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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. 
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Henri, Victor, Berton (parfois orthographié Berthon) naît le 20 juillet 1886 à Secondigny(-en-Gâtine), près de Parthenay (Deux-Sèvres – 79), fils de Jean, Berton, 39 ans, journalier, et d’Irma Bonneau, son épouse, 40 ans.

Pendant un temps, Henri Berton est domicilié à Parthenay (79) et travaille comme boulanger.

Le 17 août 1906, à la mairie de Rochefort (Charente-Maritime), il s’engage volontairement pour cinq ans comme apprenti-marin au 4e dépôt des équipages de la Flotte. Le 12 décembre suivant, il est nommé matelot de 2e classe, boulanger-coq. Le 17 août 1911, à la fin de son engagement, il se retire au 6, rue Thiers, à Rochefort. Le certificat de bonne conduite lui est refusé.

Le 6 janvier 1912 à Rochefort, Henri Berton épouse Marie Mestier.

Le 5 février 1914, l’armée le classe « affecté spécial » des Chemins de fer de l’État en qualité d’homme d’équipe à Chartres (Eure-et-Loir – 28).

Le 1er septembre suivant, mis à disposition de l’autorité militaire, il rentre dans le droit commun et rejoint le 4e dépôt des équipages de la Flotte le 19 septembre. Le 4 avril 1916, il est placé en sursis illimité aux Chemins de fer de État, puis retrouve le statut d’affecté spécial sur son poste de travail le 23 décembre suivant.

En août 1927, il habite au 4, rue des Grandes-Filles-Dieu, à Chartres. Peut-être est-il alors conducteur aux Chemins de fer de l’État.

Au moment de son arrestation, Henri Berton est domicilié au 8, rue de la Grenouillière à Chartres. Il a une fille de 34 ans qui ne vit probablement plus avec lui ; peut-être habite-t-elle au 13, rue du Frou. Il semble également qu’il soit propriétaire d’une chambre à son ancienne adresse du 4, rue des Grandes-Filles-Dieu, qu’il « loue en meublé ».

Retraité de la SNCF, Henri Berton semble avoir trouvé un emploi complémentaire à la Compagnie des Eaux et de l’Ozone à Chartres.

Sous l’occupation, il se rend chaque jour dans le café tenu par Marguerite Maréchal (49 ans, veuve) au 10, rue des Grandes-Filles-Dieu, afin d’aider la propriétaire « dans son commerce, à titre d’ami ».

L’établissement est fréquenté par des ouvriers – notamment des électriciens – venus de la région parisienne travailler au camp d’aviation de Chartres-Champhol, base aérienne militaire réquisitionnée par l’armée de l’air allemande (Luftwaffe).

Dans cette période, selon des procès verbaux de police ultérieurs, Henri Berton et Roger Rebière, 28 ans, un chauffagiste parisien en pension dans le café, préparent des tracts et journaux communistes, ainsi que des “papillons” rouges gommés (collants), au premier étage, dans la chambre de Marguerite Maréchal, laquelle est au courant de leur activité mais n’y participe pas. Henri Berton est mentionné comme faisant entrer des paquets de tracts. Mis sous enveloppe portant l’adresse d’un destinataire ou simplement pliés en deux, les imprimés sont ensuite remis à quatre équipes de deux hommes, auxquels Henri Berton indique un circuit des rues où les déposer. Avec l’aide d’un jeune membre de son groupe, c’est également lui qui écrit les adresses sur les enveloppes. Actif dans une des équipes de distribution, Gérard Gillot, effectue les tournées des 22, 23 et 24 janvier avec Roger Rebière (tracts sous enveloppes).

Au cours du mois de janvier 1941, cette activité est connue du commissaire de police de la ville. Entre le 27 et le 30 janvier, il lance une série de mesures afin d’en trouver les responsables, interrogeant tous les communistes notoirement connus à Chartres et effectuant chez chacun d’eux une visite domiciliaire (perquisition). Apprenant que cette propagande pourrait venir du café Maréchal, il y procède « à une rafle » [sic] au cours de laquelle sont identifiées trente personnes. Il semble cependant que ce soit un habitant de la rue de Rechèvres, sorti de chez lui au moment d’une distribution de tracts, le 28 janvier vers 20 heures (la nuit étant tombée), qui fasse avancer l’enquête de manière décisive en désignant un jeune voisin qu’il a reconnu à la lueur de sa lampe électrique. Interrogé par la police, soumis à une pression certaine, impressionné ou rudoyé, ce garçon de 17 ans finit par dire ce qu’on lui demande, entraînant les aveux circonstanciés d’un autre.

À partir du 30 janvier et pendant trois jours, de nombreux protagonistes de l’« Affaire Berton et tous autres » sont interrogés au commissariat et soumis à des confrontations. Les autres personnes mises en cause réfutent toute implication. Ainsi, Marguerite Maréchal « se refuse à faire toute déclaration et répond “C’est faux” invariablement à toutes les questions qui lui sont posées et même avant qu’on ne lui pose de question ».

Finalement, les sept personnes identifiées du groupe sont mises à la disposition du Procureur de la République sous l’inculpation d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939.

Le Tribunal correctionnel de Chartres condamne certains à des peines d’emprisonnement : six mois pour Henri Berton qui est écroué à la Maison d’arrêt de Chartres le 8 février. Roger Rebière est peut-être condamné par le tribunal militaire de la Feldkommandantur 751 de Chartres, en tant qu’employé comme chauffeur au camp d’aviation (à vérifier…). Le 25 février, le café – alors tenu par une fille de Marguerite Maréchal – est fermé par arrêté préfectoral (il est possible que la propriétaire soit relaxée, faute de preuves…).

Le 25 septembre suivant, en réponse à un courrier du ministère de l’Intérieur du gouvernement de collaboration datée du 24 juin « demandant quelles mesures avaient été prises dans le département contre les communistes français et étrangers par les autorités d’occupation », le commissaire spécial de Chartres transmet au préfet d’Eure-et-Loir « la liste complète des communistes arrêtés par les autorités allemandes » à cette date, soit trente-trois hommes, sur laquelle est inscrit Berton. Le 27 octobre, le préfet d’Eure-et-Loir précise au préfet délégué du ministère de l’Intérieur dans les territoires occupés que les six hommes inculpés dans l’affaire Berton sont les seules personnes de son département arrêtés par la police française pour activité communiste. Dans un brouillon de cette lettre, il est précisé que « ces individus ont été condamnés et ont purgé leur peine » ; mais la mention que « les éléments suspects aupoint de vue politique ou national ont été arrêtés préventivement par les soins des autorités d’occupation » est biffée.

Après avoir purgé sa peine de prison, à une date restant à préciser, Henri Berton est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 -Polizeihaftlager). Deux frères habitant Mainvilliers (28) et pris dans la même affaire sont libérés de ce camp en avril 1942. Le préfet d’Eure-et-Loir signe un arrêté ordonnant leur internement administratif le 24 septembre suivant ; dès le lendemain, ils sont conduits au centre de séjour surveillé de Voves (28) ; ils y retrouvent un troisième membre du groupe.

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Berton est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). À presque 56 ans, Henri Berton est le plus âgé des détenus sélectionnés.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Henri Berton est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45232, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel Henri Berton se déclare comme cheminot (Eisenbahner) et indique comme adresse le 4, rue des Grandes-Filles-Dieu à Chartres -, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Henri Berton.

Il meurt à Auschwitz le 28 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, qui indique pour cause mensongère de sa mort « dégénérescence cardiaque » (Herzmuskeldegenaration).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 72 du 26-03-2008).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 363 et 395. 
- Archives départementales des Deux-Sèvres (AD 79), site du conseil général, archives en ligne ; état civil de Secondigny, registres des naissances 1873-1890 (cote 2 MI 1221), année 1886, acte n°42 (vue 284/373) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Niort, classe 1906, matricules de 1 à 500, n° 444 (vue 651/729). 
- ARMREL/Sentinelles de la Mémoire, informations tirées du fonds déposé aux Archives Départementales par la FNDIRP (cote 27J2), transmises avec l’autorisation de Roger Pinot, président de la FNDIRP 28. 
- Étienne Égret, message à Ginette Petiot (03-2013) ; recherches dans les archives départementales d’Eure-et-Loir, Chartres (cotes 14w38, 14w39, 14w40, 14w52, 14w54). 
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, E.-et-L. n° 7. 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 82. 
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès (33154/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-09-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.