Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marius, Baptiste, Couturier naît le 23 décembre 1898 à Paris 11e (75), fils de Marie Couturier, 19 ans, blanchisseuse, demeurant au 9, passage de la Reuss et de « père non dénommé » (à l’état civil, il est déclaré le 26 décembre et reconnu le 30 janvier suivant). Onze ans plus tard, le 13 novembre 1909, à Paris 11e, Albert Eugène Adam, qui vit avec sa mère, épouse celle-ci et le reconnaît pour son fils.

Pendant un temps, Marius Adam habite au 121, boulevard du Temple à Paris 10e et travaille comme polisseur sur bois.

Le 29 janvier 1916, à Paris 10e, âgé de 17 ans, il se marie avec Marcelle Georgette Braun, née 29 octobre 1899 à Paris 19e (16 ans) ; mais ils divorceront.

Le 16 avril 1917, Marius Adam est incorporé comme chasseur de 2e classe au 26e bataillon de chasseurs à pied.

Le 27 mai 1918, dans le secteur de Mailly (?) ou de Coudé Missy (à situer), au début de l’offensive allemande sur le Chemin des Dames lançant la troisième bataille de l’Aisne, Marius Adam est intoxiqué par les gaz de combat, dont il conservera des séquelles. Le lendemain, il est porté disparu. En fait, il a été fait prisonnier de guerre et conduit en Stalag à Cassel, dans le land de Hesse. Rapatrié le 11 janvier 1919, il est réaffecté à son bataillon. Le 14 février suivant, il passe au 66e BCP. Le 28 mai 1920, il est renvoyé dans ses foyers et se retire au 9, rue Jules-Verne à Paris, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En novembre 1924, la 1ère commission de réforme de la Seine le classera comme réformé définitif n°1 avec une pension de 10 % pour sclérose pulmonaire légère des sommets, caractérisée par une diminution du murmure vésiculaire sans bruit adventice et laryngite catarrhale légère chronique (mentionnant une déviation congénitale de la cloison nasale à gauche).

Le 3 février 1923 à Paris 20e, Marius Adam se marie avec Germaine Izaline Fouillat, née le 9 février 1901 à Saumur (Indre-et-Loire). En 1924, le couple demeure au 19, rue de Palikao ou Pali-Kao, dans le quartier de Belleville (Paris 20e). Il aura une fille, Renée, née en 1925. Marius Adam est alors monteur.

À partir de 1934 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 28, rue de la Banque à la Varenne-Saint-Hilaire, quartier de Saint-Maur-des-Fossés [1] (Seine / Val-de-Marne).

Marius Adam est serrurier, son épouse est couturière.

Tous deux militent localement : Marius est secrétaire des Amis de l’Union soviétique (AUS) et Germaine, secrétaire du Comité mondial des femmes (CMF).

Le 26 décembre 1939 – après l’interdiction du Parti communiste -, le commissaire de Saint-Maur ordonne une perquisition à leur domicile pour vérifier si le couple détient des tracts communistes. Résultat : « …il n’a été trouvé que des brochures sans importance prouvant toutefois que Adam et sa femme étaient bien des communistes ».

Le 27 juin 1941 [2] à cinq heures du matin, Marius Adam est appréhendé à la demande du commissaire de la circonscription de Saint-Maur-des-Fossés, accusé de se livrer à de « la propagande communiste verbale dans son entourage et à son lieu de travail ». Les Renseignements généraux indiquent : « Avant son arrestation, il était inconnu de nos services ». Marius Adam est d’abord conduit au commissariat de Saint-Maur. Le préfet de police a signé les arrêtés ordonnant leur internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939, mais ces opérations sont menées en concertation avec l’occupant. En effet, pendant quelques jours, des militants de Paris et de la “petite couronne” arrêtés dans ces conditions sont conduits dans la cour de l’hôtel Matignon, réquisitionné par la Geheime Feldpolizei (GFP), et livrés aux « autorités d’occupation » qui les rassemblent provisoirement au Fort de Romainville (HL 122), sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis) ; ils n’y sont pas enregistrés.

Les hommes arrêtés le 27 juin (et après ?) sont conduits à la gare du Bourget où des trains les transportent à Compiègne (Oise) [3]. Marius Adam fait probablement partie de ces hommes transférés au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marius Adam est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marius Adam est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45159 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont, pour la plupart d’entre eux, entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marius Adam est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Le 29 octobre, malade du typhus, il est admis au Block 20 (celui des contagieux) de l’ “hôpital” (Revier, HKB) d’Auschwitz, venant peut-être du Kommando extérieur de Budy.

Il meurt à Auschwitz le 2 novembre 1942, d’après  l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Celui établit en France est transcrit à l’état civil de sa commune de domicile le 8 juin 1946, avec la mention « Mort pour la France ».

Son nom est inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie de Saint-Maur « à la mémoire des fusillés et morts en déportation en Allemagne ».

Après la guerre, le Parti communiste édite une carte avec son portrait : « Marius Adam, mort à Auschwitz en 1942, membre du Parti Communiste Français ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 16-06-1989).

Notes :

[1] Saint-Maur-des-Fossés : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’ “Aktion Theoderich : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme «  l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[3] Arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine : Henri Rollin : «  Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention «  communiste  », soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 389 et 393.
- Daniel Grason, notice de Marius Adam, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, site du Maitron-en-ligne, Université-Paris 1.
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Archives de Paris, archives en ligne : registre des naissances du 11e arrondissement, année 1898 (V4E 9228), acte n° 5988 du 26 décembre ;  registre des naissances du 19e arrondissement, année 1899 (V4E 10594), acte n° 2928 du 29 octobre.
- Archives de Paris : registre des matricules du recrutement militaire, classe 1918, 1er bureau, volume 0001-0500 (D4R1 2021), n° 4.
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 12 (38888/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; communication du 23-01-2009.
- Site Mémorial GenWeb, 94-Saint-Maur-des-Fossés, relevé de Bernard Laudet (12-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 29-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.