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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Charles, Joseph, BARTHELÉMY naît le 22 avril 1911 à Plainfaing (Vosges – 88), fils de Charles Barthélémy et de Joséphine Paulus, ouvriers.

Le 22 avril 1932 à Moyentiers (88), Charles Barthélémy se marie avec Olga Baly. Ils auront deux enfants, âgés de 7 et 8 ans début 1941, l’aîné est infirme (paralysé) et le second de « santé délicate ».

Au moment de son arrestation, il est domicilié 6 rue Paul-Bert à Colombes [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Charles Barthélémy est ajusteur-outilleur.

En 1937, il adhère au Parti communiste.

Mobilisé le 28 août 1939, la section spécialisée du parc 32-138 l’envoie travailler comme « affecté spécial » à la Société d’emboutissage et de construction mécanique (SECM), 151 à 173, boulevard du Havre à Colombes, sans doute l’entreprise qui l’employait précédemment. Le 29 juillet 1940, la brigade de gendarmerie de Colombes lui signifie qu’il est provisoirement libéré de son affectation militaire.

Après son retour d’évacuation, il participe à la formation du Comité populaire de la SECM, exposant des « revendications à caractère communiste indéniable » et tentant de mobiliser ses collègues.

Sous l’occupation, la police française (Renseignements généraux) le considère comme un « militant communiste actif et propagandiste notoire ».

Le 5 octobre 1940, Charles Barthélémy est arrêté à Colombes, lors de la grande vague d’arrestations ciblées organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT), en application du décret du 18 novembre 1939 ; action menée avec l’accord de l’occupant. Barthélémy est inscrit sur une liste établie par la police avec le prénom de Joseph. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

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Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte
montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines, cote 1W71.

Début 1941, Charles Barthélémy est assigné à la chambre DJ (… “des jeunes”).

Le 11 février, il signe une requête adressée au chef de camp pour demander sa libération, expliquant notamment que sa fille de 8 ans est malade depuis le 22 juillet 1939 « et a été constamment à l’hôpital »..

Le 3 avril, Olga Barthélémy écrit au préfet de la Seine pour solliciter la libération de son mari, sachant qu’elle ne perçoit qu’une allocation de chômage pour vivre avec leurs deux enfants et leur donner à manger. Le 21 avril, sa lettre est transmise par le cabinet du préfet aux Renseignements généraux pour enquête et avis. Le 9 mai, ceux-ci répondent : « En raison de la recrudescence de l’activité communiste dans la région parisienne, il n’apparaît pas opportun de prendre une mesure de clémence en faveur de Barthélémy ». Le 21 mai, au commissariat de la circonscription de Colombes où elle a sans doute été convoquée, Madame Barthélémy atteste qu’elle a reçu communication que « sa demande ne peut être favorablement accueilli dans les circonstances actuelles ».

Le 6 septembre suivant, Charles Barthélémy est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de ce camp.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Selon une note de la police datée du 18 février 1942, « Barthélémy, de Colombes » figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion ».

Olga Barthélémy s’adresse alors à une autorité du gouvernement français. Le 20 mai 1942, le cabinet du chef du gouvernement, ministre secrétaire d’État à l’Intérieur, écrit au préfet de police : « Mon attention a été attirée sur le nommé Barthélémy Charles […]. Je vous prie de me faire connaître d’urgence les raisons de la décision prise à l’égard de l’intéressé, ainsi que votre avis sur l’opportunité d’une mesure de clémence à son égard. » Le 16 juin, le directeur de cabinet du préfet répondra qu’en raison de l’activité de Charles Barthélémy au sein du Comité populaire il estime que « la libération de cet interné ne saurait être actuellement envisagée ».

Entre temps, le 22 mai 1942, Charles Barthélémy fait partie d’un groupe de 148 détenus de la Seine (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Joseph Barthélémy est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Charles Barthélémy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45199 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Charles Barthélémy est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 18 juillet, il est inscrit sur un registre du Block 20 (celui des contagieux) de l’ “hôpital” des détenus (RevierHKB) d’Auschwitz.

Charles Barthélémy meurt le 18 septembre 1942 à Auschwitz, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebucher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” (11,7 % des effectifs du convoi) sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]) ; la cause mensongère indiquée pour sa mort est « gastrite et entérite ».

Déclaré “Mort pour la France”, il est homologué comme “Déporté politique”.

Notes :

[1] Colombes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les “31000” et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 381 et 394.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Lettre de Robert Guérineau (ancien résistant ayant effectué des recherches dans les registres d’état civil de la mairie de Colombes).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 632-20590).
- Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, révision trimestrielle (1w74), notice individuelle (1W88).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 24.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 54 (31594/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : liste de détenus français morts au camp de concentration d’Auschwitz relevée par le S.I.R. d’Arlosen (26 P 821 – Auch. 1/7).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.