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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Paulette Parant, dite « Pépée », naît le 13 novembre 1918 à Paris 13e, fille de Paul Parant, alors boulonnier, et d’Adélaïde Didier, 17 ans, taraudeuse, son épouse, domiciliés au 2, rue Gosselin, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).

Pépée suit un cours de sténodactylographie et devient secrétaire.

Membre du Parti communiste et de l’UJFF

Le 14 mars 1936, elle adhère au parti communiste, puis à l’Union des jeunes filles de France (UJFF).

Le 26 septembre 1939, Daladier, Président du Conseil, promulgue un décret-loi interdisant les organisations en lien avec la IIIe Internationale. Le soir-même, selon le témoignage de Mounette Dutilleul, Pépée Parant, dactylo, fait partie des quatre personnes assurant une permanence au siège du Comité central du PCF, au 44, rue Le Peletier, quand les policiers viennent y effectuer une perquisition ; elle est aux côtés de Georges Poupon, collaborateur du Comité Central, de Mocquet, responsable du service d’ordre, frère du député Prosper Mocquet et oncle de Guy, et de Damien, portier du bâtiment.

Georges Poupon, qui est en liaison indirecte avec Jacques Duclos et Georges Cogniot dont il reçoit les “papiers”, s’est vu confier une forte somme d’argent pour subvenir aux frais de la petite équipe avec laquelle il a pour mission de sortir au plus vite une première Humanité clandestine. Le 28 septembre, une ronéo planquée chez une fleuriste des Halles de Paris en imprime les premiers exemplaires, puis deux lettres aux Fédérations du Parti, les communiqués du groupe parlementaire communiste, une revue de presse destinée aux militants de la direction non mobilisés, la lettre de Marcel Cachin à Léon Blum. L’équipe de Georges Poupon se compose de quatre dactylos – “Pépée” Parant, Biquette, Simone, Blanche – et dispose de deux machines à écrire, d’une ronéo et d’un petit stock de papier et de stencils. Elle fonctionne chez la fleuriste sous la protection de la cellule des bouchers des Halles (de ce qu’il en reste, vu la mobilisation). Quand Blanche est arrêtée dans une rafle, l’équipe doit déménager. Elle se transfère à Vitry-sur-Seine, dans un petit pavillon. Mais, peu de jours après, les vieux camarades qui l’habitent sont pris de panique et le disent. Il faut re-déménager : ce sera Athis-Mons, Ivry, et bien d’autres lieux, en ce qui concerne la région parisienne. Car il faut maintenant non seulement réduire chaque équipe – en quelque sorte les décentraliser – mais aussi les multiplier. C’est l’heure de faire sortir des trous où elles sont cachées les ronéos et les machines à écrire. »

La Résistance

À partir du 1er mai 1941, Paulette sert d’agent de liaison entre les organisations constitutives du Front national, à Paris et en banlieue, tout en restant au sein de l’appareil technique qui édite et distribue des tracts anti-allemands.

Le 14 juin 1941, à Ivry-sur-Seine, elle épouse Jean, Roger, Bourbon, employé des PTT, né le 19 juillet 1918 à Pauillac (Gironde – 33). Ils ont 22 ans tous les deux.

Elle demeure alors chez ses parents, boulevard Sadi-Carnot.

L’arrestation

Le 1er mars 1942, Paulette est arrêtée à la sortie du métro Porte-d’Ivry. Elle était suivie depuis quelques jours déjà.

Elle est d’abord gardée à vue dans les locaux de Renseignements généraux, à la préfecture de police, à Paris.

Le 10 mars, elle est conduite au dépôt. Le 23 mars, elle est transférée à la Maison d’arrêt de la Santé – division allemande, au secret.

Le 24 août, elle fait partie d’un groupe de détenues – dont trente-cinq seront déportées avec elle – transférées au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [1] (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122, gardé par la Wehrmacht.

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L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Paulette Bourdon y est enregistrée sous le matricule n° 651.

Le 22 janvier 1943, elle fait partie des cent premières femmes otages qui sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).

Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites en camion à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [1] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été extraites de wagons et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Paulette Bourdon y est enregistrée sous le matricule 31654. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Paulette Bourdon a été retrouvée).

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive).

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Les châlits du Block n° 26. La partie inférieure, au ras du sol,
est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues.
Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible
de s’assoir. Photo Mémoire Vive.

Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail. Paulette fait les commandos des marais et des démolitions jusqu’à la quarantaine à Birkenau.

En septembre 1943, Paulette a une pleurésie et est soignée clandestinement par le docteur Hautval qui vient du camp – les deux bâtiments de quarantaine se trouvent juste à l’extérieur – lui faire des ponctions et des piqûres d’insuline (une doctoresse tchèque vole le médicament au Revier [2]), car la quarantaine est interdite au malades.

Ravensbrück et Mauthausen

Le 2 août 1944, comme les autres survivantes passées par la quarantaine, elle part dans un transport qui arrive au KL Ravensbrück deux jours plus tard, la plupart étant enregistrée comme détenues “NN” (pas de travail hors du camp, pas de transfert dans un Kommando).

Le 2 mars 1945, Paulette est parmi les trente-trois “31000” transférées au KL Mauthausen où elle arrivent le 5 mars après un voyage très pénible.

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Mauthausen. Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

En les transportant de nuit, on conduit la plupart d’entre-elles à la gare de triage d’Amstetten pour boucher les trous d’obus et déblayer les voies quotidiennement bombardées par l’aviation américaine (trois “31000” seront tuées sous les bombes).

Le 22 avril 1945, Paulette Bourdon fait partie des trente “31000” prises en charge par la Croix-Rouge internationale et acheminées en camion à Saint-Gall en Suisse. De là, elles gagnent Paris par le train où elles arrivent le 30 avril, veille du 1er mai 1945, pour le défilé. C’est le groupe le plus important de “31000” libérées ensemble, c’est le “parcours” le plus partagé.

Le retour

À son retour, elle est veuve : Jean Bourdon est mort le 12 décembre 1943 (cause à préciser).

Le 10 novembre 1945, à Ivry-sur-Seine, elle se marie avec Georges Prunières, typographe, né le 29 mai 1919 à Ivry, en présence de Léon Mauvais et de Marie-Claude Vaillant-Couturier. Ils ont deux deux enfants : une fille, née le 3 avril 1946 et un fils, Michel, né le 18 avril 1956.

Paulette Prunières décède à Fleury-Mérogis (Essonne) le 14 avril 1989.

La famille

Le frère de son père a été interné de 1943 jusqu’à la Libération.

Le frère de son mari, Raymond Prunières, secrétaire de la Jeunesse communiste de 1934 à 1937 à Ivry, a été arrêté le 11 juin 1942, condamné aux travaux forcés à perpétuité, interné à la Maison centrale d’Eysses à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) et déporté dans le transport de 2139 hommes parti de Compiègne le 18 juin 1944 et arrivé deux jours plus tard au KL Dachau (matr. 73914). Comme un tiers des détenus de ce transport, il est affecté au Kommando d’Allach, créé près du camp central et travaillant notamment pour la firme BMW. Il en revient très malade en 1945.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 240.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, transport I.229, par Thomas Fontaine, Manuel Maris, tome 3, pages 895-896, 966 (Raymond Prunières).
- Page internet, Les Mémoires de Mounette Dutilleul.
- Message de gmcprune (05 et 07-2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 2-07-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.

[2] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus, ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.