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Clichés superposés accidentellement.
(voire note)
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Henri, Charles, Aubry naît le 9 juin 1893 à Malnoue, hameau d’Émerainville (Seine-et-Marne – 77), au domicile de ses parents, Albert Aubry, 49 ans, ouvrier maçon, et Marie Maison, 42 ans, son épouse (tous deux seront décédés au moment de son arrestation).

De la classe 1913, Henri Aubry accompli son service militaire au 94e régiment d’Infanterie à Bar-le-Duc. Il reste sous les drapeaux au début de la guerre 1914-1918. Le 15 novembre 1915, après avoir été blessé trois fois, la Commission de réforme de Coëtquidan le classe dans le “service auxiliaire”. Il reçoit une pension comme invalide à 15 %.

Du 18 mai 1919 au 1er avril 1920, Henri Aubry travaille à la Compagnie du Métropolitain, à Paris. Puis, du 15 avril suivant jusqu’au 18 mai 1931, comme ouvrier chocolatier à l’usine Meunier de Noisiel.

Noisiel. La chocolaterie Meunier, sur un bras de la Marne. Carte postale oblitérée en 1960. Coll. Mémoire Vive.

Noisiel. La chocolaterie Meunier, sur un bras de la Marne. Carte postale oblitérée en 1960. Coll. Mémoire Vive.

Le 22 juin 1920, à Croissy-Beaubourg (Seine-et-Marne – 77), il se marie avec Renée Hue, née le 6 novembre 1898 dans cette commune. Ils auront trois enfants : Gisèle, née le 12 avril 1925, Paul, né le 29 octobre 1926, et Denise, née le 14 décembre 1929, tous à Croissy-Beaubourg.

En 1931 et jusqu’à l’arrestation du chef de famille, celle-ci emménage à Croissy-Beaubourg, dans un pavillon construit grâce à la loi Loucheur (le crédit sera loin d’être remboursé dix ans plus tard…).

À partir de 1931, Henri Aubry entre comme expéditionnaire à l’Imprimerie Nationale, au 9, rue de la Convention à Paris, au titre des “emplois réservés” aux invalides de guerre.

Le bâtiment de l’Imprimerie Nationale, rue de la Convention (Paris 15e), l’année de son achèvement. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le bâtiment de l’Imprimerie Nationale, rue de la Convention (Paris 15e), l’année de son achèvement.
Carte postale, collection Mémoire Vive.

Henri Aubry est un militant communiste actif. Au moment du Front populaire, il est responsable de la propagande, diffusant L’Humanité dans la commune de son domicile.

En 1937, Renée, son épouse, débute une “longue maladie”, amenant sa fille aînée, Gisèle, à rester près d’elle.

En 1938, lors d’élections municipales complémentaires à Croissy-Beaubourg, Henri Aubry se présente comme candidat communiste et recueille 14 voix.

Sous l’occupation, et selon la police, Henri Aubry, très affecté par la maladie de sa femme, « abandonne toute action en faveur de son ancien parti pour se consacrer à sa famille ».

Le 1er mai 1941, son fils cadet trouve un emploi d’aide-bûcheron au château de Croissy-Beaubourg, tandis que le plus jeune va encore à l’école communale.

Le 7 juillet, Renée Aubry décède.

Le dimanche 19 octobre, Henri Aubry est appréhendé par la Feldgendarmerie de Meaux lors d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département.

Henri Aubry est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (42 d’entre eux seront des “45000”). Il y est enregistré sous le matricule n° 1802 et assigné au bâtiment A3.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Dès lors, les trois enfants de Henri Aubry sont « surveillés et entretenus » par son beau-frère, Robert Hue, charron à Croissy-Beaubourg, et adjoint au maire.

Le 28 octobre, le commissaire de police judiciaire de Compiègne (1ère brigade) signe une fiche de renseignements biographiques et signalétiques abrégés pour chacun des otages Seine-et-Marnais enregistrés au camp de Royallieu une semaine plus tôt, toutes portant la même mention : « a été arrêté comme otage par l’Armée d’occupation à la suite de nombreux incendies de meules et d’exploitations agricoles en Seine-et-Marne. “Interné au camp de Royallieu à Compiègne” » ; transcription probable de fiches réalisées par l’administration militaire du Frontstalag 122.

Le 23 février 1942, le préfet de Seine-et-Marne écrit à la Feldkommandantur 680 de Melun pour appuyer une demande de visite formulée par Robert Hue afin que celui-ci puisse discuter au camp avec Henri Aubry « pour préciser avec lui certains détails concernant les enfants ».

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Aubry est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures et repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Henri Aubry est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45183 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée [1]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Henri Aubry est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 4.

Il meurt à Auschwitz le 14 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Son nom est inscrit sur le monument « aux enfants de Croissy-Beaubourg morts pour la France », situé face à l’église.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 7-06-1987).

Notes :

[1] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz : le négatif a été accidentellement utilisé pour réaliser deux clichés successifs, c’est pourquoi il présente deux visages superposés (l’autre détenu est Alexandre Antonini, matricule 45174).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 378 et 393.
- Archives départementales de Seine-et-Marne, site internet : registre d’état civil d’Émerainville de 1873 à 1912 (6E177/4), année 1893, acte n° 7 (vue 166/299).
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, cabinet du préfet : arrestations allemandes, dossier individuel (SC51227) ; arrestations collectives octobre 1941 (M11409).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 35 (30607/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).
- Site MémorialGenWeb, 77 – Croissy-Beaubourg, relevé de Denis Parpaillon (08-2003).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 31-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.