Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Fernand, Georges, Bée naît le 20 mai 1922 à Paris 8e, fils de Gabriel Bée, 33 ans, ouvrier ponceur au “Carbone”, usine de charbons à arcs, et de Léontine Stulmuler, 26 ans, son épouse, domiciliés au 83 avenue de Paris à Gennevilliers [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Selon une source, Fernand Bée est domicilié pendant un temps dans le Calvados (à vérifier…).

En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, il habite chez sa grand-mère maternelle, Julie Stulmuler, née Carlier en 1875 dans l’Oise, domiciliée au 5, rue Deslandes à Gennevilliers. Il est célibataire.

Fernand Bée est manœuvre à la margarinerie Astra, 14 rue Pierre-Curie.

Communiste, adhérent de la CGT, c’est par ailleurs un footballeur de très bon niveau (il est inscrit à un club de la Fédération sportive et gymnique du Travail, FSGT).

Sous l’occupation, Fernand Bée est actif au sein du parti communiste clandestin.

Le 26 décembre 1940, son groupe semble mener une action repérée par la police.

Le 30 décembre, Fernand Bée est arrêté à son domicile par des inspecteurs du commissariat de la circonscription d’Asnières, en tant que membre des Jeunesses communistes reconstituées à Gennevilliers, soupçonné de propagande clandestine.

Dix-huit autres militants sont pris dans la même affaire, dont neuf femmes et jeunes filles. Toutes les personnes arrêtées sont inculpées pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (un garçon semble inculpé pour vol ; à vérifier…). Fernand Bée est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le samedi 10 mai 1941, tous les inculpés comparaissent devant la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine ; douze pères et mères ont été convoqués à l’audience comme civilement responsables, mais les parents de Fernand Bée n’y viennent pas.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 29 mai, Fernand Bée est transféré  à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne), probablement au quartier des mineurs.

 

Le 29 juillet, la Cour d’appel le condamne à six mois d’emprisonnement.

Le 26 juin, son père, Gabriel Bée, alors veuf, est interné administrativement comme militant communiste « meneur particulièrement actif ».

Le 30 juillet, Fernand Bée est ramené à la préfecture de police, où, préalablement à sa libération, il doit signer un formulaire imprimé : « Je […] déclare désapprouver l’action clandestine sous toutes ses formes. Je prends librement l’engagement d’honneur de ne me livrer dans l’avenir, directement ou par personne interposée, à aucune activité communiste ». Il est libéré le 16 août.

Le 24 août, son domicile fait l’objet d’une nouvelle perquisition…

Le 28 avril 1942, Fernand Bée est de nouveau arrêté, à son domicile, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et visant majoritairement des militants du Parti communiste. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Fernand Bée réussit à faire partir un message qui parviendra à sa grand-mère pour l’informer de son départ.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Fernand Bée est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45222, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Fernand Bée.Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).

Il est homologué comme “Déporté politique”.

Après la guerre, le conseil municipal de Gennevilliers donne son nom à une rue de la ville.

Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Gennevilliers, situé dans le cimetière communal.

Sa grand-mère, qui l’hébergeait au moment de son arrestation, décède le 11 janvier 1951.

Notes :

[1] Gennevilliers et Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 382 et 395.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel) – Archives municipales de Gennevilliers (liste des déportés, nom des rues).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 81-94114).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 28 mars au 5 juin 1941 (D1u6-5855) ; jugement du samedi 8 février 1941 (D1u6-3719).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 63 (31490/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 92-Gennevilliers, relevé de Sylvain Aimé (2000-2002), informations de Philippe Frilley.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.