JPEG - 76 ko
Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943,
selon les trois vues anthropométriques de la police allemande.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Claudine Pinet naît le 23 mars 1911 à Niort (Deux-Sèvres – 79). Enfant trouvée, elle n’a pas connu ses parents. Elle grandit à Secondigny-en-Gâtine, où elle va à l’école communale.

En 1928, elle épouse Marcel (Marc ?) Blateau, né le 7 novembre 1904 à Tours (Indre-et-Loire – 37), électricien. Ils ont deux enfants, nés en 1929 et en 1932.

Au moment de leur arrestation, les Blateaux sont domiciliés rue Basse à Matha (Charente-Maritime – 17), où Marcel est agent de section à l’Usine Électrique Rurale.

C’est un militant communiste connu, fidèle à ses convictions et à ses engagements.

En mai 1941, Marcel et Claudine Blateau sont actif dans la clandestinité, au sein du groupe Saint-Just, sous les ordres du capitaine Poilane, service des liaisons et transmissions. En 1942, comme FTP (Francs-tireurs et partisans), ils assurent la liaison des groupes de résistants de Charente-Maritime et de Charente dont Marcel (alias Baptiste) structure l’organisation, transportent des armes pour les détachements Marianne et France, hébergent des combattants, cachent des résistants recherchés par la Gestapo.

Marcel cache les armes récupérées dans une “planque” aménagée à l’intérieur d’un transformateur électrique, près de Matha. Il travaille en liaison privilégiée avec Henri Vinsonneau, chef de bureau à l’Usine Électrique Rurale de Surgères (17), qui connaîtra le même destin que lui.

En mai 1942, René Michel, responsable interrégional politique de l’organisation clandestine conduit Ferdinand Vincent chez Marc Blateau pour aller réceptionner en soirée un parachutage d’armes qui n’a finalement pas lieu.

Le 12 août 1942, les Blateaux sont arrêtés ensemble à leur domicile par le commissaire de police Poinsot accompagné d’agents de la Gestapo. Ils ont été dénoncés par Ferdinand Vincent, arrêté le 28 juillet chez Annette Épaud à La Rochelle. La police perquisitionne, fouille alentour, trouve les armes cachées dans le transformateur.

Après l’arrestation des parents, la mère de Marcel recueille leurs deux enfants, alors âgés de dix et treize ans.

Claudine est emprisonnée à la caserne Boudet, rue de Pessac à Bordeaux, qui dispose d’une prison militaire utilisée comme annexe du Fort du Hâ.

Le 21 septembre 1942, Marcel Blateau est parmi les soixante-dix otages fusillés au camp militaire de Souge, commune de Martignas-sur-Jalle, avec Prosper et Jean Guillon, Alexandre Pateau, Raymond Rabeaux, Lucien Vallina et d’autres époux de futurs “31000” arrêtés dans d’autres circonstances. Ces représailles massives touchent Bordeaux bien que les actions de la résistance armée qui les déclenchent aient essentiellement été menées à Paris ; comme la dernière, frappant le grand cinéma Rex réservé aux troupes d’occupation (Deutsches Soldatenkino) le 17 septembre à 21h55 et faisant deux morts et dix-neuf blessés. [1]

Le 16 octobre 1942, Claudine est parmi les 70 hommes et femmes – dont 33 futures “31000” (les “Bordelaises” et les Charentaises) – transférés depuis le Fort du Hâ et la caserne Boudet de Bordeaux au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [2] (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122 de Compiègne. Claudine Blateau y est enregistrée sous le matricule n° 960.

JPEG - 167.5 ko
L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Pendant trois semaines, les nouveaux arrivants sont isolés, sans avoir le droit d’écrire, puis ils rejoignent les autres internés (hommes et femmes étant séparés mais trouvant le moyen de communiquer). Début janvier 1943, Annette Épaud parvient à faire sortir clandestinement une lettre adressée à sa famille dans laquelle elle signale que les “Charentaises » ignorent ce que sont devenus leurs hommes, arrêtés avec elles.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 21.1 »). Le lendemain, Claudine Blateau fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Mais Betty Jégouzo confirme ce départ en deux convois séparés, partis un jour après l’autre du Fort de Romainville. Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le lendemain matin, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille.

JPEG - 128.9 ko

Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

JPEG - 142.9 ko
Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Claudine Blateau y est enregistrée sous le matricule 31737. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie (la photo d’immatriculation de Claudine Blateau a été retrouvée).

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où se trouvent des compagnes prises à la “course” du 10 février. Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Le 3 août, Claudine Blateau est parmi les survivantes – exceptées celles du Kommando de Raïsko – placées en quarantaine, dans une baraque en bois située en face de l’entrée du camp des femmes ; le Block 31a (?).

Charlotte Delbo précise : «  La quarantaine, c’était le salut. Plus d’appel, plus de travail, plus de marche, un quart de litre de lait par jour, la possibilité de se laver, d’écrire une fois par mois, de recevoir des colis et des lettres. » Néanmoins, cinq Françaises, trop épuisées, y succombent encore. Pour les “31000”, cette période dure dix mois.

Début juin 1944, les “31000” de la quarantaine sont renvoyées au travail, mais affectées dans un atelier de couture moins épuisant où elles ravaudent les vêtements laissés par les Juifs « à l’entrée de la douche » (Ch. Delbo). Des fenêtres de cet atelier, elles voient l’arrivée des convois de Juifs de Hongrie, débarqués sur une dérivation de la voie de chemin de fer qui se prolonge désormais à l’intérieur du camp.

Le 2 août 1944, Claudine Blateau fait partie des trente-cinq “31000” transférées au KL [3] Ravensbrück où elle arrivent le 4 ; la plupart étant enregistrées comme détenues “NN” (pas de travail hors du camp, pas de transfert dans un Kommando).

Le 2 mars 1945, Claudine Blateau est parmi les trente-trois “31000” transférées au KL Mauthausen où elle arrivent le 5 mars après un voyage très pénible.

En les transportant de nuit, on envoie la plupart d’entre-elles à la gare de triage d’Amstetten pour boucher les trous d’obus et déblayer les voies quotidiennement bombardées par l’aviation américaine (trois “31000” seront tuées sous les bombes un mois avant la libération du camp).

Le 22 avril 1945, Claudine Blateau fait partie des trente femmes prises en charge par la Croix-Rouge internationale et acheminées en camion à Saint-Gall en Suisse. De là, elles gagnent Paris par le train où elles arrivent le 30 avril. C’est le groupe le plus important de “31000” libérées ensemble, c’est le “parcours” le plus partagé.

En janvier 1946, Claudine se remarie. De santé précaire, très vite fatiguée, elle se réadapte grâce à son compagnon qui lui épargne toute préoccupation, tout travail.

Elle est homologuée soldat de 2e classe dans la Résistance intérieure française (RIF).

Claudine décède le 15 mai 1981 (sous quel nom ?).

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 42-43.
- Serge Klarsfeld, Le livre des otages, Les éditeurs français réunis, Paris 1979, Les otages de Bordeaux (20.9.1942), pages 174 à 179, et 233 à 235, fiche allemande, page 241.
- Commission d’Histoire du Comité du Souvenir des Fusillés de Souge, site internet.

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 16-04-2010)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] La fusillade du 21 septembre 1942. Le 16 septembre 1942, la Sipo-Sd, qui a pris en charge de la politique des otages initiée par le haut commandement militaire, décide d’organiser des fusillades massives en représailles de plusieurs attentats organisés par la résistance armée contre les forces d’occupation depuis le 11 août précédent, date des dernières exécutions. Au moment de la décision, le nombre de « victimes expiatoires » (Sühnepersonen) est fixé à quatre-vingt-quatre selon un barème multipliant par deux le nombre des militaires allemands tués ou blessés lors de ces actions. La région parisienne ne disposant pas d’autant d’otages fusillables, il est décidé de prendre des hommes détenus à Bordeaux (deuxième grande ville de la zone occupée) soit pour les conduire au Fort de Romainville, camp d’otages, soit pour les exécuter au camp de Souge ; c’est la deuxième solution qui sera retenue pour des raisons de “sécurité”. Avant même les exécutions, le Docteur Horst Laube, responsable de la section II-Ju de la Sipo-SD en France, considère qu’il « ne serait pas recommandé de fusiller tout de suite tous les otages disponibles à Paris, afin qu’à l’avenir dans les cas imprévus, on puisse trouver à Paris des otages à tout moment ». Dans la mesure où le principe en avait déjà été fixé, la fusillade de Souge n’est pas une conséquence directe de l’attentat du Rex, mais celui-ci élève le nombre d’otages désignés et c’est surtout à Bordeaux que sera trouvé le complément. Le 18 septembre, Karl Oberg, chef supérieur des SS et de la police allemande en France depuis mai 1942, entérine les propositions : « J’ordonne en représailles l’exécution de 116 Français dont 70 à Bordeaux et 46 à Paris. » L’avis affiché précise : « …lesquels ont été trouvés coupables d’activités antiallemandes ou communistes ».

Fiche allemande :

29. BLATEAU Marcel, 7.11.1904 Tours, Matha B. est un vieux communiste, pendant l’illégalité était en liaison avec des groupes terroristes et plus tard chef des groupes terroristes de Charente et Charente-Maritime, organisa des groupes terroristes, distribua des armes, avait lui-même 3 pistolets, de l’explosif et des munitions. Selon la terminologie allemande, il est évident que « vieux communiste » veut dire « communiste de longue date ».

[2] Les Lilas. Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.