Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Eugène, Léon, Charles, Besnier naît le 4 avril 1895 à Méry-Corbon (Calvados – 14), chez ses parents, Georges Besnier, 32 ans, journalier, et Élisa Cingal, 22 ans, journalière. Un an plus tard, lors du recensement de 1906, sa grand-mère Arthémise, 70 ans, vit avec eux. Eugène a alors un frère de deux ans plus âgé, Paul, né le 7 juin 1893.

En 1901, la famille s’est agrandie de Georgette, née 7 juillet 1897, Armande Pauline, née le 14 septembre 1898, Thérèse, née le 17 novembre 1900, et Georges, né le 29 janvier 1901. Le foyer héberge également Augustine Cingal, sœur de la mère, né le 31 mars 1882.

En 1914, ses parents habitent au 7 place de l’Ancienne Halle à Caen (14) ; Eugène loge rue Caïn (?) ; il commence à travailler comme maçon.

Le 9 septembre 1914, Eugène Besnier devance l’appel et s’engage volontairement à la mairie de Caen pour quatre ans. Deux jours plus tard, il incorpore le 6e régiment du Génie comme sapeur de 2e classe. Le 25 septembre 1915, à Tahure (Marne), il est blessé au pied par un éclat d’obus ; évacué, il rentre à la compagnie le 11 janvier 1916. Le 10 avril suivant à Douaumont (Meuse), il est blessé au mollet gauche par un éclat d’obus ; évacué, il rentre au corps le 13 mai. Le 16 avril 1917, devant Troyon (Aisne), il est blessé dans la région frontale par un éclat de bombe ; évacué, il rentre le 20 mai. Le 20 juillet 1917, il passe au 2e régiment du Génie. Le 4 septembre suivant, il part pour Salonique dans l’Armée d’Orient. Le 20 mars 1918, il est évacué, rejoignant la compagnie six jours plus tard. Le 5 avril 1919, il est rapatrié. Le 20 juin, il passe au 5e R.G. Le 7 juillet, il est hospitalisé (?) puis “rejoint” onze jours plus tard. Le 9 septembre suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire au 13 place de la Reine-Mathilde à Caen.

Le 9 février 1920, à Caen, Eugène Besnier épouse Maria-Louise Le Vannier,  née le 8 novembre 1891 à Ferrières-en-Bray (Seine-Inférieure / Seine-Maritime), mécanicienne.

Le 13 février, il déclare habiter à Bretteville-sur-Laize (14), au lieu-dit Barbery.

En novembre 1920, le couple habite au 44 rue de Vaucelles à Caen.

En 1921, leur fils Bernard naît à Blérancourt (Aisne – 02).

Début octobre 1922, la famille est domiciliés à Saint-Aubin (02), commune voisine.

Le 21 janvier 1924, leur fille Marie Thérèse Louise naît à Caen.

En 1926, la petite famille est installée au 4 rue Ernest Manchon à Caen (14), chez les parents d’Eugène.

Le 22 juillet suivant, le père d’Eugène décède à son domicile (?), au 74 rue Porte Millet.

À la mi-juillet 1929 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci habite dans un petit pavillon au 20 rue Ernest-Manchon. En 1931, ils hébergent la mère d’Eugène.

Eugène Besnier est ouvrier maçon.

Le 20 mars 1940, il est rappelé à l’activité militaire et affecté au dépôt d’artillerie 303.

Le 16 octobre 1941, le tribunal correctionnel de Caen condamne Eugène Besnier à 25 francs d’amende pour un « abandon de travail » (?) commis le 26 février 1940.

Arrêté une première fois à son domicile en mars 1942, il est emprisonné à Caen et libéré deux jours après.

Dans la nuit du 1er au 2 mai, Eugène Besnier est arrêté par la police française ; il figure comme “communiste” sur une liste d’arrestations demandées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) [1]. Son frère Gaston, domicilié rue du Vaugeux (?), est arrêté en même temps. Le 3 mai, remis aux autorités d’occupation, Eugène est au “petit lycée” de Caen où sont rassemblés les otages du Calvados.

Le 4 mai au soir, il fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai en soirée.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Eugène Besnier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages communistes et une cinquantaine d’otages juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Eugène Besnier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45237 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Eugène Besnier est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Son nom figure sur une liste de détenus affecté au Block 16.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Les 21 et 27 août, son nom est inscrit sur un registre du Block 20 (maladies contagieuses) de l’ “hôpital” des détenus d’Auschwitz-I.

Eugène Besnier meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Eugène Besnier est homologué comme “Déporté politique” La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 72 du 26-03-2008).

Notes :

[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés, au Mont-Valérien (Hauts-de-Seine – 93) pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet page 121.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 361 et 395.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 513.
- Jean Quellien (1992), sur le site non officiel de Beaucoudray, peut-être extrait de son livre Résistance et sabotages en Normandie, éditions Corlet.
- Archives départementales du Calvados, archives en ligne : état civil de Méry-Corbon N.M.D. 1894-1898 (2 MI-EC 1406), registre des naissances de l’année 1895, acte n° 2 (vue 30/174) ; registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1915, bureau de Caen, n° 1001-1328, matricule 1170 (vues 295-297/581).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 82 (31463/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 13-11-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.