Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Georges BERTRAND naît le 24 avril 1907 à Saint-Nazaire (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique – 44)

À une date restant à préciser, il se marie avec Lucienne. Ils ont cinq enfants, âgés de 14 ans à un an en juin 1942.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 11, rue Bazan, au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1] – 76).

Jusqu’en février 1941, Georges Bertrand est docker sur le port, changeant fréquemment d’employeur.

À partir du 5 février 1941, il trouve du travail comme pompiste à la Compagnie de relèvement de navires Maison Klaguine, sise au 53, rue Guillemard, au Havre.

La police française ne lui connaît aucune activité politique. Il n’a été poursuivi que pour deux délits très mineurs, dont un vol d’œufs en 1919 (à douze ans !).

Le 24 février 1942 au soir, alors qu’il rentre à son domicile, Georges Bertrand est arrêté lors d’une rafle organisée par l’armée d’occupation, pris comme otage à la suite d’un attentat [2] [3].

Il est emprisonné à Rouen, puis interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [4] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Enregistré sous le matricule n° 3894, il est assigné pendant un temps au bâtiment C5, chambre n° 11.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Après son arrestation, son épouse se réfugie à Catigny-par-Noyon (Oise).

Entre fin avril et fin juin 1942, Georges Bertrand est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Bertrand est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45235, selon les listes reconstituées. La photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Georges Bertrand.

Il meurt à Auschwitz le 3 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] L’action de la place de l’Arsenal et la rafle de février 1942 : « Le 23 février 1942, place de l’Arsenal au Havre, les jeunes des premiers “Bataillons de la Jeunesse” incorporés dans l’O.S., attaquent à la grenade un détachement de l’armée allemande. L’O.S. est l’Organisation Spéciale qui à partir de septembre 1940 est la structure militante chargée de la protection des colleurs d’affiches et des distributeurs de tracts, elle est devenue le premier cadre de la résistance armée. Il y a là Michel Muzard, Jean Hascouet et le groupe “Léon Lioust”. C’est une des premières attaques d’un détachement de l’armée allemande dans la France occupée. » Albert Ouzoulias,Les bataillons de la Jeunesse, Éditions Sociales, Paris 1967, p. 201, 202. Claude-Paul Couture désigne comme auteur de l’attentat « le groupe Chatel de la 2e Cie FTP », En Seine-Maritime de 1939 à 1945, CRDP de Rouen, 1986, p. 15. En représailles, il y aura de nombreuses arrestations d’otages et vingt seront fusillés le 31 mars suivant (voir avis ci-dessous).

[3]


AVIS

De nouveau, un attentat a été commis au Havre contre l’armée allemande et cela contre une colonne en route. Jusqu’à présent, le coupable n’a pas été découvert. Si, dans un délai de douze jours, c’est-à-dire jusqu’au 6 mars 1942 à midi, le coupable n’est pas retrouvé, trente communistes et juifs, parmi lesquels le coupable doit être recherché, seront fusillés sur l’ordre du Militaerbefehlshaber in Frankreich. Pour éviter cette sanction, la population est invitée à coopérer de toutes ses forces à la recherche et à l’arrestation du coupable.

Der Chef des Militaerbefehlshaber in Frankreich Von der Lippe, Generalleutnant

Journal de Rouen du 25 février 1942.


AVIS

Le 23 février 1942, au Havre, on a jeté un engin explosif sur une colonne de route de la Kriegsmarine. Deux soldats allemands ont été blessés. Jusqu’à aujourd’hui, malgré ma demande à la population havraise, les auteurs de cette attaque si lâche sont restés inconnus. En suite, le vom Frankreich a ordonné, comme je l’ai menacé l’autre jour, la fusillade de communistes et juifs – dont appartiennent les malfaiteurs – pour expier cette nouvelle attaque. La fusillade a été exécutée aujourd’hui.

Saint-Germain-en-Laye, le 31 mars 1942 Der Chef des Militaerverwaltung Bezirkes A. Gez : Von der Lippe, Generalleutnant

Journal de Rouen des 4 et 5 avril 1942.


[4] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 375 et 395.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie réalisée à Rouen en 2000, citant : Archives municipales du Havre (Madame S. Barot, Conservateur, 18/6/1992) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Aa à Bl (51 W 410), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis Jouvin (“45697”).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 82 (34130/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.