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Un beau portrait de studio…
Très probablement d’après-guerre.

Renée Legros naît le 19 novembre 1921, à Paris 13e, fille de René Legros, 28 ans, mouleur, et de ???.

En 1935, la famille Legros s’installe au 31, avenue du Maréchal Foch à Combs-la-Ville (Seine-et-Marne – 77), où les parents ont fait construire un pavillon grâce à la loi Loucheur. Militant communiste, René Legros devient trésorier de la cellule locale du Parti.

Ayant appris le métier de couturière, Renée, dite « Bichette », va travailler à Paris chez divers grands couturiers, Maggy Rouff [1] entre autres.

En septembre 1940, Renée est fiancée avec Gustave Pitiot, né le 21 avril 1920 à Paris 16e, domicilié chez ses parents au 10, rue des Écoles à Combs et commis du Trésor à la perception de Brunoy, une commune limitrophe. Le père de Gustave est « connu pour ses idées communistes ».

Gustave est un jeune militant communiste, connu de la police avant guerre pour avoir été trésorier du Cercle de l’espérance des jeunesses communistes de Combs-la-Ville de 1937 à 1939. La police le surveille. Ainsi, elle rapporte que « Le samedi 24 août 1940, au train venant de Paris et arrivant en gare de Combs-la-Ville à 18h34, Bangard Léon [2] et Pitiot Gustave descendirent ensemble de ce dernier. Bangard Léon était porteur d’un paquet qui – d’après certaines personnes – était un paquet de tracts et de journaux. À noter que c’est cette nuit-là que furent apposés les premiers papillons communistes à Combs-la-Ville ».

C’est ainsi qu’une perquisition est ordonnée à leurs domiciles respectifs en septembre 1940, qui montrera seulement que Gustave Pitiot avait également été membre d’un Comité de diffusion de L’Humanité (CDH) avant-guerre.

En novembre 1941, Renée et Gustave se marient. Pendant un temps, le jeune ménage vit chez les parents de Renée.

Gustave Pitiot reste actif dans la clandestinité.

À la mi-juin 1941, convoqué par le commissaire spécial de Melun, le jeune homme observe « un silence complet sur ses activités et ses relations antérieures ».

Le 20 septembre 1941, le préfet de Seine-et-Marne signe un arrêté ordonnant son internement au camp de Rouillé (Vienne). Mais Gustave Pitiot quitte le domicile de ses beaux-parents le 27 septembre, avant d’être arrêté par la gendarmerie, pour aller habiter (seul ?) au 180 bis, rue de Charenton, à Paris 12e. Puis le couple trouve un logement aux Lilas (au 4 rue Vidal-Lablache, Paris 20e – APPP).

Gustave Pitiot est tout entier engagé dans la résistance, sous le pseudonyme de Le Breton. Renée le seconde. On la connaît alors sous le nom de « Cunégonde ». Vers le 20 octobre 1941, le père de Renée, Monsieur Legros, est arrêté par les autorités d’occupation et interné à Compiègne.

Gustave Pitiot sent la police sur sa trace. Mari et femme se séparent pour la dépister, après avoir vécu ensemble moins de sept mois.

Renée se réfugie à Moret-sur-Loing (77), chez des amis qui lui trouvent un abri.

Gustave Pitiot est arrêté le 17 ou le 18 juin 1942. Il demeure alors au 113, boulevard de Sébastopol, porteur d’une fausse carte d’identité au nom de « Laurent ». Dans sa “planque” sont découvert des documents relatifs à la propagande communiste clandestine (Affaire Tintelin).

Trois jours après avoir pris son mari, les brigades spéciales arrêtent Renée Pitiot à Moret-sur-Loing.

Au dépôt de la préfecture de police, elle rejoint les jeunes Francs tireurs et partisans (FTP) arrêtés le 18 juin : Madeleine Doiret, Lulu Thévenin et sa sœur Carmen, Jacqueline Quatremaire…

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Photographiée par le service de l’identité judiciaire
de la Préfecture de Police, le 17 juillet 1942.
© APP.

Le 10 août, tous – dont vingt futures “31000” – sont conduits au camp allemand du fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [3] (Seine-Saint-Denis). Renée Pitiot y est enregistrée sous le matricule n° 608.

Le lendemain, 11 août 1942, Gustave Pitiot est fusillé parmi quatre-vingt-dix otages exécutés en représailles au fort du Mont Valérien, à Suresnes (Hauts-de-Seine). Il a vingt-deux ans.

Toujours interné à Royallieu, René Legros, le père de Renée, est libéré après l’exécution de son gendre.

Le 22 janvier 1943, Renée Pitiot fait partie des cent premières femmes otages transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquant « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-II) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Renée Pitiot y est enregistrée sous le matricule 31629. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart portant un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation de Renée Pitiot a été retrouvée).

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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

À Birkenau, Renée Pitiot a la dysenterie, le typhus exanthématique, les maladies du camp.

Le 3 août, elle est parmi les survivantes – exceptées celles du Kommando de Raïsko – placées en quarantaine, dans une baraque en bois située en face de l’entrée du camp des femmes.

Charlotte Delbo précise : « La quarantaine, c’était le salut. Plus d’appel, plus de travail, plus de marche, un quart de litre de lait par jour, la possibilité de se laver, d’écrire une fois par mois, de recevoir des colis et des lettres. » Néanmoins, cinq Françaises, trop épuisées, y succombent encore. Pour les “31000”, cette période dure dix mois.

Au même moment, les détenus politiques français d’Auschwitz et Birkenau obtiennent le droit d’écrire, malgré leur enregistrement au camp sous le statut “NN”.

En juin 1944, les “31000” de la quarantaine sont renvoyées au travail, mais affectées dans un atelier de couture moins épuisant où elles ravaudent les vêtements laissés par les Juifs « à l’entrée de la douche ». Des fenêtres de cet atelier, elles voient l’arrivée des convois de Juifs de Hongrie, débarqués sur une dérivation de la voie de chemin de fer qui se prolonge désormais à l’intérieur du camp.

Après le débarquement allié en France, un niveau front s’est créé que le courrier ne franchit plus.

Le 2 août 1944, Renée Pitiot fait partie des trente-cinq “31000” transférées au KL Ravensbrück où elles arrivent le 4 ; la plupart étant enregistrée comme détenues “NN” (pas de travail hors du camp, pas de transfert dans un Kommando).

Le 2 mars 1945, elle est parmi les trente-trois “31000” transférées au KL Mauthausen où elle arrivent le 5 mars après un voyage très pénible.

En les transportant de nuit, on conduit la plupart d’entre-elles à la gare de triage d’Amstetten pour boucher les trous d’obus et déblayer les voies quotidiennement bombardées par l’aviation américaine (trois “31000” seront tuées sous les bombes).

Le 22 avril 1945, Renée Pitiot fait partie des trente “31000” prises en charge par la Croix-Rouge internationale et acheminées en camion à Saint-Gall en Suisse. De là, elles gagnent Paris par le train où elles arrivent le 30 avril. C’est le groupe le plus important de “31000” libérées ensemble, c’est le “parcours” le plus partagé.

Pendant un séjour de convalescence en Alsace, Renée Pitiot rencontre un ancien sous-officier avec qui elle se marie en septembre 1945.

Le nouveau ménage s’installe à Combs-la-Ville, à côté des parents Legros. Ils ont trois enfants, des filles nées en 1946, en 1949 et en 1952.

Mais, en 1961, Renée, malade dès son retour et qui a présumé de ses forces, succombe à une crise rénale.

La carte de Déportée Résistante, qui lui aurait donné droit à une pension plus forte, ne lui a été délivrée qu’après sa mort.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 233-234.
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, cabinet du préfet ; relations avec la Feldkommandantur (Sc51245).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-01-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

[1] Marguerite Besançon de Wagner dite Maggy Rouff, est une créatrice de mode française d’origine belge et allemande, née en 1896 à Paris, où elle est morte le 7 août 1971. Elle a créé en 1929 la maison de haute couture Maggy Rouff qu’elle a dirigée jusqu’en 1948. (source Wikipedia)

[2] Bangard Léon, né le 25 novembre 1894 à Paris, demeurant 83 avenue Maréchal Foch à Combs-la-Ville, a exercé jusqu’à la dissolution du Parti communiste, la profession de clicheur au journal “L’Humanité” Représenté comme très intelligent, il est en relations constantes avec Pitiot Gustave… » « Bangard, de par sa profession, ne semble pas être étranger à la confection du numéro de L’Information de Seine-et-Marne qui fut distribué à Combs-la-Ville le 1er septembre courant (1940) ».

[3] Les Lilas et Suresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine (transfert administratif effectif en janvier 1968).