Photo anthropométrique prise le 25 août 1942
par le service de l’identité judiciaire.
© Archives de la Préfecture de Police (APP), Paris.

Marie, Suzanne, Meugnot naît le 29 août 1896 à Flavigny-sur-Ozerain (Côte-d’Or – 21), fille de Louis, Léonard, Meugnot, 39 ans, chauffeur à la fabrique d’anis de l’abbaye (chez Galimard), et de Marie Adam, 37 ans, son épouse, domiciliés au 11, rue du Trop Chaud.

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Flavigny-sur-Ozerain. Carte postale colorisée des années 1950.
Collection Mémoire Vive.
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L’Abbaye de Flavigny, la fabrique de bonbons à l’anis.
Carte postale promotionnelle éditée par Galimard, fabriquant
(non datée). Collection Mémoire Vive.

Suzanne a de nombreux frères et sœurs plus âgés : Amédée, Marcelle, Louis, née en 1887, Espérance, née en 1890, Louis, né en 1891, Hilaire, né en 1894.

Lors du recensement de population de 1911, Suzanne Meugnot – 15 ans – a quitté le domicile familial, et même son village, alors que plusieurs de ses frères et sœurs y ont trouvé un emploi, deux d’entre eux habitant encore chez leurs parents.

Ayant conservé son nom de jeune fille, il est possible qu’elle ne soit pas mariée (à moins qu’elle ait divorcé…).

Au moment de son arrestation, elle vit maritalement avec Gaston A., né le 12 août 1897 à Passay (Haute-Marne), imprimeur, demeurant au 44, rue Tiquetonne, à Paris 2e.

Sous l’Occupation, membre d’un groupe de la résistance armée communiste, elle est notamment chargée de trouver des locaux pour l’activité clandestine. Ainsi, elle met à la disposition de Georges Boisseau une maisonnette située à Goussainville afin de servir à l’hébergement des illégaux.

Suzanne Meugnot est interpellée par la police française à la suite de l’arrestation de Georges Boisseau, le 22 août 1942, lors de la tentative d’incendie d’un camion allemand rue du Pas-de-Calais, à Paris. Une perquisition opérée dans sa maison de Goussainville amène « la découverte d’un pistolet en parfait état » que lui a remis Arthur J., autre membre du groupe.

Un rapport de police daté du 28 août indique que « 19 arrestations ont été opérées jusqu’à ce jour », parmi lesquels Paul Tillard.

Le 14 octobre 1942, Suzanne Meugnot est internée au camp allemand du Fort de Romainville, sur la commune des Lilas [1] (Seine-Saint-Denis – 93), en même temps qu’ Anna Sabot avec qui elle se chamaille. Les rescapées ne se sont pas rappelées d’où elles venaient, laquelle reprochait à l’autre de l’avoir fait arrêter, et pourquoi ?

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L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Suzanne Meugnot y est enregistrée sous le matricule n° 888.

Le 22 janvier 1943, elle est parmi les cent premières femmes otages transférées en autocar au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquant « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites en camions découverts à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille.

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [2] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

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Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Suzanne Meugnot y est probablement enregistrée sous le matricule 31712, selon une correspondance établie avec le registre d’écrou de Romainville.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Suzanne Meugnot n’a pas été retrouvée, ce qui a pu faire écrire à Charlotte Delbo que celle-ci était morte avant la séance de prises de vues).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz avant
l’évacuation du camp en janvier 1945. Réalisé le 3 février 1943,
le portrait d’immatriculation de cette détenue a disparu.

Suzanne Meugnot meurt à Birkenau le 8 mars 1943, selon l’acte de décès du camp. Aucune rescapée ne se souvient des conditions de sa disparition.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 199.
- Archives départementales de Côte-d’Or, archives en ligne, recensements de population de 1896, 1906 et 1911, cotes 10 M 279-12 et 13 14. - Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; dossiers de la BS1 (GB 51 ; erreur de classement ?), « affaire Boisseau Georges (affaire Romagne) », 08/09-1941.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrit, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 803 (14065/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 30-01-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

[1] Les Lilas : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.