Droits réservés. Voir sources.

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Marcel, Albert, Bec naît le 23 septembre 1907 « à une heure du matin, en la voiture de ses père et mère, stationnée à Dormans (Marne – 51), place du Château, fils de Louis Bec, (…) chaudronnier ambulant, et de Françoise Vidal, (…) ménagère, son épouse, domiciliés ensemble à Saint-Poncy (Cantal) ».

Marcel Bec est dessinateur industriel (« dessinateur d’outillage »).

Le 12 septembre 1932, à Verneuil (51), Marcel Bec se marie avec France Mauroy, née dans cette commune en 1911, vigneronne vivant chez ses parents à la ferme du Bugnot. Ils n’auront pas d’enfant.

Au moment de son arrestation, Marcel Bec est domicilié au 30, quai de Boulogne à Boulogne-Billancourt [1] (Seine / Hauts-de-Seine).

En 1936, il adhère au Parti communiste, appartenant alors à la cellule des établissements Renault, de la section de Boulogne-Billancourt. Membre de la section syndicale des travailleurs de la Métallurgie de l’entreprise, il a des responsabilités au sein de l’Union sportive des usines Renault.

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

Boulogne-Billancourt, place Jules-Guesde, entrée des usines Renault. Collection Mémoire Vive.

Le 24 novembre 1938, de l’intérieur des ateliers, il prend une part active à la grève nationale organisée pour protester contre la perte des acquis du Front populaire. La police évacue de force les ouvriers. Avec de nombreux autres, Marcel Bec est licencié.

Dans le courant de l’année 1940, il est pressenti par un sieur Dupont pour reprendre son activité [?].

Sous l’occupation, Marcel Bec est chargé de créer un comité populaire des chômeurs de Boulogne-Billancourt qui semble avoir quelque activité. il participe activement à la distribution de propagande clandestine, qu’il diffuse notamment par l’intermédiaire de Louis, “Laurent”, Guizard. « À différentes reprises, il [reçoit] des paquets de tracts qu’il [a] pour mission de déposer au domicile de militants ».

Au cours du mois de décembre 1940, les services du commissariat de police de la circonscription de Boulogne-Billancourt lancent une opération contre des « militants de l’ex-parti communistes, ouvriers ou ex-ouvriers des usines Renault à Billancourt » ayant une activité de propagande.

Arrêté le 28 décembre, chez ses parents à Dormans par des inspecteurs du commissariat de Boulogne, Marcel Bec est trouvé « porteur d’un bordereau de souscription du Parti communiste, de trois exemplaires de L’Humanité [clandestine n° 91 du 3 décembre 1940] et de deux carnets de souscription au profit des emprisonnés [sic] politiques ». Une perquisition à son domicile amène la découverte de « différents papillons communistes [ Le communisme, c’est la liberté – Un seul parti – Ils ont trahi la France – Le traitre Doriot – L’œuvre n’est pas un journal français ], ainsi que quatre petits papiers manuscrits ayant trait à une activité de propagande ». Douze militants clandestins, dont Laurent Guizard et un couple, sont rapidement inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et conduits au Dépôt, à la disposition du procureur de la République.

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 17 mai 1941, neufs inculpés (cinq étant détenus, les autres convoqués) comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine. Marcel Bec est condamné à quinze mois d’emprisonnement (son trajet en détention reste à préciser) ; Laurent Guizard est condamné à treize mois et conduit à Fresnes. Tous deux se pourvoient en appel auprès du procureur de la République. Trois autres inculpés sont condamnés à trois mois, un autre à six mois, deux sont relaxés, le cas du dernier est disjoint et renvoyé à plus tard.

Le 8 décembre 1941, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Marcel Bec, en application du décret du 18 novembre 1939. Pendant un temps, il est détenu au dépôt de la préfecture (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité à Paris). Le 16 décembre, conformément à une circulaire du Ministère de l’Intérieur, le préfet envoie une copie d’un rapport de ses services concernant Marcel Bec au commandant allemand du département de la Seine (« von Gross-Paris »), à l’état-major d’administration militaire.

Le 3 janvier 1942, Marcel Bec figure sur une liste de 50 détenus – 38 internés politiques et 12 “indésirables” (droit commun) – transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Rouillé (Vienne) ; c’est sans doute par erreur que son nom n’apparaît pas sur une liste récapitulative des détenus de Rouillé établie le 10 septembre 1942… Il y retrouve Laurent Guizard.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, Marcel Bec fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Marcel Bec y est enregistré sous le matricule n° 5832.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Bec est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45216 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Bec est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Madame Bec à reçu la carte-formulaire envoyée aux familles le 16 juillet par l’administration militaire du camp de Royallieu et l’informant que son mari est parti pour un « camp de travail ». Après l’arrestation de celui-ci, elle indique Verneuil comme étant sa nouvelle adresse.

Les 5 et 13 novembre 1942, dans la chambrée (Stube) n° 1 du Revier de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb), son nom est inscrit sur le registre des détenus qui reçoivent des médicaments ; pour lui, six comprimés de charbon et quinze goutte d’Anisine (un bactéricide) le 13-11.

Marcel Bec meurt à Birkenau le 30 novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].

Le 11 janvier 1944, son épouse écrit au préfet de police pour obtenir des renseignements sur sa situation : « Je viens vous demander s’il vous serait possible de me procurer le moyen de recevoir des nouvelles de mon mari, de savoir où il se trouve, de correspondre avec lui… ». Le 2 février, le directeur de cabinet transmet ce questionnement au préfet de la Marne : « Je vous serais obligé de bien vouloir informer la pétitionnaire, si toutefois vous le jugez utile, que l’intéressé ne relevant plus de mes services, je ne suis pas en mesure de fournir les renseignements demandés ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Marcel Bec (J.O. du 7-08-2007).

Une plaque commémorative a été posée sur la sépulture de ses parents dans le cimetière de Dormans.

© Frédéric Seburger

© Frédéric Seburger

Notes :

[1] Boulogne-Billancourt : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Marcel bec, c’est 15 mars 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 380 et 394.
- Archives de Paris, archives du tribunal correctionnel de la Seine : rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941 (D1u6-5857) ; jugements du 16 au 18 mai 1941 (D1u6-3751).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; archives du cabinet du préfet, dossier individuel de Bec Marcel (1 W 685-22864) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 145-114125).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 27.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Registre des détenus ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne ; copies transmise par André Nouvian.
- Irena Strzelecka, Les hôpitaux dans le camp de concentration d’Auschwitz, in Auschwitz 1940-1945, tome 2, Les détenus – La vie et le travail, chap. 9, p. 364-365, éditions du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 61 (42229/1942).
- Collectif du site www.marne-archive.com (message 02-2008, photo du cimetière).
- Frédéric Seburger, “cantonnier” de Dormans pour le site www.marne-archive.com : photographie de la stèle (médaillon) déposée sur la tombe des parents de Marcel Bec au cimetière de Dormans ; extrait de l’acte de naissance de Marcel Bec.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.