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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Germaine Pirou naît le 9 mars 1918 à Scrignac (Finistère – 29) dans une famille de quatre filles d’agriculteurs.

Arrêtée pour un acte de défi

En 1942 Germaine Pirou est serveuse dans un café de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine – 35), Au Petit Matelot, où viennent boire les marins de la Kriegsmarine.

Un soir de novembre, le café est plein, un des navires doit appareiller. Elle déteste cette clientèle, elle est exaspérée. Charlotte Delbo rapporte ses propos : « Vous croyez gagner la guerre, mais vous ne la gagnerez pas. Vous partez, mais vous ne reviendrez pas. vous crèverez tous, tous. Les Anglais vont arriver et ils vous couperont le cou. Je le sais. Je suis renseignée. Je suis communiste. »

Elle n’est pas communiste, elle n’a pas d’engagement politique. Elle n’appartient à aucun réseau de Résistance. Ses propos résonnent comme un défi, un cri.

Un mois plus tard, le 17 décembre 1942, Germaine Pirou est arrêtée par la Gestapo à son lieu de travail, Au Petit Matelot. Elle est confrontée à deux matelots qui sont revenus.

Germaine Pirou est incarcérée à la prison de Saint-Malo, puis à celle de Rennes (35).

Le 30 décembre 1942, elle est transférée au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [1] (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Charlotte Delbo note : « À temps pour le départ. » Charlotte Pirou y est enregistrée sous le matricule n° 1354.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).

Le lendemain, Germaine Pirou fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). Dans un courrier adressé au sous-préfet de Compiègne, le commissaire de police de la ville indique : « …dans le courant de l’après-midi, trois camions allemands ont amené au camp de Royallieu une centaine de femmes dont on ignore la provenance. Selon des indications recueillies auprès de personnes habitant aux abords du camp, ces femmes auraient entonné La Marseillaise et L’Internationale ». Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne – sur la commune de Margny – et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [2] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Auschwitz

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Germaine Pirou y est enregistrée sous le matricule 31842. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie policière allemande : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Germaine Pirou a été retrouvée).

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Germaine Pirou doit aller plusieurs fois au Revier : une première fois pour le typhus, une seconde fois pour une infection aux yeux. Elle a failli perdre la vue.

En juillet 1943, Elle est envoyée à Raïsko dans le Kommando de « jardinage », lorsque celui-ci est constitué.

Germaine est renvoyée à Birkenau à cause d’une nouvelle affection aux yeux. Elle réussit à guérir et à rejoindre les autres survivantes qui sont alors en quarantaine.

Ravensbrück-Mauthausen

Le 2 août 1944, Germaine Pirou est transférée au KL Ravensbrück.

Le 2 mars 1945, elle fait partie du convoi de femmes pour le KL Mauthausen.

Elle est libérée dans ce camp le 22 avril 1945.

Le retour à la vie

Germaine Pirou reprend le travail dès son retour. Après quelques temps passés à Scrignac, chez ses parents, elle trouve du travail à Avignon (Vaucluse – 84) par un camarade rencontré à Mauthausen.

Germaine Pirou se marie avec Simon Berger en 1956. Le couple a un fils.

Simon Berger vient de loin. Autrichien, il est enrôlé de force dans la Wehrmacht à l’âge de dix sept ans et demi, tout juste sorti de son apprentissage de maçon. Il participe à la bataille de Stalingrad. À la fin de la guerre, il rentre dans son pays. Il choisit la France. Ne trouvant aucun autre emploi, il s’engage dans la Légion étrangère. Il part pour l’Indochine. Il est blessé à Dien-Bien-Phu. Renvoyé à Marseille, il est démobilisé. Il s’embauche dans une usine d’Avignon. C’est là qu’il rencontre Germaine Pirou.

Germaine Pirou est “victime civile” puisqu’elle n’appartient à aucun réseau de Résistance.

Charlotte Delbo souligne : « Il suffit d’être insolente avec les occupants pour être déportée à Auschwitz. Il ne suffit pas d’être allée à Auschwitz pour être une Résistante. »

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 232-233.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Archives départementales de l’Oise, Beauvais, cote 33W 8253/1, répression des menées antinationales, gaullistes et terroristes.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 11-05-2012)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] Les Lilas : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.