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(droits réservés)

Marcel, Constant, Alizard naît le 14 octobre 1901 à Chauny (Aisne), chez ses parents, Léopold Alizard, 26 ans, manouvrier, et Eugénie Chatelain, son épouse, 24 ans et demi, manouvrière, domiciliés au 1 ruelle Vrevin. Mais, le 29 janvier ou février 1908, le tribunal de Laon prononce le divorce de ses parents ; Marcel, 6 ans et demi, reste avec sa mère.

Pendant un temps, Marcel Alizard habite avec sa mère au 113, avenue Jean-Jaurès à Paris 19e, et commence à travailler comme boucher.

En 1921, lui et sa mère sont installés chez le compagnon de celle-ci, Léon Clovis Tourrette, qui vit séparé de sa deuxième épouse, au 109, rue Albert-Georges au Blanc-Mesnil [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).

Le 1er avril 1921, Marcel Alizard est appelé à accomplir son service militaire au 11e régiment de dragons. Le 1er octobre 1922, il passe au 2e groupe de remonte. Il est “renvoyé dans ses foyers” le 30 mai 1923.

Pendant un temps, Marcel Alizard habite au 29, avenue du Pont-de-Flandre à Paris 19e. Puis, il retourne habiter avec sa mère au 56, rue Albert-Georges au Blanc-Mesnil.

Le 19 avril 1924 à Paris 18e, Marcel Alizard épouse Henriette Palliart, 16 ans, née le 19 novembre 1907 à Paris 9e, couturière, vivant alors chez son père au 18 rue Versigny à Paris. Ils ont deux garçons : Henri, né le 16 février 1925, et Georges, né le 17 juin 1928, tous deux au Blanc-Mesnil.

Marcel Alizard est ouvrier aux Abattoirs de la Villette, où il est secrétaire du Syndicat de la Boucherie.

Paris 19e. Entrée des abattoirs de la Villette, espace occupé aujourd’hui par la Cité des Sciences. Carte postale envoyée en 1939. Collection Mémoire Vive.

Paris 19e. Entrée des abattoirs de la Villette, espace occupé aujourd’hui par la Cité des Sciences.
Carte postale envoyée en 1939. Collection Mémoire Vive.

Au printemps 1926, Marcel Alizard, son épouse et leur premier fils habitent rue Albert-Georges, à la même adresse que Léon Tourrette et Eugénie Chatelain.

Le 23 août 1928, le tribunal correctionnel de Pontoise condamne Marcel Alizard à trois mois de prison avec sursis pour « blessures volontaires » (?). Il est alors déclaré domicilié au 258, avenue des Ormes au Blanc-Mesnil.

Marcel Alizard est membre du Parti communiste. Selon la police, il sait dessiner et fait des dessins de propagande pour son organisation.

En 1929, il est élu Conseiller municipal du Blanc-Mesnil. En charge des affaires sociales, il est également l’organisateur de l’Avenir Social, œuvre gérant l’Orphelinat des Syndicats.

Le Blanc-Mesnil. À droite, la mairie, avenue Henri-Babusse. Carte postale des années 1940-1950. Collection mémoire Vive.

Le Blanc-Mesnil. À droite, la mairie (pavoisée), dans l’avenue Henri-Barbusse.
Carte postale des années 1940-1950. Collection mémoire Vive.

Le 29 mai 1933, sa mère et Léon Tourrette officialisent leur union en se mariant à la mairie du Blanc-Mesnil. À partir de 1934, celle-ci est « paralysée des jambes ».

Au printemps 1939 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Alizard est domicilié avec sa famille au 13, rue/avenue des Ormes (renommée rue Max-Dormoy [6] après-guerre).

Le 2 septembre 1939, Marcel Alizard est rappelé à l’activité militaire et rejoint le dépôt de guerre du Génie n° 38.

Après sa démobilisation et sous l’occupation allemande, il reste actif au sein du Parti communiste interdit. Son frère Léopold Alizard, né en juillet 1896 à Chauny, et son neveu, Léopold Alizard, né à Lyon en mars 1927, sont au courant de son activité clandestine.

Comme la propagande clandestine comporte des dessins « du genre » de ceux qu’il faisait avant guerre, la police le soupçonne de participer à son élaboration.

Le 5 novembre 1940, à la suite d’une diffusion de tracts dans son secteur de résidence et en application de l’arrêté préfectoral du 19 octobre 1940 [2], la préfecture de Seine-et-Oise propose l’internement administratif de quatre anciens militants communistes du Blanc-Mesnil, dont Marcel Alizard.

Le 24 novembre 1940, le préfet de Seine-et-Oise signe un arrêté ordonnant l’assignation à résidence sur le territoire de leur commune de domicile de 1097 « individus dangereux pour la Défense nationale et la sécurité publique », selon les termes du décret du 18 novembre 1939 ; parmi ceux-ci, Marcel Alizard.

Le 27 novembre, une notice individuelle établie par le commissariat central d’Aulnay-sous-Bois indique « Sait dessiner et a fait avant la dissolution du Parti des dessins de propagande du genre de ceux actuellement distribués clandestinement ». Le document précise déjà qu’il « sera appréhendé et conduit au centre de séjour surveillé d’Aincourt ».

Le 18 janvier 1941, Marcel Alizard est effectivement arrêté à son domicile en présence de son épouse et de ses enfants, l’arrêté d’internement établi par la préfecture étant antidaté au 20 janvier. Il est conduit au camp français d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), “centre de séjour surveillé” (CSS) créé dans les bâtiments désaffectés d’un sanatorium isolé en pleine forêt.

Selon une note établie par la direction du centre après son transfert, Marcel Alizard s’y fait remarquer « par son ardeur à défendre les doctrines de la IIIe Internationale ». Il est « un des propagandistes des meneurs du centre et doit être considéré comme un militant actif et dangereux pour l’ordre public ».

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan,  le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.  Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aux dires de Léopold Alizard, son neveu, Marcel s’évade du camp mais est repris peu après, dans sa cachette, sur dénonciation.

Le 27 juin, Marcel Alizard fait partie d’un groupe de 88 internés communistes de Seine-et-Oise – dont 32 futurs “45000” parmi lesquels Yves Cariou, de Blanc-Mesnil – remis aux “autorités d’occupation” et conduits à l’Hôtel Matignon, à Paris, – alors siège de la Geheime Feldpolizei – où ils sont rejoints par d’autres détenus, arrêtés le même jour et les jours suivants dans le département de la Seine [3]. Tous sont ensuite menés au Fort de Romainville (sur la commune des Lilas, Seine / Seine-Saint-Denis), élément du Frontstalag 122. Considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp [4].

Le fort de Romainville dans les années 1920. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Le fort de Romainville dans les années 1920. Carte postale, collection Mémoire Vive.

Trois jours plus tard, les hommes rassemblés sont conduits à la gare du Bourget (93) et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Polizeihaftlager). Pendant la traversée de la ville, effectuée à pied entre la gare et le camp, la population les regarde passer « sans dire un mot, sans un geste. Tout à coup nous entonnons La Marseillaise et crions «  Des Français vendus par Pétain » [5]. Ils sont parmi les premiers détenus qui inaugurent ce camp créé pour les « ennemis actifs du Reich ».

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Neuf mois plus tard, le 25 mars 1942, le préfet de Seine-et-Oise transmet au Conseiller supérieur d’administration de guerre [sic] de la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud une liste d’anciens internés d’Aincourt à la libération desquels il oppose un avis défavorable – « renseignements et avis formulés tant par [ses] services de police que par le directeur du centre de séjour surveillé » ; liste accompagnée de « notes » individuelles avec copie traduite en allemand, dont celle concernant Marcel Alizard.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Alizard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Alizard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45163 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Alizard est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.

Il meurt à Birkenau selon le témoignage d’un rescapé, le 19 août 1942 d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [7].

Le 24 septembre 1942, Léon Tourette est arrêté et interné au camp de Pithiviers (Loiret), avant d’en être libéré au bout de cinq mois pour cause de maladie.En décembre 1943, Henriette, l’épouse de Marcel Alizard, a quitté leur domicilie du Blanc-Mesnil pour aller habiter au 7, rue Henri-Monnier, à Paris 9e.Le 13 août 1944, la préfecture de Seine-et-Oise annonce le décès de Marcel Alizard au maire du Blanc-Mesnil, lequel n’en informe la mère de celui-ci que le 15 novembre 1944 (circonstances ?).

Par sa délibération du 6 décembre 1945, le conseil municipal du Blanc-Mesnil donne le nom de Marcel Alizard à une avenue de la ville ; depuis les années 1970, la cité HLM construite à proximité ainsi qu’une salle de réunion portent également son nom.

Henri Charlier, rescapé du convoi, du Blanc-Mesnil, confirme ce décès à sa mère, l’ayant lui-même appris par un message d’Yves Cariou, du Blanc-Mesnil, avant que celui-ci ne succombe.

À une date incertaine, Léon Tourette, “beau-père” de Marcel Alizard, complète un formulaire N° 2 de dénombrement des internés et déportés édité par le ministère des prisonniers, déportés et réfugiés, dans lequel il indique que l’épouse du déporté, « Henriette Paillard », habite à une « adresse inconnue ».

Le 3 avril 1946, Henri Charlier rédige et signe une attestation sur papier libre certifiant Que Marcel Alizard est mort « au camp de Birkenau, près d’Auschwitz […] vers la fin de décembre 1942 ». Le même jour, Jean Guilbert, de Mitry-Mory, autre rescapé du convoi, signe une attestation rédigée dans les mêmes termes.

Le 6 juin 1946, la mère de Marcel Alizard, Eugénie Tourette, domiciliée au 109, rue Albert-Georges, complète et signe un formulaire du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) pour demander la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ».

Le 28 août 1946, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) dresse l’acte de décès officiel de Marcel Alizard « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (les attestations de Charlier et Guilbert) et en fixant la date au 31 décembre 1942 (fin du mois…). Le même jour, le ministère demande au maire du Blanc-Mesnil de transcrire cet acte sur ses registres d’état civil, et informe « Madame Tourette » qu’elle peut demander un extrait d’acte de décès en cette mairie (en fait, la transcription ne sera effective que le 6 octobre suivant…).

Le 23 février 1947, la mère de Marcel Alizard, « Mme Vve Alizard, née Châtelain », remplit un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’inscription de la mention “Mort pour la France” sur l’acte de décès d’un déporté politique. Le 27 juin suivant, le directeur départemental des ACVG et le sous-préfet de Seine-et-Oise rendent un avis favorable. Le 23 août, le ministère demande au maire du Blanc-Mesnil d’inscrire la mention dans l’acte de décès.

Le 30 juillet 1948, répondant à Henriette Alizard – alors domiciliée au 49, rue Condorcet à Paris 9e – au sujet d’une demande de régularisation de l’état civil de son mari, le ministère des ACVG l’informe qu’un acte de décès a déjà été établi en août 1946 « sur la requête de sa mère ».

Le 16 janvier 1950, celle-ci décède à Gonesse (Seine-et-Oise / Val-d’Oise) ; Léon Tourrette décède le 6 mars 1955 à Montfermeil (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis).

Le 26 février 1962, Henriette Alizard – en qualité de conjointe – complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de déporté politique à son mari à titre posthume. Ignorant la date de départ du convoi de déportation, elle le déclare « victime civile de la guerre ». Le 17 février 1964, le ministère lui envoie la carte de déporté politique n° 1175.17683. domicile : 33 rue Navarin, Paris 9e

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Marcel Alizard (J.O. 15-05-1987).
Son nom est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux élus et aux membres du personnel communal, située dans le hall de la mairie.

Notes :

[1] Le Blanc-Mesnil : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’arrêté préfectoral du 19 octobre 1940 :


CABINET du PRÉFET de SEINE-et-OISE

Versailles, le 19 octobre 1940

Le PRÉFET de SEINE-et-OISE, OFFICIER de la LÉGION d’HONNEUR,

Vu le décret-loi du 26 septembre 1939 ;

Vu la loi du 3 septembre 1940 ;

Considérant que la diffusion de tracts est interdite par les ordonnances des autorités d’occupation et par les lois françaises et qu’elle est, à ce double titre, illégale ;

Considérant que ces tracts sont d’inspiration communiste et que leur diffusion ne peut avoir lieu qu’avec la complicité de militants du parti, ainsi que l’ont prouvé de nombreuses perquisitions domiciliaires ;

ARRÊTE :

Article 1er. – Toute découverte de tracts à caractère communiste sur le territoire d’une commune du département de Seine-et-Oise entraînera l’internement administratif immédiat d’un ou de plusieurs militants communistes notoirement connus résidant sur le territoire de cette commune, sans préjudice des poursuites judiciaires dûment engagées.

Article 1er. – MM. le Secrétaire Général de la Préfecture pour la Police, les Sous-Préfets, le Directeur de la Police d’État, le Chef d’Escadron, Commandant la Compagnie de Gendarmerie de Seine-et-Oise, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté.

Fait à Versailles, le 19 octobre 1940.

Le PRÉFET de SEINE-et-OISE, signé : Marc CHEVALIER

Pour ampliation, Le Sous-Préfet, Directeur du Cabinet.


[3] Les 88 internés de Seine-et-Oise. Le 26 juin 1941, la Feldkommandantur 758 de Saint-Cloud transmet au préfet du département de Seine-et-Oise – « police d’État » -, cinq listes pour que celui-ci fasse procéder le lendemain à l’arrestation de ressortissants soviétiques ou de nationalité russe ancienne ou actuelle, dont 90 juifs, et de républicains espagnols en exil, soit 154 personnes. La sixième catégorie de personnes à arrêter doit être constituée de «  Différents communistes actifs que vous désignerez  » (aucune liste n’étant fournie). Tous doivent être remis à la Geheime Feldpolizei, à l’Hôtel Matignon, à Paris.

Si aucun autre document n’atteste du contraire, c’est donc bien la préfecture de Seine-et-Oise qui établit, de sa propre autorité, une liste de 88 militants communistes du département à extraire du camp d’Aincourt.

Le 27 juin, le commandant du camp écrit au préfet de Seine-Et-Oise pour lui « rendre compte que 70 internés [du département] ont été dirigés aujourd’hui dans la matinée sur le commissariat central de Versailles et que 18 autres internés ont été dirigés dans le courant de l’après-midi à l’Hôtel Matignon à la disposition des Autorités allemandes d’occupation. Le départ de ces internés s’est déroulé sans incident. » Les listes connues à ce jour ne distinguent pas les deux groupes et réunissent les 88 internés.

Le 29 juin, l’inspecteur de police nationale commandant l’escorte conduisant le contingent de 70 détenus à Versailles, rend compte que le commissaire divisionnaire lui a ordonné de poursuivre son convoyage « jusqu’à l’Hôtel Matignon, à Paris, siège de la Geheime Feldpolizei. En passant à Billancourt, quelques internés du premier car ont montré le poing et des ouvriers qui allaient prendre leur travail ont répondu par le même geste. J’ai immédiatement donné des ordres aux gardiens pour que les internés rentrent leurs bras.

À mon arrivée à Paris, je me suis trouvé en présence d’une quinzaine de cars remplis de prisonniers ayant la même destination que les internés d’Aincourt et j’ai dû prendre la suite.

Le formalités d’immatriculation étant assez longues, j’ai dû attendre mon tour ; l’opération a commencé à 18 heures et s’est terminée à 19h15 ; je n’ai pu faire la remise que de 38 internés sur 88 venus d’Aincourt. En raison de l’heure, le chef de bureau de la Feldpolizei m’a fait savoir qu’il recommencerait l’immatriculation le lendemain matin à 8h15, d’avoir à revenir à cette heure-là. J’ai rassemblé les 50 internés restant dans les deux cars et ai libéré les camionnettes et les gardiens disponibles.

Je me suis aussitôt mis en rapport avec la préfecture de Seine-et-Oise afin de savoir où je devais conduire, pour passer la nuit, les 50 internés. Une heure après, je recevais l’ordre de les conduire au Dépôt, 4 quai de l’Horloge, et de continuer ma mission le lendemain matin. Cette formalité étant remplie, j’ai renvoyé les cars et le personnel à Versailles.

Le 28 juin, à 7 heures, j’ai continué ma mission qui a pris fin à 11 heures. Cette escorte s’est déroulée sans autre incident. »

[4] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, témoignage d’Henri Rollin : «  Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention «  communiste  », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp »

[5] De l’Hôtel Matignon au Frontstalag 122 : témoignage de Marcel Stiquel (déporté au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Son récit fait état de 87 internés (la liste en comporte 88) et d’un départ d’Aincourt étalé sur deux jours : les 27 et 28 juin 1941 (voir note ci-dessus).

[6] Max Dormoy : ancien ministre de l’intérieur, assassiné lors d’un attentat à la bombe dont il est la victime désignée le 26 juillet 1941 à Montélimar (Drôme).

[7] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Marcel Alizard, c’est le 31 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts

Sources :

- Témoignage de Lucien Alizard, son neveu (05-2007).
- Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, page 105.
- Joël Clesse et Sylvie Zaidman, La Résistance en Seine Saint-Denis, 1940-1944, éd. Syros, juin 1994, page 377 (AD 78, 1W165).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 355, 384 et 396.
- Sachso, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, Au cœur du système concentrationnaire nazi, Collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 36 (sur le transfert depuis Aincourt des 88 de Seine-et-Oise, fin juin 1941).
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Archives départementales de l’Aisne, site internet, archives en ligne : registre d’état civil de Chauny, année 1901, acte n° 534 (vue 329).
- Site de la ville du Blanc-Mesnil : photo en civil.
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux ; centre de séjour surveillé d’Aincourt, bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise (1W69, 1W77, 1W80), relations avec les autorités allemandes (1W84), dossier individuel (1W277).
- Liste des 88 internés d’Aincourt (domiciliés dans l’ancien département de Seine-et-Oise) remis les 27 juin 1941 à la disposition des autorités d’occupation, et liste Internés de Seine-et-Oise à la suite d’une mesure prise par le préfet de ce département, ayant quitté le centre d’Aincourt, copies de documents des AD 78 communiqués par Fernand Devaux (03 et 11-2007).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 21 (22381/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Drancy, relevé de Monique Diot Oudry (11-2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-05-2021)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.