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Droits réservés.

Maurice, Marcel, Ferdinand, Auvray naît le 23 janvier 1920  au petit village d’Orbois (Calvados – 14) [1], fils de Victor Auvray, 40 ans, boulanger, et de Julienne Léontine Le Boeuf, 24 ans, son épouse. À sa naissance, Maurice à déjà une sœur Yvonne, née le 10 février 1916, et, un frère, Georges, né le 28 mars 1918, tous deux à Orbois.

Le 4 août 1914, suite au décret de mobilisation générale, leur père avait été rappelé à l’activité militaire au 23e régiment territorial d’infanterie. Le 30 mai 1916, il était passé au 281e régiment d’infanterie. Le 10 juin 1918, il était passé au 125e R.I. Le 1er février 1919, il avait été envoyé en congé illimité, se retirant à Orbois et reprenant son métier de boulanger.

Le 6 septembre 1921, la famille s’agrandit avec Simone, née elle aussi à Orbois. Puis, le 28 février 1924, Hélène Solange naît à Sainte-Marie-aux-Anglais (14) [2]. Le 8 octobre 1926, Odette naît à Gonneville-sur-Merville (aujourd’hui, Gonneville-en-Auge – 14), alors que la famille habite le quartier de l’église et que le père est “journalier” chez un fermier.

En 1931, la famille est installée au 19, rue de Bretagne, dans une cité ouvrière de Dives-sur-Mer (14). Le père de famille est alors devenu ouvrier d’usine à l’“Électro”, probablement la Société générale d’électrométallurgie, fonderie de cuivre et autres alliages, unique industrie de la commune au bord de la Dives. Naissent encore deux fils : Jean, le 8 février 1932, et André en 1933.

Dives-sur-Mer dans les années 1900. Au-delà de l’usine et de la Dives, la station balnéaire de Cabourg. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Dives-sur-Mer dans les années 1900.
Au-delà de l’usine et de la Dives, la station balnéaire de Cabourg.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

En 1936, la fille aînée, Yvonne, 20 ans, est devenue ouvrière à l’“Électro”. Georges, le fils aîné, 18 ans, est ouvrier boulanger.

Maurice Auvray, 16 ans, est alors ouvrier imprimeur.

Au moment de son arrestation, le jeune homme est encore domicilié chez ses parents : il est célibataire (il a 22 ans).

Le 2 mai 1942, Maurice Auvray est arrêté par la police française ; il figure comme “communiste” sur une liste d’arrestations exigées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du deuxième déraillement d’un train de permissionnaires allemands à Moult-Argences (Airan) [3].

Maurice Auvray est conduit à la maison d’arrêt de Pont-l’Évêque comme quatre (ou six) autres habitants de Dives.

Le 3 mai, remis aux autorités d’occupation, ils sont emmenés au “petit lycée” où sont rassemblés les otages du Calvados.

Le 4 mai au soir, Maurice Auvray fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai, en soirée.

Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Auvray est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Henri Greslon, de Dives, qui reste à Compiègne [4], écrit à sa propre femme le jour-même. Il lui signale le départ de cinq Calvadosiens, dont Auvray, pour une destination inconnue qu’il suppose être l’Allemagne.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Auvray est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45187. Sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée.

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Maurice Auvray.

Il meurt à Auschwitz le 31 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

À Dives-sur-Mer, son nom figure sur le monument dédié Aux victimes des camps de concentration nazis, sur la face où sont inscrits les Divais décédés dans les camps d’extermination….

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 7-06-1987).

En 1944, son frère Georges nomme Maurice le premier enfant né de sa seconde épouse.

Notes :

[1] Orbois : par l’arrêté du 30 décembre 1972, la commune est associée à Anctoville, tout comme celles de Feuguerolles-sur-Seulles et Sermentot. Depuis le 1er janvier 2017, ces trois communes ont le statut de commune déléguée de la nouvelle commune Aurseulles, née de la fusion des quatre communes Anctoville, Longraye, Saint-Germain-d’Ectot et Torteval-Quesnay (source : Wikipedia).

[2] Sainte-Marie-aux-Anglais : en 1972, cette commune est absorbée, avec deux autres (Écajeul, Saint-Crespin), par celle du Mesnil-Mauger. Le 1er janvier 2017, Le Mesnil-Mauger prend le statut administratif de commune déléguée au sein de la nouvelle commune de Mézidon Vallée d’Auge de statut administratif commune nouvelle (source : Wikipedia).

[3] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942. Collection R. Commault/Mémorial de Caen. In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

La locomotive du premier train ayant déraillé le 16 avril 1942.
Collection R. Commault/Mémorial de Caen.
In De Caen à Auschwitz, éditions Cahiers du Temps, juin 2001, page 11.

L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.

Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour lecommandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.

Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).

Au total, plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.

Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900. Collection Mémoire Vive.

Caen. Le Petit Lycée. Carte postale éditée dans les années 1900.
Collection Mémoire Vive.

Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).

Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés, au Mont-Valérien (Seine / Hauts-de-Seine) pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.

La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).

[4] Henri Greslon : déporté le 24 janvier 1943 au KL Sachsenhausen, il y meurt en août 1943.

Sources :

- De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, pages 47, 62 et 65, 101, notice par Claudine Cardon-Hamet page 125.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 362 et 394.
- Jean Quellien (1992), sur le site non officiel de Beaucoudray, peut-être extrait de son livre Résistance et sabotages en Normandie, publié pour la première fois en 1992 aux éditions Charles Corlet.
- Claude Doktor, Le Calvados et Dives-sur-Mer sous l’Occupation, 1940-1944, La répression, éditions Charles Corlet, novembre 2000, Condé-sur-Noireau, pages 140, 151.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 36 (38207/1942).
- Christine Drolle, belle-fille de Georges Auvray, son frère (message 04-2022).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 14-04-2022)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.