JPEG - 45.2 ko
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Pierre, Raoul, Arnould naît le 8 septembre 1921 à Paris 14e, fils de Raoul Hubert Arnould, électricien, 30 ans, et d’Andrée Dupuis, 33 ans.

En décembre 1921, Raoul Arnould déclare habiter au 13 bis, rue du Pont-des-Champs à Troyes (Aube). En janvier 1923, il est domicilié au 2 de la rue de la Mission.

Les parents de Pierre Arnould se marient le 17 janvier 1925 à Paris 9e ; Raoul Arnould, alors âgé de 33 ans, habite avec ses parents au 4, rue de la Mission à Troyes (Aube), et Andrée Dupuis, alors âgée de 36 ans, sans profession (?), est domiciliée au 20, rue Cadet à Paris. Le père de celle-ci, alors veuf, coupeur chemisier, habite au 13, rue Pierre Gillon, dans le quartier de Croncels, à Troyes.

Au printemps 1926, la petite famille est installée chez le père d’Andrée, rue Pierre Gillon à Troyes. Raoul Arnould est alors directeur commercial (d’une entreprise électrique ? Morin). Cette année-là, la famille s’agrandit avec la naissance d’Huguette

Raoul Arnould, qui a été sergent dans le 122e régiment d’infanterie, chef d’une section de mitrailleurs, au cours de la Première Guerre mondiale, cité au corps d’armée le 7 août 1915 et titulaire de la Croix de guerre avec étoile de vermeil, prisonnier du 8 août 1916 au 14 janvier 1919, élève son fils Pierre « dans le culte de la Patrie » ; celui-ci en tire « une foi patriotique inébranlable et une énergie indomptable ».

Le 2 septembre 1939, Raoul Arnould, rappelé à l’activité militaire, est mobilisé comme “affecté spécial” à l’usine Schneider du Creusot (Saône-et-Loire), entreprise produisant pour la Défense nationale.

Au moment de son arrestation, le jeune Pierre Arnould est domicilié chez ses parents. Il est étudiant (?), célibataire.

Dès le début de l’occupation, il constitue et dirige un groupe de résistance (avec Robert Jacquot ?) sous le pseudonyme de « Jean Clair » dont l’activité principale est la récupération d’armes, probablement abandonnées par l’armée française au cours de la débâcle. À Saint-Julien-les-Villas notamment, il organise une cache contenant des mousquetons, des fusils, des révolvers, des grenades et des munitions, le tout en parfait état.

Dans des circonstances restant à préciser, le commissaire Brunet (?) de la police municipale de Troyes découvre cette cache…

Le 31 janvier 1941, Pierre Arnould est arrêté à son domicile. Avec plusieurs camarades suspectés, il est conduit dans une cellule de commissariat de Troyes. Le commissaire leur fait couper les cheveux à ras et les soumet à des travaux pénibles. Cependant, faute de preuves (?), le préfet de l’Aube intervient pour qu’ils ne soient pas remis à la police allemande. Le 15 février suivant, à la suite d’une nouvelle intervention du préfet, ils sont libérés. Quelques jours plus tard, le commissaire convoque Pierre Arnould pour l’envoyer travailler sur un chantier à Rumilly-les-Vaudes (Aube). Non seulement, Pierre Arnould ne s’y rend pas, mais il quitte Troyes, franchit clandestinement la ligne de démarcation et se rend à Marseille, où il retrouve Henri Broniarczyk, 27 ans, Polonais naturalisé français, camarade ayant échappé aux arrestations et qui s’est mis en rapport avec les services du 2e bureau, rue Silva Bell (?).

Début avril, ils reviennent tous deux clandestinement à Troyes… il existe ensuite deux versions du motif de leur arrestation.

Selon l’une d’elle – d’auteur inconnu – Pierre Arnould apprend que ses camarades ont rejoint le chantier de Rumilly, où ils sont placés en liberté surveillée. Il s’y rend dans le but de les faire évader, prenant contact avec l’un d’entre eux. Un rendez-vous est pris pour le soir du 5 avril, mais quand il arrive à proximité du village, Pierre Arnould est arrêté par le commissaire Brunet, qui le trouve porteur d’un revolver.

Selon Henri Broniarczyk, tous deux ont pour mission de soustraire aux autorités allemandes des documents importants dans des bureaux de la caserne Bournonville. Mais, trahis par le jeune Robert T., qui devait les aider, et le père de celui-ci, plutôt collaborationniste, ils sont arrêtés par le commissaire Brunet.

Après quelques jours au “violon” municipal de Troyes, où ils sont interrogés, Arnould et Broniarczyk sont conduits à la Maison centrale de Clairvaux. En mai 1941, les autorités allemandes viennent les y chercher pour instruire leur procès.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 10 septembre 1941, à Troyes, le tribunal militaire de la Feldkommandantur 533 condamne Pierre Arnould à 21 mois de prison pour « constitution de “corps francs”, rassemblement et constitution de dépôt d’armes, et franchissement clandestin aller et retour de la ligne de démarcation avec argent ». Reconduit à la centrale de Clairvaux, il en est libéré avec Henri Broniarczyk le 1er février 1942 après avoir bénéficié d’une mesure de libération conditionnelle. Le jour de leur sortie, tous deux s’enfuient à Paris, dans l’espoir d’y trouver une liaison avec un réseau de renseignements des Forces françaises libres, puis se rendent dans l’Yonne, en Côte-d’Or et en Saône-et-Loire, utilisant des contacts pris à Clairvaux.

Ils reviennent à Troyes dans la soirée du 25 février. Dès le lendemain, 26 février, à 5 h 20, les Allemands font irruption chez les parents de Pierre Arnould en escaladant le mur de clôture et l’arrêtent à nouveau. Son père réussit à prévenir Henri Broniarczyk, qui repart aussitôt à Paris où il parviendra finalement à rejoindre le réseau Confrérie Notre-Dame (CND-Castille).

 Au “défenseur” (?) de Pierre Arnould, venu à la Kommandantur, on répond que le jeune homme a repris ses activités contre les autorités allemandes et que son nom est inscrit sur une liste de douze otages. Parmi ceux-ci, sept auraient été fusillés en représailles d’attentat, dont Maurice Romagon et René Le Gall, conseiller municipal de Paris, à Clairvaux le 7 mars 1942 ; Schweid ayant été retrouvé mort dans sa cellule

Pierre Arnould est écroué à la Maison d’arrêt de Troyes. Vers le 6 mars, il est transféré (avec deux autres otages de l’Aube ?) au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 3665.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Arnould est définitivement sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Pierre Arnould est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45178 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Pierre Arnould serait dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Il contracte le typhus, selon le témoignage ultérieur de Marius Zanzi, qui le côtoie alors.

Pierre Arnould meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, alors qu’a lieu une grande sélection des « inaptes au travail » à la suite de laquelle 146 des 45000 sont inscrits sur le registre des décès (Sterbebücher) en deux jours, probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [1]. Il a 21 ans. Sur l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, la cause mensongère indiquée pour sa mort est « faiblesse cardiaque et circulatoire ».

À une date inconnue, sa mère s’adresse à la Croix-Rouge afin d’obtenir de ses nouvelles.Le 12 avril 1943, l’Agence centrale des prisonniers de guerre du Comité international de la Croix-Rouge, basé à Genève (Suisse), écrit au comité allemand de la Croix-Rouge (Deutsche Rote Kreuz – DRK) à Berlin pour lui demander de la renseigner sur la situation de Pierre Arnould. Le 6 août suivant, la DRK soumet la demande au Bureau central de sécurité du Reich (Gestapo) à Berlin. Le 1er novembre suivant, en utilisant un formulaire polycopié sur lequel il suffit de rayer le paragraphe inutilisé, le bureau IV D 4 de la Gestapo répond au service de l’Étranger de la DRK : « À votre demande du 6.8.1943 concernant Arnould Pierre (Français), le renseignement suivant est donné : b – Pour des raisons de police d’État, aucun renseignement ne peut être donné sur son lieu de séjour ni sur son état de santé. »

À son retour de déportation, Marius Zanzi apprend la mort de Pierre Arnould à ses parents.

Le 2 juillet 1946, il semble qu’une copie de l’acte de décès de Pierre Arnould établi à Auschwitz soit parvenue au ministère des anciens Combattants et victimes de la guerre (ACVG).

Le 25 mai 1947, Raoul Arnould complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ». Il désigne alors son fils comme « déporté politique ».

Le 22 mars 1948, Marius Zanzi signe une attestation selon laquelle Pierre Arnould « bon camarade, dévoué, rendant service à tous le plus qu’il pouvait, courageux jusqu’à ses derniers jours » a été conduit à la chambre à gaz en septembre 1942.

Le 25 février 1954, Raoul Arnould – en qualité d’ascendant – complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son fils à titre posthume. Les attestations présentées à l’appui de cette demande amènent la Commission départementale des internés et déportés de la résistance (DIR) à prononcer un avis favorable, suivi par la décision du ministère. Le 8 novembre suivant, celui-ci adresse à Raoul Arnould la carte DR n° 1016 23650 au nom de son fils.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Pierre Arnould (J.O. du 10-06-1987).

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 360 et 393.
- Rémi Dauphinot et Sébastien Touffu, La déportation de répression dans l’Aube, fichier ressource de l’AFMD pour le Concours national de la Résistance et de la Déportation, www.crdp-reims.fr
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 32 (31583/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : liste de détenus français morts au camp de concentration d’Auschwitz relevée par le S.I.R. d’Arlosen (26 P 821 – Auch. 1/7), page 1, n° 10 ; dossier individuel (21 P 419 050).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-04-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.