembre 1950, Louise Bondu remplit un formulaire de demande d’attribution à son mari du titre de déporté résistant à titre posthume.

Lors de sa séance du 28 octobre 1954, la commission départementale rend un avis défavorable, « les éléments de l’enquête établissant que l’intéressé a été arrêté pour des raisons d’ordre politique ». Cette instance est suivie en cela par le directeur interdépartemental, par la commission nationale, qui rend son avis deux mois plus tard, et enfin par le ministère qui rejette la demande le 11 février 1955. André Bondu est homologué comme “Déporté politique”, carte n° 1101.14358.

À une date restant à préciser, le ministère des anciens combattants et victimes de guerre reçoit une copie de l’acte de décès du camp d’Auschwitz.

© Mémoire Vive.

© Mémoire Vive.

La mention “Mort en déportation” est inscrite en marge de son acte de décès (J.O. du 30-09-1987).

Notes :

[1] Montreuil-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant d’André Bondu, c’est « fin décembre 1942 », « à Auschwitz (Pologne) » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[4] Les chambres à ga du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 385 et 396.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 22, citant : FNDIRP de Montreuil, lettre de Daniel Tamanini (23-4-1989) – Direction des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Archives nationales d’Outre-mer, site internet : registre des naissances de Mustapha, année 1900, acte de naissance n° 591.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande” : camps d’internement…, “Gaillon” (BA 2374) ; BA 2397 (liste des internés communistes, 1939-1941) ; chemise “liste des personnes se livrant à une activité de propagande” (BA 2447) ; cabinet du préfet, dossier individuel (1w1007).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1W76, 1W92 (dossier individuel).
- Archives départementales de l’Eure, Évreux : archives du camp de Gaillon, cotes 89W4, 89W11 et 89W14, fiche d’André Bondu établie le 18 février 1942 ; recherches de Ginette Petiot (08-2012).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 116 (31926/1942).
- Direction des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier d’André Bondu, cote 21.P427.898, recherches de Ginette Petiot (messages 09-2012 et 06-2016).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 12-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.