JPEG - 70.2 ko
Au camp d’Aincourt en 1941…
Collection Daniel Archen.
Droits réservés.

Auguste, Aimé, Archen naît le 18 juillet 1907 à Puteaux [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez son père, Aimé, Jean, Archen, 32 ans, affuteur, domicilié au 42, rue Voltaire, enfant d’une mère « non dénommée ». Pour son enregistrement à l’état civil, le nouveau-né est présenté par son père.

Auguste Archen a probablement une formation d’ouvrier métallurgiste ; après la guerre, il sera désigné comme aléseur.

Le 20 juillet 1929 à la mairie de  Nanterre [1] (92), Auguste Archen se marie avec Yvonne Aupaix, née le 28 mai 1911 à Puteaux, parfumeuse.

JPEG - 134.6 ko
Les mariés. Collection Daniel Archen. Droits réservés.

Ils ont deux enfants : Huguette, née le 22 août 1930, et Daniel, né le 9 février 1934.

JPEG - 256.3 ko
La petite famille devant l’usine Simca.
Collection Daniel Archen. Droits réservés.

Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domicilié au 80 bis, avenue Georges-Clémenceau à Nanterre, dans un appartement appartenant à la mère d’Yvonne, alors veuve.

À partir du 21 mai 1935, Auguste Archen est employé communal à la mairie de Nanterre : appariteur (en uniforme), puis cantonnier.

JPEG - 111.5 ko
Auguste Archen en tenue d’appariteur
de la mairie de Nanterre.
Collection D. Archen. Droits réservés.

Il est membre du Parti communiste, secrétaire de la cellule des Communaux.

Le 25 avril 1940, sommé par la Délégation spéciale – désignée par le préfet pour remplacer la municipalité élue – de « déclarer qu’il condamne le Pacte germano-soviétique et a rompu tout lien de solidarité avec le Parti communiste », Auguste Archen s’y refuse.

Le 29 avril, il est mobilisé, mais réformé quatre jours plus tard pour double otite et surdité.

Le 20 ou 21 mai suivant, il est arrêté à son domicile par les services du commissariat de police de la circonscription de Puteaux… et révoqué de son emploi trois jours après.

Le 23 mai 1940, Auguste Archen est condamné à plusieurs mois de prison par le Tribunal de première instance de la Seine pour propagande communiste. Il est écrou à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne). Mais le 26 juin 1940, il est libéré par les autorités allemandes.

Il trouve alors un emploi d’ajusteur (métier déclaré aux camps d’Aincourt et de Voves).

Dès septembre 1940, Auguste Archen reprend ses activités clandestines, comme en témoignent l’adjudant E. Atlani, son chef direct, et des attestations qui l’homologuent comme faisant partie de la Résistance intérieure française (RIF). La police française considère également qu’il « continue à se livrer à une très active propagande ».

Le 9 novembre, il est de nouveau appréhendé, à 5 heures du matin, par « trois policiers français, dont un avec un revolver à la main » se souvient son fils, qui ajoute : « l’un d’eux était au commissariat de Puteaux, après la guerre ». Le motif de son arrestation ne lui est pas communiqué. Pierre Bourneix et Georges Capliez, de Puteaux, sont arrêtés dans les mêmes conditions. Le même jour, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant leur internement administratif, parmi 66 suspects d’activité communiste de la Seine.

Tous trois sont conduits au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante.

Tel qu’il est photographié, le pavillon Adrien Bonnefoy Sibour ne laisse pas entrevoir la grande forêt qui l’entoure et l’isole de la campagne environnante.

Le 9 décembre, Madame Archen écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter l’autorisation de rendre visite à son mari.

Le 11 février 1941, Auguste Archen signe une requête adressée au chef de camp pour demander sa libération, expliquant notamment que son fils est malade et que son épouse ne peut payer les médicaments nécessaires avec sa maigre allocation de chômage « ayant déjà du mal à leur donner de quoi manger » (à lui et à sa sœur). « J’ai conscience de n’avoir jamais été un individu dangereux pour la sécurité publique, n’ayant jamais tué ni volé personne, ni commis d’acte de terroriste. »

Deux jours plus tard, le 13 février, Yvonne Archen écrit à la préfecture de police pour solliciter un droit de visite, voire une mesure de libération. Son mari est alors assigné à la chambre D.J.

Le 10 mars, elle écrit nommément au préfet de police pour solliciter une libération.

Yvonne réitère sa demande de visite le 27 mars.

Le 13 mai, s’étant déjà adressée à « plusieurs personnalités » sans obtenir de réponse, elle écrit à Henri Sellier, alors maire de Suresnes, pour solliciter son intervention en vue d’une libération. L’édile transmet la demande au… préfet de police.

Le 12 juin, elle écrit de nouveau au préfet de police pour solliciter la libération de son mari, reprenant l’argumentaire formulé par celui-ci le 11 février.

Le 19 avril 1942, Madame Archen écrit de nouveau au préfet de Seine-et-Oise pour demander la libération de son époux. Celui-ci est alors assigné à la chambre n° 47.

L’épouse d’Auguste Archen et leurs enfants peuvent lui rendre visite « une ou deux fois ». Après la fouille, les familles se retrouvent dans une grande salle.

JPEG - 130.1 ko
La famille Archen dans la salle des visites d’Aincourt en 1941.
JPEG - 110.5 ko
Derrière Hugette et sa mère, on distingue les silhouettes
de cinq gardiens. Collection Daniel Archen. Droits réservés.

Auguste Archen offre aux siens les objets qu’il a confectionné au camp : une feuille de chêne tamponnée avec une brosse pour laisser apparaître le prénom de son fils Daniel, six ans ; un petit porte-photo en forme de maison avec inscrit au dos « Souvenir d’Aincourt à mon petit Kiki chéri » ; une canne sculptée autour de laquelle s’enroule deux serpents ; un cadre fait dans une coupe de bois et représentant le sanatorium.

JPEG - 92.9 ko
Des internés d’Aincourt recevant la visite de leurs épouses,
probablement à l’automne 1941.
Auguste Archen est le premier à gauche.
Collection Daniel Archen. Droits réservés.

Le 23 avril 1942 – presque un an et demi après son arrivée à Aincourt -, Auguste Archen fait partie d’un groupe de 60 détenus – liste nominative de A à Ch – transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 118.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai, il fait partie des 81 internés (dont 70 futurs “45000”) « remis aux mains des autorités d’occupation » à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; matricule 5682.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

En juin, sa fille écrit au maréchal Pétain, chef de l’État, une carte sollicitant une mesure de clémence.

Entre fin avril et fin juin 1942, Auguste Archen est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Dans un billet lancé du convoi, Auguste Archen annonce son « départ pour l’Allemagne ». Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Auguste Archen est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45177 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

JPEG - 76.4 ko
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Auguste Archen se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Auguste Archen.
Il meurt à Auschwitz le 19 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebucher) [2].

Déclaré “Mort pour la France”, il est homologué comme “Déporté politique“, et sergent dans la Résistance Intérieure Française (7/5/1952).

Son nom est inscrit parmi les déportés sur le Monument aux morts de Nanterre, parc des Anciennes Mairie.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-06-1989).

Extrait du témoignage de son fils Daniel : « (…) Lorsque nous avons appris qu’il fallait se rendre rapidement à Compiègne, je me souviens que ce fut mon oncle qui, pour que nous puissions avoir un des rares trains, nous a conduit dans sa remorque qu’il tirait à vélo jusqu’à la gare. À notre arrivée au camp, nous avons appris par d’autres prisonniers que le convoi était parti, probablement vers l’Allemagne. C’était le 6 juillet 1942. Puis ce fut le néant. Pas de nouvelles, si ce n’est un mot griffonné à la hâte par mon père et jeté sur le ballast. Ce petit morceau de papier froissé mentionnait que le convoi faisait route vers l’Allemagne. Je voudrais dire un grand merci au cheminot qui nous fit parvenir ce mot (…) ».

Notes :

[1] Puteaux et Nanterre : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant d’Auguste Archen, c’est le 6 juillet 1942 « à Auschwitz » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Questionnaire rempli par Madame Archen (9-2-1987) – Récit de son fils (10-1988) et nombreux documents : arrêté de révocation, attestations de Résistance, détail des activités (1950), lettre du convoi.
- Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 383 et 393.
- Daniel Archen, son fils (message 10-1988), récit et nombreux documents : arrêté de révocation, attestations de Résistance, détail des activités (1950), lettre du convoi.
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Puteaux, année 1907 (E NUM PUT N1907), acte n° 314 (vue 79/149).
- Archives départementales des Yvelines et de l’ancien département de Seine-et-Oise (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révisions trimestrielles), 1W76, 1W85 (dossier individuel).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397), chemise 4e trim. 1940.
- Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : dossiers individuels des détenus (2Y5 753), libérés par l’autorité allemande en juin 1940 (mandat de dépôt).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 31 (22173/1942).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier d’Auguste Archen (21 P 418 801), recherches de Ginette Petiot (message 11-2012).
- Site Mémorial GenWeb, 92-Nanterre, relevé de Gilles Gauthier (12-2005).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 7-10-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.