Après guerre… Droits réservés.

Après guerre…
Droits réservés.

Eugénie, Geneviève Pakula naît le 22 décembre 1922 à Trześń, dans les basses-Carpates, en Pologne, fille de Wladislas Pakula, 34 ans, et d’Agniela Kaldon, 26 ans, son épouse. SSes parents se sont mariés en 1914, à la veille de la Première Guerre mondiale a éclaté. Son père a été mobilisé jusqu’en 1920, en dernier lieu contre l’expansion soviétique : leur couple a été séparé pendant six ans.

Vers 1923, Wladislas Pakula vient travailler en France comme ouvrier agricole dans une ferme du petit village de Bouqueval (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), limitrophe de Goussainville, à 20 km au nord de Paris ; d’abord seul. Son épouse l’y rejoint en 1927, avec leurs enfants : Geneviève et son frère. Tous gardent la nationalité polonaise.

Geneviève et son frère vont à l’école communale du village. À 12 ans et demi, Geneviève obtient le certificat d’études primaires. Ensuite, elle commence à s’occuper de sa petite sœur de quatre ans, pendant que sa mère travaille à la ferme. À quinze ans, Geneviève est placée pour un an comme bonne à tout faire dans une ferme des environs, auprès d’une mère de deux enfants (une fillette de 7 ans et un garçon de 3 ans), qui reste au foyer.

Geneviève veut s’instruire, changer de métier, se faire une situation : elle suit une école du soir et se forme en sténo et secrétariat.

À la déclaration de guerre, début septembre 1939, son frère, âgé de 18 ou 19 ans, s’engage dans un régiment polonais formé en France. Il fait ses classes à Coétquident. Ensuite, versé dans les chasseurs alpins, il est mobilisé pour l’expédition militaire de Narvik, en Norvège. Il revient quinze jours avant l’invasion allemande et, fait prisonnier de guerre, est conduit en détention dans un Stalag près de Hambourg.

En 1942, Geneviève travaille comme secrétaire et aide-manutentionnaire dans la petite entreprise Mondial-Radio, au 4 boulevard de Grenelle, à Paris 15e, fabriquant et réparant des appareils récepteurs de TSF. Le propriétaire et directeur, Stanislaw Swietek, ingénieur-électricien, un compatriote polonais de 45 ans, s’est également engagé lors la déclaration de guerre. Fait prisonnier en juin 1940, il s’est évadé en octobre suivant. En 1942, pendant les pauses déjeuner de son personnel le midi, il répare ou entretient personnellement des postes émetteurs-émetteurs clandestins confiés par un réseau de résistants des Forces Française de l’Intérieur actif en Auvergne et disposant d’une cellule active dans le département de la Seine. Geneviève Pakula – qui veut « faire quelque chose » contre l’armée occupant la France et la Pologne, et qui retient son frère prisonnier – assure la surveillance, lui signalant toute personne paraissant suspecte entrant dans le magasin. Elle réceptionne également les appareils clandestins et, une fois réparés, les transporte jusqu’aux points de livraison qu’on lui indique, dissimulés dans l’ébénisterie de postes de TSF ordinaires ; une fois elle va en déposer un jusqu’à Créteil, dans un garage, sans rencontrer d’interlocuteur.

Le 7 novembre 1942, vers 9 h 30, la Gestapo fait irruption dans le magasin : son patron a été dénoncé. Geneviève est absente et on lui téléphone pour lui demander de venir se présenter à la boutique. N’étant pas des techniciens, les trois policiers en civil qui perquisitionnent ne repèrent pas dans l’atelier un poste émetteur en réparation. Les employés sont convoqués le lendemain au siège de la Gestapo, rue des Saussaies (ils ne seront pas davantage inquiétés). Mais Stanislaw Swietek et Geneviève Pakula y sont conduits aussitôt et séparés. Geneviève, 18 ans, est interrogée en polonais – alors qu’elle parle le français comme sa langue maternelle – pendant une heure, mise au cachot pendant quelques heures, soumise de nouveau à l’interrogatoire : « Qui venait au magasin, principalement après les heures de travail ? » Elle ne dit rien. Selon son témoignage ultérieur, un technicien effectuant lui aussi des réparations, convoqué avec les autres employés au siège de la Gestapo, est également appréhendé. Les deux hommes dédouanent la jeune secrétaire de toute implication, mais sans résultat. Dans la soirée, Geneviève est conduite, seule, au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Elle y est enregistrée sous le matricule n° 1187. Son patron est interrogé encore pendant deux jours, puis transféré lui aussi à Romainville.

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122), surplombée par un mirador. © Musée de la résistance nationale (MRN), Champigny-sur-Marne (94).

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN), Champigny-sur-Marne (94).

Geneviève Pakula s’intègre très bien parmi les femmes qui y sont déjà.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en autocars au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, Eugénie Pakula fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). Dans un courrier adressé au sous-préfet de Compiègne, le commissaire de police de la ville indique : « …dans le courant de l’après-midi, trois camions allemands ont amené au camp de Royallieu une centaine de femmes dont on ignore la provenance. Selon des indications recueillies auprès de personnes habitant aux abords du camp, ces femmes auraient entonné La Marseillaise et L’Internationale ». Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites en camion à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille, parmi lesquels Stanislaw Swietek. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

transportaquarelle

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [2] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir.

Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, en sautant du wagon, Geneviève Pakula remarque que des camions marqués de la Croix-Rouge stationnent au bout du quai de débarquement de la gare de marchandises. Mais on ne les y fait pas monter. Après avoir été alignées, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000” (accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…). © Gilbert Lazaroo, février 2005.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000” (accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Eugénie Pakula y est enregistrée sous le matricule 31794. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche. Au moment de revêtir la tenu du camp, une camarade conseille à Geneviève : « Ne prend pas des chaussures, parce qu’avec la neige tu auras toujours les pieds mouillés ». Elle trouve des sabots à sa taille et même des chaussons de feutre montant au-dessus des chevilles. Elle n’a effectivement pas froid aux pieds, mais les sabots collent à la neige et rendent la marche plus fatigante. Au bout de trois semaines, “Cécile” finira par lui trouver de bonnes chaussures.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail, mais pas de corvée.

Elles savent l’heure du réveil (4 heures du matin) parce que Charlotte Delbo a pu conserver la montre que Robert Dudach lui a donné avant d’être fusillé. À cette époque, il n’existe pas de toilettes à Birkenau. Lors des appels, Geneviève tremble de froid sans pouvoir s’arrêter.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil. La photo d’immatriculation de Geneviève Pakula fait partie de celles qui ont été détruites par l’administration SS lors de l’évacuation du camp.

 

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive).

Alors qu’elle arrive à l’intérieur du Block plongé dans l’obscurité, les amies de Geneviève l’appellent en lui disant qu’elles lui ont laissée une place auprès d’elles dans une des “coyas” supérieures. Elle y rejoint Cécile, Lulu et Jeannette Serre (« Carmen »).

Comme Geneviève parle polonais (de même que deux autres « 31000”), elle traduit à ses camarades les ordres des kapos. Peut-être est-ce pour cette raison qu’elle n’est pas battue à l’intérieur de son Block.

Les châlits du Block n° 26. La partie inférieure, au ras du sol, est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues. Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible de s’assoir. Photo Mémoire Vive.

Les châlits du Block n° 26. La partie inférieure, au ras du sol,
est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues.
Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible
de s’assoir. Photo Mémoire Vive.

Par contre, dans les Kommandos de travail où elles commencent à partir, Geneviève reçoit des coups si violents dans le dos qu’elle contracte un anthrax (grosse infection sous-cutanée) dont elle gardera la cicatrice.

Au moment où se forment ces Kommandos extérieurs, elle et ses camarades se donnent les bras pour rester ensemble autant que possible.

Geneviève travaille d’abord à la démolition de maisons polonaises ; récupération et transport des briques.

Ensuite, elle est dirigée vers un secteur des marais où l’on creuse à la bêche des bassins rectilignes pour y installer un élevage piscicole.  Elle y porte des tragues que ses camarades remplissent de terre. Par la suite, elle accède à un travail plus supportable dans des pépinières où elle lie des pousses de peupliers (peut-être a-t-elle pu faire savoir qu’elle connaissait les travaux de la ferme…).

À la mi-avril 1943, ayant contracté le typhus, elle est admise au Revier, où elle reste une semaine. Elle en sort aussitôt après avoir émergé du coma, afin d’échapper aux sélections qui sont opérées parmi les malades.

À partir de juin, avec une vingtaine d’autres “31000” parmi environ deux cents détenues, Geneviève parvient à être affectée comme jardinière au Kommando agricole de Raïsko. Elles y sont employées au projet d’amélioration génétique d’une plante, le kogh-saghiz, afin de produire un caoutchouc de substitution : pour éviter les contaminations, chaque plan végétal est isolé des autres par une cage de tulle qu’il faut soulever avant de pouvoir sarcler la terre. Le travail est moins pénible, mais elles doivent tous les jours parcourir aller-retour le chemin exténuant de Birkenau à Raïsko.

En juillet, elles sont installées sur place : des lits individuels, des douches une fois par semaine et pas de vol de nourriture par les chefs de Block, pratiquement pas de coups. Raïsko veut dire « paradis » en polonais…

Le 7 janvier 1944, dix françaises doivent être transférée au camp de femmes de Ravensbrück. Comme il faut ne transférer que des sujets en bonne santé, on prend leur température. Geneviève et Lucie Mansuy, fiévreuses, ne partent pas. Elles sont conduites au Revier de Birkenau. Lucie en est si malheureuse que, si elles n’avaient pas été ensemble, elle se serait jetée sur les barbelés.

Deux jours après, la fièvre est tombée et elles rejoignent les autres “31000”, placées six mois plus tôt dans un Block de quarantaine, une baraque en bois située en face de l’entrée du camp des femmes, où elles ne sont plus soumises aux Kommandos extérieurs et aux appels.

En juin 1944 (en lien avec le débarquement allié en Normandie ?), les “31000” de la quarantaine sont renvoyées au travail, mais affectées dans un atelier de couture moins épuisant où elles ravaudent les vêtements laissés par les Juifs « à l’entrée de la douche ». Depuis les fenêtres de cet atelier, elles voient l’arrivée des convois de Juifs de Hongrie, débarqués sur une dérivation de la voie de chemin de fer qui se prolonge désormais à l’intérieur du camp.

Le 2 août 1944, Geneviève Pauquet fait partie des trente-cinq “31000” transférées au KL Ravensbrück où elles arrivent deux jours plus tard ; la plupart étant enregistrée comme détenues “NN” (pas de travail hors du camp, pas de transfert dans un Kommando éloigné) et assignées à un Block réservé, le n° 32, qu’elles partagent avec des soldates soviétiques ayant conservé leurs uniformes. Geneviève y est enregistrée sous le matricule 47981. Elle reçoit une nouvelle tenue du camp, dont elle ne changera pas jusqu’à sa libération.

Elle croise plusieurs camarades arrivées en janvier précédent, dont Cécile, qui lui donne une brosse à dents et lui promet du dentifrice pour le lendemain. Mais le jour suivant, celle-ci est prise dans un transport vers le Kommando de Beendorf.

Au début, Geneviève Pauquet est dans un Kommando chargé d’entretenir – en y déposant plusieurs couches de mâchefer compactées au rouleau – les routes entre les Blocks de travail internes au camp où se trouvent la blanchisserie, l’atelier de couture…

Ensuite, elle intègre un Kommando transportant sur un chariot des bidons de soupe vides. Auparavant, de robustes soldates russes assuraient l’ensemble de la rotation des bidons pleins puis vidés. Mais, le camp devenant surpeuplé avec l’arrivée massive des concentrationnaires évacuées, celles-ci ne suffisent plus à la tâche. Au cours de l’hiver 1944-1945, ce travail de récupération des bidons permet à Geneviève de traîner un peu au chaud dans les Blocks où elle doit aller les chercher.

Le 2 mars 1945, elle est parmi les trente-trois “31000” prises dans un transport de 2300 détenues transférées au KL Mauthausen, en Autriche annexée, où elle arrivent le 5 mars après un voyage très pénible. Elles sont immatriculées très rapidement par une mobilisation de tous les secrétaires détenus, Geneviève y étant enregistré sous le numéro 2316. Afin de créer un secteur réservé aux femmes dans ce camp d’hommes, l’administration SS vide le petit camp intérieur clôturé où étaient des prisonniers de guerre russes, dès lors répartis dans d’autres secteurs.

Dès la première nuit de leur arrivée, un premier groupe d’environ 1200 de femmes est transporté jusqu’à la grande gare de triage d’Amstetten afin de boucher les trous d’obus et déblayer les voies quotidiennement bombardées par l’aviation américaine. Le lendemain, Geneviève est dans les 300 femmes qui sont prises pour y aller à leur tour. Quand les bombardiers alliés reviennent, elles courent se réfugier dans un bois voisin (néanmoins, trois “31000” sont tuées sous les bombes).

Ensuite, Geneviève se porte volontaire pour le Kommando de la blanchisserie où elle est affectée au pressing, y restant un certain temps.

Un soir, des détenues qui travaillent aux silos de patates rapportent qu’elles ont vu des personnels de la Croix-Rouge. Le lendemain, les Françaises et Belges sont rassemblées sur la place d’appel, avec leurs affaires, puis dans une clairière devant l’entrée du camp. La plupart craint alors que cette référence à la Croix-Rouge ne soit qu’un stratagème pour les exécuter. Mais des camions arrivent… Cependant, ils ne sont pas assez nombreux pour les emmener toutes. Geneviève fait partie de celles qui restent sur place. Ramenées au camp, elles passent la nuit dans la blanchisserie où elle a travaillé.

Le 22 avril 1945, elles sont trente “31000” prises en charge par la Croix-Rouge internationale. Les camions rejoignent la frontière suisse en longeant le lac de Constance. Le chauffeur canadien de celui dans lequel se trouve Geneviève est inquiet, car le délai imparti risque d’être dépassé avant leur arrivée à la frontière.

Arrivées à Saint-Gall en Suisse, sur la rive opposée du lac de Constance, on les installe dans une école. À Annemasse (?), à la frontière avec Genève, on leur fait passer des radiographies et on leur remet une carte de rapatrié. Le 30 avril, elles arrivent Paris par le train, à la gare de l’Est : c’est le groupe le plus important de “31000” libérées ensemble et c’est le “parcours” le plus partagé à partir de Ravensbrück.

Après leur passage au centre de rapatriement de l’hôtel Lutetia, un amie emmène Geneviève dormir chez des amis parisiens. Le lendemain matin, elles participent ensemble au défilé du premier mai. Elle a 22 ans.

Aussitôt après, Geneviève se rend à la gare du Nord pour prendre le train régulier de 14h20. Arrivée à la gare proche de son village, elle part directement par un chemin de terre, à travers champs, pour rejoindre la ferme où sont ses parents, à 3 km. En chemin, elle est rattrapée en voiture par le régisseur de la ferme arrivé trop tard pour l’accueillir à la gare. Il la conduit au café du village où elle est rejointe par sa mère, qu’il s’agissait de ménager.

Au matin de la première nuit au domicile familial, Geneviève, qui dort dans une chambre du rez-de-chaussée, est réveillée avec effroi par des voix de soldats allemands marchant au pas : ce ne sont que dix prisonniers de guerre travaillant à la ferme.

Son frère est rapatrié une quinzaine de jours après elle ; à Hambourg, il a dû travailler en usine et a subi les intenses bombardements alliés sur la ville portuaire et industrielle.

Pendant environ six mois, Geneviève Pakula participe à l’activité de l’Amicale d’Auschwitz, rue Leroux (Paris 16e), notamment en remplissant des fiches de renseignements.

Puis elle trouve du travail dans une usine de confection, dirigé par un ancien résistant qui a participé à la Libération de Paris.

Elle se marie en 1946 avec Monsieur Pauquet, chauffeur de taxi. Une fille naît en 1948, puis un garçon, Claude, né en 1954 à Montmorency (Seine-et-Oise / Val-d’Oise). Elle fait de la confection à domicile.

En 1948, son père, Wladislas Pakula, toujours ouvrier agricole, meurt écrasé par un tombereau sous la roue duquel il est tombé, dans la cour de la ferme, à Bouqueval.

En 1958, ses amies la pousse à faire des démarches administratives pour être homologuée comme déportée résistante avant que celles-ci soient prescrites.

Son frère meurt de leucémie en 1960.

« Des souvenirs la poursuivent : un convoi arrive, débarque près de la chambre à gaz. Des SS, à coups de bâton, en hurlant, font ranger les arrivants. Un gosse de six ou huit ans, fatigué et énervé par le voyage, ne se range pas assez vite. Le SS injurie la mère et l’enfant. Et la mère gifle l’enfant.
Quand les gens arrivaient dans l’allée qui les conduisait à la chambre à gaz, ils y voyaient un bassin rempli d’eau. Privés de boire pendant tout le temps du voyage, jamais moins de trois jours, ils se précipitaient. Les SS attendaient qu’ils soient accroupis pour les faire relever à coups de crosse. » (Charlotte Delbo, 1965)

Geneviève Pauquet reçoit la Médaille militaire sous de Gaulle, la Légion d’honneur en juillet 1977, puis est élevée officier (de la Légion d’honneur) en 1992.

En 1987, elle fait un voyage en Pologne avec son mari et son fils, au cours duquel elle est photographiée par Claude devant le Block 26 du camp de femmes de Birkenau.

Dix ans plus tard, en 1997, Claude Pauquet fait seul en train, comme photographe, le trajet de déportation de sa mère, de Compiègne à Auschwitz, puis à Ravenbrück et Mauthausen.

Geneviève Pauquet ne rencontre qu’à une ou deux occasions de jeunes scolaires, répondant alors aux questions préparées avec leurs professeurs. Sinon, la plongée dans ses souvenirs lui est toujours trop douloureuse. Elle estime qu’il existe suffisamment de livres pour dire la cruauté des camps de concentration nazis.

En 2000 elle s’installe à Poitiers avec son mari, alors à la retraite, pour se rapprocher de leur fils.

En 2003, celui-ci publie un ouvrage édité conjointement par les Éditions du Temps qu’il fait et l’Université de Poitiers, Convoi vers l’Est et retour, recueil de 33 photographies panoramiques prises lors de son voyage six ans plus tôt, suivi d’un entretien avec sa mère.

Le 22 juin 2006, Geneviève Pauquet témoigne dans un enregistrement vidéo pour l’association VRID (Vienne résistance internement déportation). https://www.youtube.com/watch?v=wA79_JSzwdQ

© VRID

© VRID

En janvier ou février 2015, elle est brièvement interviewée par La Nouvelle République.

Geneviève Pauquet décède le 4 juillet 2015, à Poitiers.

Sources :
- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 220-221.
- Jean Amand, fils de René Amand, 45167, mort à Auschwitz-Birkenau (messages 01 et 02-2013).
- Claude Pauquet, Convoi vers l’est et retour, 33 photographies panoramiques imprimées en deux tons, suivies d’un entretien avec sa mère, Geneviève Pauquet, édité conjointement par Les Éditions du Temps qu’il fait et l’Université de Poitiers, 2003.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Thomas Fontaine, Les oubliés de Romainville, un camp allemand en France (1940-1944), avec le concours du Conseil général de Seine-Saint-Denis, éditions Tallandier, 2005, pages 74 à 86.
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004 : transport I.74. pages 577-579, 589, Pakula Geneviève ; page 647, Swietek Stanislaus, matricule 58156 à Sachsenhausen.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : dossiers individuels du cabinet du préfet sous l’occupation, dossier commun Swietek-Pakula (1w1964-107494).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 15-03-2017)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] Bouqueval : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

[3] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus, ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.